✧.* Point de vue d'August
La révélation provoque un choc retentissant dans toute la foule de cette huitième île. Andréa vient d'avouer le meurtre des deux anciens rois de l'île, et cerise sur le gâteau, elle s'avère être la mère de Ziou.
Andréa avait toujours manifesté un esprit maternel envers le Prince. Sa douceur et son attention constante avaient construit une image de bienveillance et de dévouement. On aurait pu croire que sa présence constante à ses côtés était une marque de l'amour et du soin qu'elle lui portait. Mais pourquoi n'avait-elle pas choisi de vivre au palais avec lui, si ce n'était pas pour des raisons plus complexes ?
Cette question me conduit à réfléchir à la relation entre Olympe et Hector. Leurs liens est bien plus qu'une simple amitié ; ils sont rois et partagent une complicité évidente. Leur relation semble bien au-delà de la camaraderie royale. Olympe et Hector ont une connexion profonde, qui va probablement jusqu'à une relation amoureuse cachée aux yeux de la cour.
Il est alors évident que le fait qu'Andréa soit impliquée dans le meurtre des anciens rois et sa relation avec Ziou étaient probablement liés à cette complicité secrète. Peut-être qu'elle avait des raisons de se cacher, des secrets liés à la nature de la relation entre Olympe et Hector et à la manière dont ils gèrent leur pouvoir.
Tout le monde regarde la femme avec dégoût, les deux clans confondus. Qu'on soit partisans ou non du système royaliste, personne ne veut d'une tueuse dans son camp.
Ziou s'approche de son père avec une détermination et une douceur propres à son jeune âge. Malgré la tension palpable et l'atmosphère lourde qui enveloppe la scène, le Prince marche d'un pas résolu vers le roi, comme guidé par un instinct profond et protecteur. Il se penche avec précaution pour retirer le bandage qui enveloppe la blessure de son père. Ce geste, empreint de tendresse et d'urgence, est une manifestation pure de son désir d'aider.
Personne ne bouge pour interrompre ce moment. Le silence qui règne dans la foule semble être une marque de respect pour la scène émouvante qui se déroule devant eux. Les spectateurs, figés dans leurs rôles d'observateurs, laissent le jeune Prince accomplir sa tâche avec une concentration et une dévotion admirables. La gravité de la situation n'efface pas l'amour pur et instinctif de Ziou pour son père.
Le roi, ébranlé par la révélation et la douleur physique, lève les yeux vers son fils avec une gratitude mêlée de chagrin. Ses yeux, habituellement impassibles et royaux, sont maintenant remplis de larmes, qui roulent lentement le long de ses joues marquées par les épreuves. Le contraste est saisissant : l'homme qui avait commandé, gouverné et pris des décisions avec une autorité inébranlable se montre désormais vulnérable, touché par l'amour innocent de son fils.
Le roi se retourne ensuite vers son ancienne compagne, Andréa :
"Toutes ces punitions au fouet envers les 3 alors que la véritable vipère se cachait parmi nous...?"
Andréa baisse la tête.
"Tu savais très bien comment étaient les anciens rois. Ils n'acceptaient pas notre union. C'était une autre raison pour moi de les faire taire à jamais."
Hector pousse un hoquet de surprise.
"Et ils avaient raison de m'empêcher de te côtoyer !"
Je décide de quitter ce procès public pour retourner à la maison hantée, comme me l'a conseillé Bleuène. Je me cache dans les buissons, mais je réalise rapidement que cela ne sert à rien puisque je ne croise personne sur le chemin ; tout le monde est dans le village.
✧
Je marche pieds nus sur le sable, contemplant la mer qui gagne du terrain. Elle est douce aujourd'hui, scintillante sous le soleil. Mais au loin, des nuages menaçants se dessinent. Une douce mélancolie m'envahit en passant près de mon bateau terminé. Si le mauvais temps se concrétise d'ici demain, il sera temps pour moi de partir, de rejoindre Anastazia et de quitter toutes les aventures vécues ici. J'ai un pincement au cœur en pensant au petit Ziou, ce frère que je n'ai jamais eu, cette famille que je n'ai jamais connue. Comment ferai-je sans lui ? Je veux le voir grandir. Je persuaderai Anastazia de venir régulièrement avec moi sur cette île, avec ou sans l'accord des habitants.
Je vois la maison à quelques centaines de mètres. Non loin se trouvent les mystérieux rochers avec trois gravures d'œil. Je ne sais toujours pas qui les a dessinés ni pourquoi. Ont-ils une signification ?
✧
En entrant dans la maison, je fais de nouveau face au portrait poussiéreux de l'entrée. Que cachent ces trois personnes ? Quel est leur lien avec la mer ?
Je les fixe, m'imprégnant de leurs traits.
Dernièrement, Ziou m'a raconté toutes les histoires de fantômes liées à cette maison. Il m'a parlé d'un marin perdu, le personnage en arrière-plan du portrait. On raconte qu'il était capitaine disparu lors d'une tempête. Par les nuits de brouillard, le cliquetis de son sextant résonne dans l'obscurité, comme s'il cherchait désespérément son chemin de retour. Ses cris déchirants hantent les corridors sombres, évoquant une terreur glaciale.
Ensuite, il a parlé de la femme du portrait, qui aurait sauvé une sirène d'un filet. En remerciement, la sirène lui aurait offert un médaillon maudit, la liant à la mer pour l'éternité. Lors des nuits de pleine lune, on la voit errer dans le jardin, peignant ses cheveux avec une lenteur macabre, chantant des mélodies envoûtantes.
Enfin, le troisième personnage du portrait est un homme enfermé pendant la Grande Catastrophe. Il survécut, mais la faim le conduisit à la folie, dévorant son âme. Aujourd'hui, son esprit dément hante les lieux, tendant des pièges à quiconque ose entrer dans la maison. Son rire sinistre résonne à travers les murs, promettant perdition à ceux qui s'aventurent trop loin.
Mais je ne crois pas à ces histoires. Je pense que ce ne sont que des mythes inventés par les enfants pour se donner des frissons. Cependant, la dernière histoire me trouble particulièrement. Elle semble plus réaliste.
Le parquet craque sous mes pas. Je l'avais oublié.
J'ai peur de ne pas avoir beaucoup de temps. Je crains que le procès ou la prise de pouvoir ne se termine bientôt, et que quelqu'un remarque mon absence. Je ne sais pas par où commencer.
Je décide d'inaugurer par le plus évident : la pièce du fond, probablement la chambre, qui était verrouillée la dernière fois. J'avance dans le long couloir, qui me donne toujours des frissons. Je glisse ma main sur la poignée, mais le verrou reste immobile. C'est comme si quelque chose de très lourd bloquait l'ouverture.
Je me recule de quelques mètres et, dans un élan d'impatience, je fonce dans la porte, épaule en avant. Je me fais très mal, et j'entends un clic, comme si un mécanisme de défense se mettait en place.
Je découvre quelque chose d'intéressant. Si cette maison semble être une épave, elle cache plus d'un tour dans son sac.
Je me recule une nouvelle fois pour réessayer. Cette fois-ci, je n'entends plus le clic, mais je sens que la porte a été renforcée. Comme si une couche de ferraille avait été ajoutée pour la durcir. Après plusieurs essais et avec le haut du corps en feu, je décide de renoncer.
Je retourne à la pièce principale. Le piano m'attire irrésistiblement. Je tourne autour, mes doigts caressant les touches. Il n'y avait pas de siège la dernière fois, ce qui m'avait obligé à jouer debout. Cette fois-ci, je veux m'asseoir à sa hauteur, alors je m'accroupis devant lui, les mains posées sur le clavier.
C'est là que je les vois : des petites gravures sur le bas des touches. Des nombres, de la ponctuation, parfois rien, et sur quelques touches, des lettres. Je suis stupéfait. Je les récite à voix haute, je les compte, et soudain, cela me frappe.
35°01'37.9"N 111°01'20.6"W
C'est un code de localisation. En tant qu'Oublié, je connais par cœur les codes de localisation des sept îles. Et celle-ci, il ne fait aucun doute, est celle du centre de l'île Saisonnière.
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Les Oubliés d'Ægir [Ré-écriture en cours]
Misterio / SuspensoLes océans ont englouti la plupart des terres humaines et continuent de monter sans raison explicable, réduisant la vie à de petits îlots dispersés et laissant très peu de survivants. Chacune de ces îles lutte pour sa survie avec ses maigres ressour...