PROLOGUE

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Olivia.

Vallée du Mont Washburn, Montana, Etats-Unis.

Aujourd'hui.

Cent.

Cent-cinquante.

Deux cents kilomètre-heure.

L'aiguille du compteur s'affole au rythme des battements de mon cœur. Elle grimpe en flèche comme la tension dans mes artères. La vieille Dodge challenger rugit à chaque fois que je passe les vitesses. Elle exprime à merveille les cris que je retiens. Dents et poings serrés. Depuis six mois, j'ai l'impression de vivre dans une série Netflix à la mode. Celle où à la fin, tout se termine bien.

Sans encombre ou dommage collatéral.

Spoiler, je suis le problème ET le préjudice.

Mieux, je suis la fin digne d'une apocalypse.

Il existe une sacrée différence entre la fiction et réalité.

Holy*.

Ma tête se renverse nerveusement contre l'appuie-tête en cuir pour libérer un rire hystérique.

Fucking Holy**.

Dans les rêves, la vérité est une pure délivrance. Un soulagement si fort qu'elle apaise les cœurs, panse les plaies et affranchit les âmes. Ici-bas, dans ce royaume de chair et de sang... La vérité est un fléau. Une succession d'affreuses répercussions. Je ne sais même pas si je serai capable de surmonter ça un jour. Ou d'y survivre.

Parce que oui, je suis en train de fuir. Je me dérobe à l'abominable vérité. Pas par peur de l'affronter. Non je préférai m'y glisser jusqu'à ne plus pouvoir respirer. Mais j'ai prêté serment il y a six petits mois.

Cent quatre-vingts jours.

J'épouse un combat, qui n'a jamais été le mien.

Pourtant je m'y accroche à en perdre la raison. Comme si elle n'avait pas déjà déserté depuis cette nuit-là. Mes ongles s'enfoncent avec fureur dans le cuir souple du volant. Je repousse du plat de la langue,les souvenirs qui m'assaillent sauvagement. Il est clair que même les objets ont la mémoire tenace. Mon subconscient tenaille mon cœur en repensant aux mains, qui ont parcouru la matière grainée un nombre incalculable de fois. À court d'oxygène, mes doigts pressent frénétiquement un bouton sur ma gauche. Un vilain excès de rage, mêlé à l'appel de la haine. Lorsque j'emprunte la bretelle de sortie de l'autoroute, l'air froid des montagnes s'engouffre dans l'habitacle. Je voudrais qu'il m'anesthésie, que les arbres emportent avec eux mon lourd fardeau. Mais la forêt se moque de moi. Elle me renvoie comme un boomerang la raison de mon exode. Il y a des secrets bien plus tordus qui m'attendent au creux de ces monts.

Maintenant que je le sais...

...Je ne peux plus l'ignorer.

Le vent me lacère le visage, tandis que le soleil joue à cache à cache avec les nuages. Je me consume et frissonne de concert. Chaque note de ce morceau tourne en boucle dans ma tête. Une fraction de seconde j'autorise une pause à mes yeux fatigués et rougis par des larmes bouillonnantes. Les traits singuliers qui les hantent me forcent à les rouvrir violemment.

J'avais confiance.

Je voulais avoir espoir.

J'ai donné jusqu'à la plus petite parcelle de cette précieuse loyauté.

Et voilà le résultat. C'est cette maudite dévotion qui m'a conduite là. Je sature dans l'habitacle bien trop étroit, pour contenir la guerre qui éclate dans mes veines.

La CibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant