Grâce aux nombreuses indications dispersées un peu partout dans les couloirs, je trouvai sans vraiment de difficultés la salle dans laquelle serait servi le repas. J'entrai dans la pièce à l'instant même où un gong résonna, annonçant la fin de l'heure. J'étais arrivée juste à temps, sans même savoir ce que je risquais en déboulant en retard. Quelque chose me disait que je n'avais pas vraiment envie de le savoir.
Je restai sur le seuil de la pièce, l'observant. La voix robotique l'avait appelé le Salon d'abondance. La pièce était immense, mais étrangement vide. Il y avait plusieurs tableaux sur les murs tapissés d'or, mais rien de plus hormis un lustre et deux tables. Autour de la première, une trentaine de personnes, les Vagabonds. L'autre était occupée par six Privilégiés et l'une des chaises était vide. La mienne, sans doute.
Donc, nous étions séparés. J'appréciais l'initiative. Je n'avais aucune envie de côtoyer des Vagabonds pour le moment. À vrai dire, même les Privilégiés m'ennuyaient déjà alors que je les connaissais tous et que l'un d'entre eux me faisait un signe de la main pour que je les rejoigne. Je dévisageai cet individu en prétendant ne pas le connaître. Ils devaient vraiment l'emmener aussi, lui ? Un soupir au bord des lèvres, je quittai l'entrée de la pièce pour me diriger vers les autres Privilégiés présents dans la pièce, en profitant pour les examiner.
Il y avait deux jumeaux, Adam et Molière, envoyés ici car leurs parents avaient tenté de braquer une banque. Avec leurs traits identiques, leurs cheveux blonds coiffés exactement de la même façon et leurs yeux bleus perçants, ils me faisaient flipper. Dans un film d'horreur, ils seraient sans aucun doute les possédés chelous qui voulaient tuer tout le monde. Je les surnommais d'ailleurs Chucky 1 et Chucky 2. Le seul moyen de les différencier était leur voix. Adam n'avait jamais mué et avait la voix aiguë, tandis que celle de Molière était bien plus grave. S'ils n'ouvraient pas la bouche, impossible de savoir qui était qui. Même leurs parents, avant d'être envoyés à l'eau, avaient du mal à les distinguer.
À côté de l'un des deux Chucky se tenait l'imbécile qui me saluait de la main. Titouan. C'était un grand brun qui m'insupportait neuf fois sur dix. Et uniquement parce que je le giflais en arrivant à la dixième fois. Il se prenait pour un gangster simplement car sa mère avait été surprise en tentant d'incendier le palais présidentiel et mise à mort. Comme s'il y était pour quoi que ce soit. Sans que je ne comprenne vraiment pourquoi, cet idiot était obsédé par moi. C'en était vraiment gênant.
En bout de table, Karissa dînait comme si toute cette situation était normale. Métisse d'environ un mètre soixante, le crime de ses parents était l'un des plus grands mystères de la Cité. Personne ne savait ce qui les avait emportés vers leur dernier souffle. C'était d'autant plus étonnant que sa mère était très amie avec la femme du président. Peut-être ce séjour à Versailles me permettra de mettre le doigt sur le fin mot de cette histoire. C'était également la seule autre fille de notre groupe.
Le cinquième Privilégié présent était sans doute celui qui avait le moins de raisons possibles d'être ici. Pour cause, son père s'était contenté de voler du pain pour le nourrir. C'était un crime, certes, et il en était mort, mais de là à envoyer Mael ici avec nous tous, je trouvais ça exagéré.
Et enfin, il y avait Zayan... qui se trouvait juste à côté de la seule chaise libre de la table. Mon visage se ferma un peu plus en constatant que j'allais devoir le supporter tout le repas, ou bien m'inviter à la table des Vagabonds. Je ne le détestais pas assez pour m'infliger la présence de ses moins que rien, alors je m'installai à ses côtés en raclant bruyamment la chaise sur le sol.
— Le concept de discrétion te dit-il quelque chose ? pesta Zayan.
— Non, tout comme tu méconnais celui te permettant de fermer ta gueule quand tu n'as rien de constructif à dire.
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Deadly Game
Science-FictionLa montée des eaux a englouti quatre-vingt-dix-neuf pour cent des continents, détruisant tout sur son passage. L'humanité n'y a pas échappé. Contraints de reculer au centre des terres pour survivre, les scientifiques ont créé des villes flottantes a...