6. Seth

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Quelques heures plus tard



Bogota, Colombie...



Le retour à la réalité fut un choc !

Mettre un pied dehors après tant de temps, constater que le monde continue à tourner, que les gens continuent à vivre comme si de rien n'était après tout ce qui m'était arriver, me faisait mal au cœur. C'est dans ce genre de situation qu'on se rend compte qu'on n'est que de passage dans ce bas monde. Certes, une fois partis, on nous pleurera, mais... pour combien de temps?

Une semaine... deux semaines... tout un mois ?

Dans tous les cas, le résultat final reste le même. Ceux qui restent retrouveront leur quotidien, certains nous oublieront, d'autres nous feront vivre dans leur mémoire éternellement. En fin de compte, la personne qui est partie est celle dont le monde a cessé de tourner.

Après des heures de trajet, j'ai finalement atteint l'entrée de mon ancien orphelinat à Bogota  .

Ça faisait du bien d'être revenue. Depuis que je suis partie il y a plus de quatre ans et demi, je n'ai pas eu l'occasion de revenir. C'est le meilleur endroit pour recharger les batteries.

Cet endroit est rempli de bons tout comme de mauvais souvenirs. Dès l'entrée, ses souvenirs ont refait surface de plus belle. Les moments passés ici avec Alma resteront à jamais gravés dans ma mémoire.

Nous avons grandi ensemble, et nous avons tout fait ensemble. Nous avons connu nos premières déceptions amoureuses ensemble. Nous passions toutes nos journées à rire. Nous étions jeunes et insouciantes. C'était la meilleure période de toute mon existence. Je donnerais n'importe quoi pour revivre ces moments, une dernière fois.

L'orphelinat n'a pas beaucoup changé. Les murs, bien que délabrés, dégagent toujours cette chaleur familière. Les cris des enfants jouant dans la cour résonnent. Je me rappelle  encore des courses-poursuites endiablées entre nous, des cache-cache dans chaque recoins, et des histoires que nous inventions.

À son arrivée, Alma avait eu beaucoup de mal à s'intégrer. Passer d'une famille heureuse à la vie d'orpheline peut être dur à vivre. Au début, elle restait dans son coin et ne parlait jamais à personne. Elle était très timide, toujours introvertie, et parlait rarement.

La mort de ses parents lui avait laissé des séquelles. Elle se réveillait parfois en sursaut au beau milieu de la nuit, hantée par des cauchemars du terrible jour où ses parents ont perdu la vie.

J'étais la seule avec qui elle a sociabilisé rapidement. On était sûrement faites pour se rencontrer, pour combler le vide laissé par nos parents. Nous sommes très vite devenu comme une famille, jamais l'une sans l'autre. On était de véritables âmes sœurs.

Grâce à moi, elle a retrouvé goût à la vie, et grâce à elle, je me suis sentie moins seule et abandonnée. J'avais l'impression de m'être fait une grande sœur.

Je suis vraiment anéantie par sa disparition. Je n'aurais jamais cru, le jour où nous avons quitté l'orphelinat, que la prochaine fois que je reviendrais, elle ne ferait plus partie de ce monde. La vie est tellement imprévisible.

—Emory ? m'interpelle Marraine María, la directrice de l'orphelinat.

Elle n'est pas qu'une simple directrice ; elle a joué un rôle important dans nos vies. Elle est comme une mère pour moi, pour nous toutes d'ailleurs, qui avons grandi et continuons à grandir dans ce lieu.

Elle s'est occupée de moi depuis mon arrivée et continue toujours de le faire. Je ne pouvais pas rêver mieux comme deuxième maman.

—Tu as vu les nouvelles ? Alma est... est...dis-je d'une voix tremblante.

L'imposteur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant