Chapitre 17 - Zélie

20 1 0
                                    

—Gadiel, t'es là ?

J'ignore la pointe de déception qui vient nouer ma gorge et me fais une raison quand, après quelques secondes, c'est toujours et uniquement le silence qui m'apporte une réponse. Il est parti, comme je l'ai tant espéré en prenant cette douche que j'ai choisi de faire durer excessivement longtemps.

Contrairement au petit appartement que je louais sur Nancy, Shera n'a aucun problème de ballon d'eau chaude et ici, je peux me permettre de me brûler la peau pendant une heure sans que jamais la température de l'eau ne faiblisse. Je me mentirais si je prétendais ne pas avoir abusé de cette capacité ce soir pour éviter d'avoir à affronter le rappeur. Pourtant, à la seconde où je réalise qu'il n'est plus là, c'est plus fort que moi je suis déçue. Comme si en définitif, au plus profond de moi j'aurais voulu qu'il tienne parole et reste.

Tu dérailles, ma pauvre fille !

Oui, c'est vrai. Je déraille. La soirée a été longue et les révélations de Gadiel n'ont pas aidé mon cerveau à prendre du repos même si j'ai bien compris que c'était ce qu'il souhaitait en insistant pour discuter. J'aimerais pouvoir me dire que ses paroles n'ont pas eu d'incidence sur moi mais là encore, ce serait un mensonge.

Avant que sa jolie bouche ne se mette à me délivrer points par points toutes les conneries que j'ai pu faire il y a deux semaines, je suis certaine que j'aurais pu dormir. Ma nuit aurait été agitée certes, mais j'aurais pu me satisfaire de ce sommeil loin d'être réparateur. Maintenant qu'il a levé le voile et comblé les souvenirs qu'ils me manquaient, j'ai beau être épuisée je sais d'avance que mon corps comme mon cerveau vont refuser de dormir.

Ce qu'il s'est passé entre nous n'est pas que de sa faute. À vrai dire, je pense même par commencer à croire que c'est entièrement de la mienne, comme à chaque fois. C'est une constante dans ma vie, je me mets dans des situations impossibles et je reproche aux autres mes erreurs dès qu'elles me pètent à la gueule. C'était déjà le cas quand j'étais avec Matthieu et que ceux qui tenaient à moi essayaient de m'ouvrir les yeux sur la personne qu'il était. Je rejetais la faute sur eux, sur lui, mais j'étais incapable de me regarder, moi. C'était encore le cas il y a un peu plus d'une heure quand c'était plus facile d'en vouloir au rappeur qu'à moi-même.

Maintenant, je n'arrive même plus à lui en vouloir. Ni à lui, ni à Matthieu. C'est à moi que j'en veux. À moi, et à ce schéma répétitif que j'ai instauré comme étant la norme.

Lasse, je soupire avant de fermer doucement la porte de la salle de bain derrière moi. Sachant pertinemment que je ne parviendrai pas à fermer l'œil, je snobe la porte de ma chambre pour m'affaler sur le canapé. Saisissant la télécommande, j'allume le téléviseur et fouille dans les menus.

J'ai récemment découvert que Shera possédait un abonnement Crunchyroll bien qu'elle ne regarde pas d'animés et me suis promis de rattraper ceux que j'avais mis de côté en quittant ma région natale. Je mets quelques minutes avant de retrouver où je m'étais arrêtée dans les épisodes de Shangri La - Frontier et décide finalement de relancer l'animé depuis le début lorsque je réalise que de toute façon, je n'ai quasiment plus aucun souvenirs du début de la saison.

Dès les premières minutes, je replonge avec plaisir dans l'univers et trouve même la force de sourire quand les personnages principaux s'envoient des vannes cinglantes. Plusieurs fois, mon cerveau tente de ramener mes pensées vers le rappeur au regard perçant mais à chaque fois, je parviens à les bloquer juste à temps avant qu'elles ne me ramènent vers un sentiment de culpabilité.

—Si on m'avait dit que t'étais du genre à kiffer un mec comme Sunraku, jamais je ne l'aurais cru ! s'esclaffe la voix de Gadiel dans mon dos.

Surprise, j'étouffe un cri et me redresse dans la seconde, la main sur le cœur.

Ma Terre SainteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant