POLITIQUEMENT INCERTAIN T.3 (ATTAL X BARDELLA)

2. On n'obtient pas toujours ce qu'on veut

What Would I Do? - Strawberry Guy

Point de vue Jordan...

Les rues de Londres sont calmes ce matin.

J'habite ici depuis cinq ans, une ville qui m'a offert un refuge, loin du tumulte de Paris et de mes souvenirs douloureux. Pourtant, une ombre plane aujourd'hui. Marine vient de m'informer qu'elle est en route pour me voir. Sa visite est inattendue, et une inquiétude sourde grandit en moi.

Marine n'est pas du genre à faire des déplacements sans raison.

L'appartement que j'occupe est simple, fonctionnel. Rien de comparable à la vie que j'avais autrefois, mais il est devenu mon sanctuaire. J'attends son arrivée avec impatience et anxiété, me demandant ce qui peut bien la pousser à venir ici en personne.

Quand la sonnette retentit, je vais ouvrir la porte et je la vois, debout, vêtue d'un manteau élégant mais sobre. Son visage est marqué par la fatigue, quelque chose que je n'avais jamais vu chez elle.

- Marine, entre, dis-je en lui faisant signe de passer.

Elle entre et s'assied sur le canapé, en silence. Je sens une tension dans l'air, une gravité qui n'annonce rien de bon.

- Jordan, commence-t-elle, la voix tremblante, nous devons parler des prochaines élections présidentielles.

Je fronce les sourcils.

- Tu veux dire que tu vas te présenter à nouveau ?

Marine secoue la tête, et je remarque une lueur de tristesse dans ses yeux.

- Non, Jordan. Ce n'est pas moi qui vais me présenter. C'est toi.

Je reste bouche bée.

Les mots peinent à trouver leur chemin dans ma bouche.

- Moi ? Mais pourquoi ? Tu as tout fait pour devenir présidente. C'est ton rêve, ta lutte.

Elle prend une profonde inspiration, ses yeux brillants de larmes contenues.

- On n'obtient pas toujours ce qu'on veut, murmure-t-elle.

Je la regarde, ne saisissant pas le message derrière ses dires.

- Jordan, j'ai un cancer. Je dois suivre un traitement intensif, et je ne peux pas assumer les responsabilités d'une campagne présidentielle, lâche-t-elle rapidement comme si tout cela lui peser énormément.

Le choc me frappe comme un coup de poing. Je m'approche d'elle, les larmes aux yeux, et je l'enlace.

- Marine, je suis tellement désolé.

Elle me serre fort, puis s'écarte légèrement.

- Ne pleure pas pour moi, Jordan. Je vais me battre, comme je l'ai toujours fait. Mais j'ai besoin de toi.

Mon esprit tourbillonne, perdu entre l'incrédulité et la panique. Perdre Marine, c'est perdre l'une des rares personnes qui m'a toujours soutenu. Je ne peux pas imaginer ma vie sans elle.

Elle prend ma main dans la sienne, son regard perçant le mien.

- J'ai besoin que tu prennes le rôle que j'aurais dû avoir. Que tu deviennes le candidat de notre parti aux élections présidentielles.

Je suis abasourdi.

- Marine, je... je ne sais pas si je suis prêt pour ça. J'ai fait croire au monde entier que j'étais mort. Comment pourrais-je revenir maintenant et me présenter ?

Elle sourit faiblement.

- Tu es plus fort que tu ne le penses, Jordan. Les gens croient en toi, même si tu ne le vois pas. Et moi, je crois en toi.

Les mots de Marine sont un baume et une torture à la fois. Je me sens tellement seul depuis des années, coupé de tout ce qui me reliait à ma vie d'avant. Et maintenant, cette femme forte, qui m'a toujours inspiré, me demande de porter son fardeau.

- Jordan, continue-t-elle, sa voix douce mais ferme, je sais que c'est beaucoup te demander. Mais c'est la seule chance que nous avons. Je ne peux pas le faire, mais toi, tu peux.

Je hoche la tête lentement, submergé par l'émotion.

- Je ne sais pas quoi dire. Merci, Marine, pour ta confiance. Mais c'est tellement... je suis mort pour le monde entier, je ne peux pas revenir comme une fleur après un hiver.

Marine essuie une larme qui roule sur ma joue.

- Tu trouveras un moyen. Nous trouverons un moyen.

Les mots résonnent en moi, et je sens un mélange de détermination et de peur. Les prochains mois vont être une épreuve de force, une bataille contre moi-même et contre le passé que j'ai tenté de fuir. Mais pour Marine, pour tout ce qu'elle a fait pour moi, je dois essayer.

- D'accord, dis-je enfin, ma voix brisée mais résolue. Je le ferai.

Marine sourit, et je vois une lueur d'espoir dans ses yeux fatigués.

- Merci, Jordan. Tu ne sais pas à quel point ça compte pour moi.

Nous restons là, unis dans notre silence, partageant un moment de pure humanité. Malgré la tempête qui s'annonce, malgré la solitude qui pèse sur moi, je sais que je ne suis pas complètement seul.