Chapitre 2.

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Olivia.

Bar le Wildwood Brewery , Montana, Ville d'Helena.

La neige amortit ma démarche agacée alors que je rejoins le Wildwood Brewery. Je suis une boule de nerf prête à exploser. Mes veines cognent contre ma peau, m'implorant de calmer l'afflux sanguin qui les traverse. En vain. Je suis à vif. À peine ai-je posé un pied dans le bar que toutes les têtes se retournent dans ma direction. Des hommes principalement.

Étonnant ? Non.

Je ne parle pas de leur présence, en (sur) nombre. Mais plutôt de la lueur de jugement qui scintille dans leurs iris. Un soupir las m'échappe tandis que je m'installe sur le tabouret face au bar. Je coule un regard en coin pour observer les lieux. Boyd a retapé cet endroit à la perfection. L'ancien repère de ses parents n'a pas perdu de son charme. C'est vintage sans tomber dans le cliché. Du sol au plafond, tout respire la convivialité. Les tabourets et les canapés en cuir anglais s'accordent à la perfection au mobilier en bois de la région. Le sol en vinyle noir reflète la lumière tamisée de la multitude d'ampoules industrielle suspendue au plafond. Des pochettes de CD de rock et de country ornent les murs en briques, tannés par les années. Mais le clou du spectacle réside en une seule et unique personne.

Boyd Hayton.

Lui et son sourire à toute épreuve. De dos, j'observe ses muscles saillants sous son t-shirt noir. Il n'a rien perdu lui non plus de sa carrure. Même après toutes ces années, il est encore plus impressionnant qu'Eliot. Son poste de Defensive Linemen* a marqué les esprits à l'université. Hayton aurait pu jouer en ligue professionnelle. Sur le terrain, il était le roi des plaquages et faisait monter la pression comme personne. Mais son amour pour la loi l'a conduit à quitter son uniforme pour en revêtir un autre. Il a longtemps été avocat. La mort brutale de ces parents a été un électrochoc et il a tout plaqué... ironiquement... pour reprendre l'entreprise familiale. Ce rôle lui va à merveille. Parfois le destin fait bien les choses, si je puis dire. Une sage personne m'a un jour soufflé que tout point négatif apporte son lot de positivité. Il en est la preuve vivante. Ses fossettes se creusent lorsque son regard ambré croise mes yeux. Son amusement s'évapore quand il percute mon air grave.

— Tu as la tête des mauvais jours, constate-t-il en s'accoudant sur le comptoir. Ca, par contre, c'est très joli, poursuit-il en entourant son doigt avec une mèche auburn de ma frange rideaux, fraîchement coupés.

Une nouvelle lubie, après une grosse dispute avec Eliot.

— Faux.

— Je reformule, s'amuse-t-il en se redressant contre son étagère à bouteilles. Tu es fâchée et de mauvaise foi. C'est.donc.un.jour.extrêmement.mauvais.

Mes yeux se révulsent sous mes paupières. Cet homme lit en moi comme dans un livre ouvert. Les bras croisés contre son torse, il me domine de toute sa hauteur. Je n'ai pas le coeur à lui mentir. Mais je n'ai pas non plus envie de m'étaler sur ce qui me tracasse.

— Plutôt que de jouer au mentaliste, tu ne veux pas me servir un gin s'il te plait?

— Tu ne bois que du vin rouge, m'interpelle-t-il en haussant un sourcil.

Ma poitrine comprime mes poumons et un râle s'échappe de mes lèvres à bout de souffle.

— J'en buvais...avant, avec d'autres, le corrigé-je en chassant le goût de l'amertume sur ma langue.

— Quels autres ? Nous sommes tes amis Oli... À moins que tu me caches des choses ?

Les souvenirs ont la mémoire courte. C'est ce qu'on dit non ?

La CibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant