Chapitre 2

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Carmen

10h15. Mon réveil me tire de mon sommeil. Vers quelle heure me suis-je endormie hier soir? Ou plutôt ce matin? Je sors de mon lit et me dirige vers mon miroir. Ces derniers temps, les insomnies se voient de plus en plus sur mon visage. J'aime beaucoup les week-ends, parce qu'ils me permettent de dormir six ou sept heures. Ce qui est plus fatiguant, ce sont les cinq autres jours dans la semaine où je dois me lever vers six heures du matin avec trois heures de sommeil.

J'ai rendez-vous avec Clémence a 13h30 au centre commercial. On a prévu de faire le tour des magasins et éventuellement de trouver une robe pour la soirée d'Eloïse. Je ne la connais que de vue, mais elle est très amie avec Clémence qui a insisté pour que je vienne avec elle au cas où elle finit inconsciente à cause d'une surdose d'alcool. Parfois je me dis que j'accepte trop de choses pour mes amies, mais je suis réellement inquiète pour Clémence. Elle tient très mal l'alcool et ne sait pas poser de limites.
Je me dirige vers ma salle de bain pour prendre une douche. En me déshabillant je suis tentée de monter sur la balance; je décide de ne pas lui laisser cette emprise. Ces derniers temps je tente de faire quelques efforts pour ne pas sombrer dans la haine totale de mon corps. Il y a quelques mois, ma situation était bien pire, je ne m'alimentais plus du tout; aujourd'hui j'ai toujours beaucoup de mal avec certaines catégories d'aliments, mais je sens que j'ai plus d'énergie. L'obsession de maigrir ne m'a cependant jamais quittée. J'ai l'impression que je suis condamné à elle jusqu'à la fin de ma vie. Je n'ai jamais réellement parlé de cette partie de moi à qui que ce soit. Mon entourage s'imagine que j'ai une génétique qui me permet de rester fine, que j'ai une immense chance.

Une fois ma douche terminée, je m'habille, j'ajoute quelques accessoires à ma tenue et je commence à me maquiller. Je mets ma couche d'anti-cerne habituelle ainsi que du mascara et de l'eye-liner. Il est 11h32 quand j'ai fini de me préparer. Je prends mon téléphone et en profite pour regarder mes notifications. Je m'apprête a répondre aux messages de Clémence, mais soudain je vois le nom « Jeremy » affiché à l'écran. Mon sang ne fait qu'un tour. Je pensais l'avoir bloqué partout, mais j'ignorais qu'il avait un deuxième compte instagram. J'ouvre son message:
@jer3my2603: Hey, on peut parler stp?
Je fronce les sourcils. Il commence à m'agacer sérieusement.
@carmen_lnmrc: Quoi?
@jer3my2603: Je suis vraiment désolé pour l'autre soir, je ne sais pas ce qui m'a pris, vraiment. C'était sûrement l'alcool. Et puis, t'avais l'air un peu d'accord, je te jure.

Je le bloque aussitôt. Je ne le laisserais pas me prendre la tête et ruiner ma journée. Il savait très bien ce qu'il faisait lorsqu'il a commencé a retirer mon haut pour toucher ma poitrine. Il savait que je n'étais prête à rien du tout, mais que l'alcool me rendait vulnérable. Je ne veux pas imaginer ce qui serait arrivé si nous n'avions pas été interrompus à ce moment-là.

Ma mère entre dans ma chambre.
« Salut chérie, commence-t-elle. J'espère que tu vas bien. Je t'ai laissé de la tarte aux pommes, si jamais tu veux quelque chose pour le petit-déjeuner. Et tiens, c'est pour aujourd'hui. J'espère que tu trouveras une jolie robe pour ta fête. »
Elle me tend deux billets de 20€. Je la remercie en souriant.

Lorsque mon téléphone affiche 13h, je mets mes chaussures, ma veste et je sors de chez moi. Le centre commercial est à une vingtaine de minutes a pieds de chez moi. Quand je suis arrivée, je regarde mon téléphone. Je vois une notification de Clémence et je l'ouvre:
Coucou meuf, désolée mais avec mes parents on s'est embrouillés, je vais pas pouvoir venir. En plus ils veulent me confisquer mon téléphone. Je prendrais sûrement une tenue que j'ai chez moi pour la soirée.
Je soupire. C'est pas de sa faute, mais ça m'embête d'être venue jusqu'ici pour rien. Maintenant que je suis au centre commercial, autant y faire un tour. Je passe d'abord chez Zara et H&M, sans y trouver quoi que ce soit. Je passe aussi chez Sostrene Grene, un magasin que j'adore; on y trouve tout et n'importe quoi. J'y achète quelques bougies puis je me dirige vers Bershka.

Alors que je commence à examiner les rangées de vêtements, j'aperçois soudain une fille de ma classe quelques mètres plus loin. Elle s'appelle Judith mais je ne lui ai jamais adressé la parole. Elle porte un pantalon pattes d'éléphant avec un crop top blanc, ainsi que des converses rouges foncées et une veste en cuir. Elle porte pas mal de colliers et de bagues. Je ne sais rien d'elle, a part le fait qu'elle est plutôt discrète et participe peu en classe. Je me souviens qu'elle n'était pas venue en cours pendant quelques semaines. C'est la première fois que je remarque qu'elle dégage quelque chose, un certain charisme. Peut-être a-t-elle plus confiance en elle en dehors du lycée. J'ai à peine le temps de jeter un coup d'œil à ses habits qu'elle m'a déjà vue. Elle me lance un sourire gêné, ce qui ne m'étonne même pas. Je devais faire peur à la fixer comme ça. Je lui souris en retour. Est-ce que je devrais aller la saluer? Malgré sa discrétion elle est assez intimidante, et puis on ne s'est jamais parlées, alors je tourne la tête et continue de fouiller les rayons.

Je trouve quelques robes et un pantalon cargo qui me plaît. Je m'apprête à me diriger vers une cabine d'essayage, mais soudain j'entends la voix de Judith derrière moi. Je me retourne. Elle se trouve dans une des cabines.
« Salut, lance-t-elle, tandis qu'elle tire le rideau pour pouvoir sortir complètement de la cabine. Désolée de te déranger mais j'ai besoin d'un avis entre ces deux hauts. C'est pour une soirée. J'aime bien les deux mais j'arriverai pas a me décider. »
Elle me montre deux hauts, un noir pailleté et l'autre rouge avec un décolleté. Elle m'adresse un sourire. Elle me parait très confortable dans sa peau. Je suis étonnée qu'elle n'ait eu aucun mal à m'adresser la parole comme si nous étions amies, mais il y a un aspect réconfortant dans sa façon d'aller vers moi sans avoir peur du jugement.
« De vue je dirais que le rouge te mettrait vraiment en valeur, je réponds. D'ailleurs, moi aussi je suis la pour trouver une tenue de soirée.
Je lui montre les robes que je m'apprêtais à essayer.
- Ah bon? Ça serait pas celle d'une certaine Eloïse par hasard?
- Si, comment tu sais?
- J'y vais aussi, c'est une amie d'enfance. Le monde est petit.
- Ah non, je ne connais pas personnellement Eloïse, c'est que Clémence a insisté pour que je vienne.
- Ah, ben on se croisera peut-être là-bas alors. Bon, je vais aller essayer les hauts.
-Attends! Ça te dirait de m'accompagner pour essayer les robes et de m'aider à choisir?
Je lis l'étonnement sur son visage, mais elle accepte.
- Et sinon, ça va ta journée? me demande-t-elle. J'aurais envie de répondre « oui » par automatisme, mais avec elle, quelque chose m'en empêche.
- Bof. Pas ouf.
- Il se passe quoi?
- Je devais venir avec Clémence, mais elle a annulé au dernier moment. Et mon ex m'a envoyé un message sur insta. C'est vraiment la dernière chose dont j'avais envie. Et toi?
- Oui, tranquille, la routine quoi. »
On se dirige vers les cabines. Il n'y en a qu'une qui est libre, alors elle entre la première. Elle sort deux fois pour me montrer les deux hauts, et je maintiens mon avis concernant le haut rouge. Elle décide de le prendre, puis elle me laisse la cabine. J'entre et pose mes habits sur le siège. Je commence par le pantalon cargo. Il me met en valeur, je pense que je vais le prendre. J'essaie ensuite la première robe, une noire a paillette et je sors pour la montrer à Judith.
« Elle te va bien je trouve, affirme-t-elle. Essaie les autres pour voir. »

Let the light in (wlw)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant