L'amour des invisibles

[Chapitre 4 - June] Dream big or don't!

Après environ 30 minutes de bus à admirer des paysages aux couleurs automnales, un mélange d'R&B et de funk dans les oreilles, j'arrivais enfin à destination. Devant moi, une bâtisse gigantesque, reflet du travail d'architectes brillants. Sa façade en pierres brutes et ses volets en bois conféraient au lieu des allures de château fort. À ma gauche, un garage, fermé. Parquée dans l'allée de ce dernier, une voiture de sport noire. Un modèle étranger qui aurait sûrement intéressé plus d'un passionné, garé là juste pour le principe de montrer que l'on avait de l'argent. J'ai marché jusqu'à l'immense porte d'entrée, puis, j'ai saisi la boucle du heurtoir, en remontant le col de ma veste en daim. Après quelques minutes d'attente, la porte s'est ouverte avec derrière elle, William. 

— June ! Entre, je t'en prie.

Je me suis exécutée, légèrement sonnée. C'était la première fois que je le voyais si peu apprêté : un jogging noir, des chaussettes à rayures et un débardeur blanc. Seule sa coiffure impeccable, dont il semblait toujours prendre soin, trahissait sa coquetterie habituelle. Dans sa main, un bol rempli de fruits rouges et notamment une grande quantité de mûres qu'il gobait allègrement. Ce type avait une réelle addiction au sucre. Sans l'interroger, je suis entrée dans le hall, décoré d'œuvres d'art en tout genre, de tapis d'Orient et de meubles en bois cirés. Ni lui, ni la pièce ne traduisaient l'approche d'une fête imminente. C'était pourtant la raison de ma venue.

— Pourquoi il n'y a encore personne et que je n'entends pas de musique, au juste ? Le questionnai-je, inquiète d'être tombée dans un piège.

— Il n'est que 19h.

— Tu m'as dit de venir à 19h.

— Oui, mais la vraie fête commence à 21h. Tout le monde sait ça. 19h c'est l'heure qu'on donne « par politesse ». Tu ne sors pas beaucoup toi, pas vrai ?

S'il l'avait fait exprès ? Évidemment. Si j'avais été inquiète de débouler dans une autre fête où cette fois Destiny ne serait pas mon guide, me laissant complètement livrée à moi-même ? Totalement.

— Ok, je repasserai. Répliquai-je.

— Hors de question ! On a besoin de bras supplémentaires pour tout installer donc reste, je t'en prie ! S'exclama-t-il, en m'invitant à le suivre dans une autre pièce.

J'ai cédé à sa demande. Le trajet en bus avait été trop long pour repartir aussi vite et Fleur m'avait ordonné de lui faire un résumé complet de la soirée, dès mon retour. J'étais, je devais l'admettre, également curieuse de voir jusqu'où pouvait bien aller cet imposant manoir.

— C'est la maison de tes parents ?

— Ouais, mais ils ne sont jamais là. On a le champ libre.

Je mesuis demandé à quoi pouvaient ressembler les parents Turner tout en suivantWill à travers une série de pièces qui reflétaient parfaitement l'aisance financièrede la famille. Les talons de mes bottes en simili cuir marron résonnaient surle parquet lustré.  Tout était propre et rangé. J'imaginais déjà la pénibilité de nettoyer un espace aussi grand et je me suis questionnée sur le nombre de domestiques que la famille devait engager pour une telle peine. Nous avons marché pendant plusieurs minutes avant d'atteindre, à l'étage, une pièce dans laquelle Benjamin, le meilleur ami de Will, éventrait des paquets de chips dans le but de les déverser dans des saladiers.

Je venais d'entrer dans ce qui semblait être une salle de jeux. Il y avait un coin salon avec une immense télévision à écran plat, un canapé d'angle gris qui avait l'air incroyablement confortable et une imposante chaîne-hifi. En face de la porte d'entrée, une cuisine équipée, avec un superbe îlot central sur lequel Ben s'affairait. Enfin, dans un autre coin de la pièce, un piano à queue placé devant une baie vitrée qui offrait une vue imprenable sur le jardin aux haies fraîchement taillées.