Chapitre 3 - Le départ

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Mes parents me forcèrent durant des années à prendre mes traitements. Pour être plus précis, jusqu'à mes dix-sept ans. J'étais devenu un peu plus têtu à cet âge-là alors j'essayais à chaque fois d'éviter de les prendre. Mon astuce c'était de les cacher entre ma lèvre inférieure et ma gencive, ils n'y voyaient que du feu et une fois le dos tourné, je crachais les cachets. Je n'avais jamais aimé les prendre, je me sentais pas bien à chaque fois. J'avais la bouche pâteuse, j'étais fatigué, je ne faisais que dormir et manger quand je ne vomissais pas. Autant dire que j'étais défoncé à longueur de journée et que ça ne me plaisait pas de ne pas être dans mon état normal. Les médecins m'avaient dit qu'il pouvait y avoir des risques d'addiction, dans mon cas c'était une malédiction. Je n'étais pas accro, je ne subissais que des effets secondaires terribles et longs à disparaître.

Ma mère ne voulait pas que je suive des cours normaux dans un lycée normal, j'étais forcé de les suivre par correspondance alors pour être honnête, je ne travaillais jamais bien longtemps. Je regardais la télévision dans ma chambre ou jouais avec le vieux cutter de mon père, je me mutilais souvent, je me faisais des marques sur les bras et j'attendais que les croûtes se forment pour les arracher. Mes parents n'étaient pas au courant pour ce petit passe-temps douloureux, je ne voulais pas inquiéter ma mère et risquer de me faire enfermer à cause de mon père. Le médecin avait été clair à ce sujet, si je ne prenais pas mon traitement et que je faisais du mal à des animaux, des gens ou à moi-même, ce serait une hospitalisation contre mon gré.

Le pire était que parfois, oui je m'imaginais en train de faire du mal à des gens et j'espérais qu'un jour, ça arriverait en vrai.

La nuit par exemple, je rêvais que je me rendais dans la chambre de mes parents, un énorme couteau de cuisine que ma mère utilisait pour les légumes dans la main, je rêvais que je les poignardais à plusieurs reprises. Les draps étaient imbibés de leur sang, mes mains en étaient tâchées et un large sourire étirait mes lèvres. Je me réveillais souvent en sursaut alors que je suais à grosses gouttes. Quand ce genre de rêve m'arrivait, je prenais le cutter de mon père, peu importe l'heure qu'il était et je me punissais. Chaque fois que des pensées meurtrières polluaient mon esprit, je me coupais les bras. Je me punissais pour être né ainsi, pour être un psychopathe comme savait si bien le dire mon père. J'avais compté et j'en avais plus d'une cinquantaine sur les bras, mes mains étaient abîmées à cause du tic que j'avais, je me rongeais sans arrêt les ongles et les cicatrices que je pouvais avoir sur les avant-bras ne disparaîtraient jamais.

J'étais fou, je me sentais fou, trop différent pour vivre dans ce monde. Je le savais et pourtant, je n'arrivais pas à m'en sortir.

Un jour, après une longue réflexion, je demandai à ma mère si je pouvais reprendre des cours normaux. Je n'en pouvais plus de rester enfermé chez moi. Elle sembla surprise que je demande cela mais il était clair que j'avais grandement besoin d'une vie sociale, d'une petite amie, d'une bande de copain, d'une vie d'adolescent tout simplement. J'avais peur de devenir ermite à force de ne pas sortir sauf pour faire des courses. Le médecin me disait asocial, il fallait que j'y remédie.

Le soir, quand mon père rentra de son travail dans le bâtiment, nous en parlâmes, je mentis et affirmai que je prenais toujours mon traitement régulièrement, matin et soir. Après hésitation, il accepta, ma mère en fut ravie et moi je l'étais d'autant plus.

J'étais à la fois stressé et impatient de me frotter à la vie d'adolescent, de voir de nouvelles têtes, de devoir me faire des amis et tenir assis sur une chaise pendant des heures. J'allais pouvoir montrer à mon père que je n'étais pas un psychopathe et que j'étais capable d'accomplir des choses, je voulais leur montrer que j'allais bien, que je n'étais pas malade. Je voulais qu'il soit fier de moi. J'avais besoin de la fierté de mon père.

Dans la tête d'un Psychopathe [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant