Chapitre 15 - Zélie

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—Bordel, Zélie ! Arrêtes-toi !

Je commence à croire que ma bonne étoile m'a définitivement abandonné. Non, je ne crois pas : j'en suis persuadée. Sinon, pourquoi tout ce que j'entreprends tourne à ce point au fiasco ? Pourtant, je ne fais qu'aspirer au calme depuis toujours. Des années que j'endure, j'encaisse, et apprends à laisser glisser. Pourquoi cela ne s'arrête jamais ?

Là encore, j'espérais naïvement que ma sortie serait fracassante et couperait à Gadiel son envie de m'adresser la parole. Que nenni ! Le bougre avait deviné mes intentions avant même que je ne les exécute, se contentant d'attendre que je réunisse mes affaires et convainc Shera que c'était raisonnable de me laisser rentrer seule. Je n'avais pas mis un orteil dehors qu'il était déjà prêt à me suivre. Depuis ? Il est collé à mes basques, pour mon plus grand malheur.

S'il ne faisait que me suivre en soufflant aussi fort qu'un bœuf je pourrais faire abstraction. Seulement, il n'arrête pas de beugler comme un malade dans mon dos, attirant l'attention des rares passants sur notre passage.

—Sérieusement, il faut qu'on parle ! il aboie.

L'adrénaline me fait accélérer le pas et bifurquer plusieurs fois alors qu'il continue de s'égosiller derrière moi, comme si c'était à lui d'être en colère :

—Tu vas continuer à m'ignorer pendant encore longtemps ?

Jusqu'à la fin de tes jours, pauvre con !

Intérieurement, je boue et fais mentir toutes mes promesses de self control. La peur a laissé place à une rage que je ne maîtrise absolument pas. Implacable, elle s'est infiltrée dans mes veines dès l'instant où j'ai réalisé que le rappeur n'allait pas me laisser tranquille après une si belle tentative d'esquive.

Non seulement il ne me laisse pas tranquille, mais en plus, il se permet d'être en colère ? Il n'en n'a pas le droit, ça non !

Je dois compter mes pas qui deviennent presque des foulées pour dompter les tremblements dans mes mains. M'en prendre à Gadiel serait idiot. Mes souvenirs sont brefs mais très précis concernant sa force : je ne fais pas le poids.

Contrairement à ces quinze derniers jours, je m'oblige à me rappeler la terreur qu'il m'inspire et tente de faire repasser au second plan cette rage qui ne m'a jamais, ô grand jamais, rendu service par le passé. Et comme dans le passé, je me concentre sur autre chose pour étouffer ce sentiment odieux qui bouleverse la norme à l'intérieur de mon corps.

Je compte mes pas et continue d'ignorer les invectives une par une, jusqu'à ce que je décide qu'elles glissent sur moi. Pourtant, comme à chaque fois dès qu'il s'agit du rappeur, je sens que mes remparts se fissurent. Et comme à chaque fois, je me sens frustrée.

Je ne veux pas de ce pouvoir qu'il exerce sur moi sans forcer, juste en existant. Ca non, je ne veux pas de ce mec qui depuis que je l'ai rencontré me laisse croire que j'ai le choix alors qu'il se sert sans demander dès que l'occasion se présente à lui. Ça me rend folle de réagir. Folle de ne pas parvenir à n'en n'avoir rien à faire des mots qui peuvent sortir de sa bouche et d'être aussi impactée lui. Lui, son désir ou sa colère.

—Zéliiie !

Allez Zélie, sois forte, sois une reine, continue d'ignorer et trace. C'est ça, redresse le menton et reprends le compte. 74, 75,76...

—Putain, Beauté ! Je te jure que si tu ne t'arrêtes pas tout de suite je vais...

Je ne devrais pas, mais c'est plus fort que moi. Les menaces de Matthieu m'ont terrifiée pendant trop longtemps et je crois bien que ce soir je n'ai plus la force de prendre sur moi celles de qui que ce soit d'autre. Alors, au plus grand dépit de ma petite voix, je décide d'aller contre sa volonté et me fige dès l'instant où je reconnais le début d'un avertissement sortir de la bouche de Gadiel.

Ma Terre SainteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant