Valyndra s'adossa un instant contre la lourde porte, le cœur tambourinant dans sa poitrine. Phaendar n'était pas connu pour sa douceur, mais elle ne l'avait jamais connu cruel. Pourtant cette lueur dans le regard relevait simplement du sadisme. Elle réprima un frisson.
Je dois parler à Aolis.
La rouquine devait en avoir le cœur net. Elle avait toujours eu une confiance aveugle en sa sœur, si celle-ci connaissait tout de ses origines depuis des décennies, elle briserait cela. Valyndra secoua la tête et dévala les marches.
La jeune femme aux cheveux immaculés s'était assise sur un banc en face des escaliers, le visage contrarié. A la vue de sa sœur, ses yeux s'illuminèrent et elle se leva aussitôt.
- Je croyais ne jamais te revoir Valyndra, pouffa-t'elle comme si son accès de colère n'était qu'un mauvais souvenir. Qui a gagné entre père et toi ?
L'interpelée lui jeta un regard noir.
- Je crois me souvenir que tu es capable de lire dans mes pensées de lassimavë comme tu dis si bien, railla-t'elle.
Aolis s'immobilisa.
- Alors il t'a dit, souffla-t'elle avant de se rassoir.
Ainsi elle sait.
- Donc tu étais au courant ? en déduisit Valyndra. Tu savais que j'étais la fille d'une prostituée mais tu ne m'as rien dit.
Sa sœur la dévisagea d'un regard surpris.
- Non je-
Valyndra l'interrompit, le cœur serré.
- Ne me mens pas, Phaendar m'a tout dit.
Aolis demeura silencieuse, les yeux rivés sur elle.
- J'arrive pas à le croire, fit Valyndra d'un ton désespérée. Nous avons vécu 103 ans ensemble, et tout ce temps tu savais pourquoi je suis aussi haïe, pourquoi tout le monde me considérait comme une moins que rien, pourquoi je suis aussi différente de vous. Et durant tout ce temps, tu as fait comme si tout était normal, tu m'as laissée croire que ma naissance n'était pas aussi basse et que j'appartenais à ce monde.
Elle sentait sa gorge nouée au fur et à mesure que sa sœur se refermait devant elle, fuyant son regard.
- Nous savons toutes les deux comment le palais elfique fonctionne, continua-t'elle d'une voix brisée. Si j'étais à ma place, à ma vraie place, je serai dehors avec le peuple qui se meurt de faim, dans une cité gouvernée par l'art du crime et de la débauche. C'est seulement par pure stratagème de la part de ton père que j'ai échappé à ce sort. Je ne suis qu'un bibelot à sa collection.
Valyndra marqua une pause pour lutter contre ses larmes.
- Mais par delà toute la haine, le mépris, les mensonges que je peux recevoir, je ne pensais pas que toi, tu puisses me dissimuler la plus terrible vérité.
- Valyndra, tu es ma sœur...tenta vainement Aolis.
- Ma sœur ? coupa Valyndra comme épouvantée. L'es-tu réellement pour m'avoir caché ma nature ? Pour m'avoir menti ainsi ? Tais-toi donc. Tu ne mérites pas ma patience.
Déchirée, la rouquine se détourna d'Aolis et s'enfonça à travers les nombreux couloirs du château.
De l'air. J'ai besoin d'air.
Malgré les nombreuses fenêtres, elle sentait ses poumons se comprimer. Courant aussi vite que ses jambes la lui permettaient, elle s'enfuit dans la direction des écuries, son seul réconfort lorsqu'elle se sentait seule.
Elle prépara son magnifique étalon à la robe noire et se mit aussitôt en selle. Les larmes glissant sur ses joues parsemées de tâches de rousseur, elle lança son cheval au galop dans la grande cours tout en ignorant les cris colériques du personnel qui s'écartait sur son passage.
Galopant sur le pont principal, Valyndra prit la direction de la forêt noire, une forêt ancienne où nul bruit ne vient jamais effleurer les oreilles d'un elfe. Elle mena sa monture à travers les arbres d'une manière experte où les douces effluves de la forêt vinrent parfumer ses narines. La rouquine sentait ses larmes se calmer à mesure que tout devenait sombre autour d'elle.
- Thalaïna* Sylimar, souffla-t'elle à son cheval pour le ralentir.
L'animal elfique obtempéra aussitôt et se mit au pas en piaffant doucement. Valyndra descendit de sa selle et mena Sylimar auprès d'un immense chêne.
L'elfe s'y assit et ferma les yeux. Aucun bruit, si ce n'est la lente respiration de sa monture qui vint s'allonger à ses côtés. La main dans les crins doux de l'étalon, la rouquine laissa ses problèmes glisser le long de sa peau, oubliant le roi, Aolis et tout le reste. Il ne restait que Sylimar et sa robe douce.
***
Valyndra fut tirée de son sommeil par des cris. Elle se leva brusquement, sa main portée à la dague dans son dos. Immobile, elle mit en œuvre entièreté de ses sens pour trouver son origine.
D'autres suivirent bientôt et une imperceptible odeur de chair brûlée vint saisir le nez de Valyndra.
- Le palais, souffla-t'elle le cœur battant.
Elle siffla sa monture et galopa à travers la forêt à toute allure. Les branches fouettaient son visage mais la rouquine n'en avait que faire. Seule comptait Aolis.
Un immense panache s'élevait de l'immense forteresse de marbre et les cendres commençaient à couvrir le feuillage dense de la forêt. Certains habitants sortaient en courant, les traits déformés par la peur. Les blessés étaient regroupés sous la haute fontaine tandis qu'on trainait des cadavres jusqu'au pont. Horrifiée par cette vision, Valyndra traça sa route sans même s'arrêter, sa silhouette sombre se détachant du château enflammé.
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Flamboie comme l'or (essai/ réécriture)
ParanormalSur la planète aux deux lunes Lacanides, une famille royale elfique pour retrouver leur droit de sang : les puissants dragons aujourd'hui disparus. Les seuls vestiges de ces créatures mythiques sont gardés jalousement par les hommes, cupides et cru...