Je me réveillai avec un mal de tête affreux, comme si une couronne de fer rouge m'entravait le crâne. Jamais je n'avais autant souffert d'une migraine.J'ouvris les paupières, mais une puissante lumière industrielle m'aveugla et m'obligea à tout de suite les refermer. Au lieu d'un oreiller raplapla sentant l'adoucissant au coton, ma joue gauche se trouvait à plat contre le sol. Un sol légèrement humide, puant le tapis resté éloigné des lavages depuis des décennies. Ma seconde tentative d'ouvrir les yeux se solda d'une réussite, mais vraiment, c'était difficile. Et puis ma tête était sur le point d'exploser. J'avais tellement mal ! Ça en devenait insupportable.
Je me redressai lentement et constatai que j'étais allongé il y a encore quelques secondes sur de la moquette. Une moquette jaune délavé, exactement de la même couleur que le papier peint texturé qui recouvrait les murs de l'endroit où je me trouvais. Je me frottai les paupières histoire d'avoir l'esprit plus clair, tant je n'y comprenais rien. Allez, du calme. Je me mis debout. Au-dessus de ma tête, je vis un faux-plafond blanchâtre avec des éclairages incrustés comme on en trouve souvent dans les établissements scolaires publics. Ceux-ci piquaient les yeux : leur intensité me donnait le tournis. Je balayai la pièce du regard, déboussolé, et me rendis compte que ce n'était pas une pièce, du moins, pas celle qu'on a l'habitude de voir.
Il y avait là une infinité de cloisons recouvertes de papier peint jaunis qui s'entreboîtaient savamment à perte de vue. Les perspectives en étaient d'ailleurs brouillées. C'était comme si le monde s'était retrouvé aplati sur un seul plan, mais au fur et à mesure que vous plissiez les yeux, vous réalisiez la supercherie et tombiez des nues, incapable de rassembler vos idées en ordre. Justement, c'était ce que j'espérimentais.
Normal, un peu. Je ne me souvenais même plus de qui j'étais. Mon nom, tout d'abord. Je fouillai les poches de mon jeans trop large dont je ne conservais aucun souvenir, autant que de ce pull-over rouge que je portais, et en vins à l'évidence que cela ne me serait d'aucune utilité.
- Mais où est-ce que je suis ? m'interrogeai-je à haute voix.
Aucune résonnance.
- Hé oh ? Il y a quelqu'un ?...HÉ OH !
Visiblement personne. J'ai dû me faire kidnapper, me dis-je sans bouger. Oui, ça doit être ça. Sauf que cet endroit n'avait pas l'apparence d'une cave d'un sociopathe ou quelque chose du genre. En fait, aucun lieu n'y ressemblait...Néanmoins, j'étais persuadé qu'une ambiance malsaine flottait ici, et la source de mon mal de tête -et de mon mal-être- était un bourdonnement électrique continu dont je ne parvenais pas à localiser la provenance. J'étais complètement perdu, et ma panique grandissait. Je ne possédais aucun moyen de communication avec le monde extérieur, seul et vulnérable face à un labyrinthe.
Pas à pas, hésitant, je me décidai tout de même à avancer. Le bruit de mes pas était absorbé par la moquette, me procurant un sentiment de malaise, comme si j'aurais été rassuré de les entendre et ainsi, de me dire que j'existais bien ; que tout cela était réel.
Je parcourus quelques corridors inachevés, tous identiques, n'osant m'approcher des cloisons. Ce papier peint était beaucoup trop jaunâtre. Une espèce de mimosa d'un terne déprimant.
J'avais du mal à marcher vite, de même qu'on sort essoufflé d'un 100 mètres à pleine vitesse, sauf que je n'étais pas essoufflé, et que ce sprint n'avait jamais eu lieu, si je ne comptais celui que je me devrais de courir pour sortir d'ici vivant. Vivant.- Peut-être que je suis mort, finalement..., murmurai-je.
Paradis ? Enfer ? Je n'avais pas envie de savoir. Je n'étais pas mort ! C'était la seule chose dont je n'avais aucun doute...
Après avoir erré sans but dans ce dédale, m'efforçant de ne pas m'effondrer par terre sous le coup de mon atroce migraine, je tombai sur un mur plus large que les autres me barrant le passage. Dessus étaient inscrits des mots avec une encre étrange, noire comme du charbon fondu :NE PARTEZ PAS, RESTEZ !
Fuyez
BACKROOMS
À la vue de ces mots, un frisson glacé me parcourut le dos. Je me sentis bientôt observé par ce dessin d'yeux entièrement sombres qui surplombait les graffitis, et cette impression de malaise qui m'avait frappée dès mon réveil s'intensifia pour se transformer en peur. Pour cause, je n'avais pas de téléphone, pas d'eau ni de nourriture ; simplement un trou noir à la place de la mémoire et le pressentiment que je n'arriverai jamais à sortir d'ici. J'avais envie de pleurer. Je ne le fis pas, cependant. L'heure était trop grave.
Restez, fuyez..., lus-je une seconde fois. Qu'est-ce que ça veut dire ? Et qui a bien pu écrire ces trucs ? Mes yeux s'illuminèrent instantanément. Ça voulait dire que je n'étais pas totalement seul ! J'en aurais presque sauté de joie.M'éloignant de ce mur, je mis mes mains en porte-voix et criai :
- IL Y A QUELQU'UN ?!...RÉPONDEZ ! HÉ OOOOOOOOOOH ?!
Je m'époumonais ainsi une bonne quinzaine de minutes tout en courant aléatoirement dans n'importe quelle direction. Je bifurquai à gauche, puis à droite et encore à gauche dans ces corridors sans fin, suppliant Dieu d'avoir un peu de miséricorde pour moi. À la fin de cette course effrénée, je me rendis à l'évidence : il n'y avait plus personne. Hors d'haleine, le rythme cardiaque en folie, je fis une pause à même le sol et constatai que mon mal de tête s'était un peu calmé. C'est une chose de faite, pensai-je. Malgré cela, le bourdonnement électrique n'avait pas baissé en intensité.
Au début, j'avais cru qu'il venait des lumières mais tout laissait à croire que non. C'était un bruit un peu lointain mais entêtant, puissant, comme le serait le chant d'une baleine. Le bourdonnement était parfois coupé de sursauts, comme si la ou les machines connaissaient des défaillances techniques.Maintenant, j'avais soif. Horriblement soif. Depuis combien de temps étais-je réveillé ? Je ne savais plus si cela devait se compter en minutes ou en heures. Mon esprit se troublait. Je me remis debout, titubant, et me frappai violemment la tête de mes phalanges. J'étais si acharné à cette tâche que j'aurais pu en tomber dans les pommes de fatigue et de douleur, mais je n'avais qu'un seul objectif en tête : retrouver la mémoire, quitte à le faire de force. Ma tête allait véritablement exploser, mais je continuais avec plus de vigueur encore à me marteler le crâne. RÉVEILLE-TOI ! hurlai-je intérieurement. Rien n'y fis.
À bout de force, je perdis l'équilibre et sentis le sol s'ouvrir sous mes pieds.
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BACKROOMS.
Horror《 Je parcourus quelques corridors inachevés, tous identiques, n'osant m'approcher des cloisons. Ce papier peint était beaucoup trop jaunâtre. 》