Chapitre 8 - Gadiel

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—Vas-y je m'arrache ! annonce la voix de Mohamed, me tirant du sommeil dans lequel j'étais lentement mais sûrement en train de sombrer.

Surpris, je sursaute et peine à relever ma nuque pliée contre le canapé. La main de Zélie retombe mollement sous ma tête, me remémorant la sensation incroyable de ses ongles sur ma peau. Elle et Clément se sont endormis depuis belle lurette déjà, et à en juger les yeux à demi clos de Jamal, ce dernier ne devrait plus trop tarder avant de rejoindre les limbes lui aussi. Quelle heure est-il ? Je n'en sais rien et je m'en fous.

Crevé à presque m'en évanouir, je ne trouve pas la force de prononcer un mot et tends la main à l'aveugle, émettant un semblant de grognement au moment où mon meilleur ami effectue un tcheck. J'entends vaguement ses pas s'éloigner après qu'il ait également salué Jamal et prends encore quelques minutes avant de m'obliger à m'activer moi aussi.

J'ai besoin de dormir, et Zélie mérite bien mieux que de pioncer pliée en quatre dans un canapé. Hors de question qu'elle dorme dans la chambre de Jamal, pas dans l'état où elle s'est mise, encore moins avec ce charognard dans les parages.

Je le déteste d'avoir ce contact si facile avec elle, d'être parvenu à la faire rire quand je n'arrive qu'à la mettre mal à l'aise. Leur complicité me gonfle, d'autant plus qu'ils se connaissent à peine.

Tout comme toi et elle... me rappelle ma tête, contrariante. Je le sais bien, nous sommes deux inconnus, mais c'est plus fort que moi ça m'énerve.

—Tu pars aussi ? demande Jamal, la voix enrouée par le sommeil.

En guise de réponse, je hoche la tête et me lève, étirant mes bras et mon dos avant de me retourner vers Zélie. Quelques mèches rebelles se sont échappées de sa queue de cheval désormais en désordre, retombant le long de son visage. Je dois lutter pour ne pas les lui dégager.

Ce qu'elle est belle, putain !

Aussi fins que le reste de son corps, ses traits semblent toujours fatigués, mais ils ont l'air plus apaisés et l'on pourrait presque penser qu'elle sourit dans ses songes. Même si c'est complètement improbable, je me plais à imaginer qu'elle rêve de moi. Que le moment que nous avons partagé jusqu'à ce qu'elle ne s'endorme n'y est pas pour rien sur la moue adorable qu'elle arbore sans le savoir.

Je réprime le sourire attendri qui tente de s'immiscer au coin de mes lèvres et suis même reconnaissant envers Jamal de m'interrompre dans ma contemplation, me demandant :

—Tu ne veux pas la laisser dormir ici ?

Désormais debout lui aussi, il entreprend de réunir les verres et bouteilles de bière sur le plateau, faisant comme s'il n'avait pas posé la question la moins innocente qui soit.

—Pour que tu puisses te la taper ? je ne peux m'empêcher de rétorquer sèchement et, peut-être, un peu fort.

Etonné par mon éclat de voix, Jamal arrête ce qu'il était en train de faire et se retourne vers moi, l'égo blessé dans toute sa splendeur :

—De quoi tu me parles ? Et surtout, pour qui tu me prends ?

—Arrête de faire le mec indigné, tu lui rentres dedans depuis la seconde où elle a mis les pieds chez toi, je crache, méprisant.

Jamal a beau être mon ami, ce n'est pas un mec sérieux avec les meufs malgré l'image sympathique qu'il renvoie. L'aisance trompeuse qu'il a d'improviser et écrire des paroles d'amour en arracher des larmes n'est plus à démontrer. La longue, très longue, liste de conquêtes déçues d'avoir tenté leur chance aussi.

Ma Terre SainteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant