CHAPITRE 29

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Paris, 11 octobre 2024


Esmée prit une profonde inspiration en se regardant dans le miroir. Il était presque dix-neuf heures, et elle allait devoir partir pour la galerie ou du monde était sans doute déjà arrivé. Elle avait tenu à faire ça en soirée, car l'éclairage tamisé convenait plus aux tableaux sélectionnés.

Ce soir, elle n'exposait pas des voitures ou des paysages. Elle s'exposait elle-même. Elle et ses traumatismes, en grandeur nature devant l'œil du public. Elle espérait de tout coeur réussir à transmettre les émotions qui l'avaient traversée ces dernières années.

La jeune femme était vêtue d'une longue robe noire assez chic qu'elle avait trouvé pour l'occasion, et avait relevé ses longs cheveux flamboyants en un chignon décoiffé. Un maquillage léger, et c'était tout. Elle ne souhaitait pas qu'on la regarde elle ce soir, mais plutôt son art.

Une fois arrivée à la galerie, Esmée fut surprise par le nombre de personnes déjà présentes. Apparemment, Josh avait ouvert pour les invités en avance, et elle l'en remercia mentalement. Tout avait été préparé, quelques tables servaient de buffet pour grignoter et boire du champagne.

L'éclairage avait été ajusté comme elle l'avait demandé, de sorte à créer une ambiance douce et intime. Car après tout, l'entièreté de cette collection de tableaux reposait sur l'intimité. Tout en balayant la salle du regard, la monégasque remarqua ses parents au fond de la salle, en train de discuter avec Pascale. Elle se promit d'aller les voir plus tard.

- Esmée, tu es enfin là ! s'exclama Josh en surgissant à côté d'elle.

- Il y a du monde, dit-elle en souriant.

- Et encore, attends seulement qu'on ouvre au public, répondit le brun en lui faisant un clin d'œil. Je te laisse, j'ai quelques détails à...

Mais Esmée avait arrêté de l'écouter, en voyant Charles et Arthur devant un de ses tableaux. Elle s'avança vers eux doucement, voyant qu'ils étaient absorbés par leur observation minutieuse.

- Alors ? demanda-t-elle simplement derrière eux.

Les deux frères se retournèrent d'un coup, un grand sourire aux lèvres.

- C'est magnifique Esmée, affirma Arthur en tapant dans ses mains d'un air victorieux. T'es vraiment une championne.

- Contente que ça te plaise.

Elle avait bien remarqué que Charles était silencieux, fixant le tableau du regard. Esmée savait que celui-ci remuerait sans doute quelque chose en son meilleur ami. Car elle n'y avait rien peint d'autre qu'un regard, et c'était celui de Chloé. Arthur s'éclipsa pour aller rejoindre son autre frère un peu plus loin.

- Tu en penses quoi ? demanda la rouquine en prenant la main du pilote.

Il ne répondit rien et se contenta de serrer sa main très fort. En détournant son regard des pupilles sombres de Chloé, Esmée remarqua celles embuées de Charles.

- Tu sais qu'elle me manque à moi aussi, fini par dire le brun.

- Je sais.

- Tous tes tableaux sont splendides. J'ai surtout aimé celui que tu as baptisé à mon nom.

- Je savais que tu l'adorerais, sourit-elle.

Elle serra une dernière fois la main de son ami avant de se diriger vers Josh qui avait fait taire tout le monde.

- Je crois qu'Esmée veut vous dire quelques mots, annonça-t-il en s'écartant.

Celle-ci haussa un sourcil, peu surprise cependant. Elle n'avait préparé aucun discours, et n'était pas du genre à s'étaler en public. Mais venant de Josh, elle ne s'étonnait de rien.

- Hum... en vérité j'aime dire que mes toiles parlent pour moi, commença-t-elle à l'attention des invités.

Il n'y avait pas tant de monde, mais c'était tout de même un miracle qu'elle se sente à l'aise. Sa famille était présente, aussi bien les Muller que les Leclerc. Même Pierre et sa copine étaient venus, et elle fut surprise de voir que Lando avait aussi répondu présent à sa timide invitation.

Elle et le pilote Mclaren avaient bien discuté ces derniers jours, Esmée s'étant dit qu'il était enfin temps qu'elle ouvre son cercle amical davantage après toutes ces années. Un peu plus loin dans la salle, elle vit aussi Alexandra, qui serait sans doute bientôt la copine de Charles si elle ne l'était pas déjà.

- Il y a quelques années, je ne vous aurais pas ri au nez si vous m'aviez dit que je serais là devant vous aujourd'hui, à parler de mes tableaux, poursuivit Esmée en rassemblant son courage. Mais je suis bien là, et vous aussi. Je n'ai pas grand chose à dire à propos de ces tableaux, j'ose espérer qu'ils parlent d'eux même. Vous avez sans doute remarqué que chacun porte le nom d'une personne importante dans ma vie. Un grand nombre d'entre vous en ont d'ailleurs un. J'ai essayé de représenter ce que vous me faites ressentir, et j'espère que vous le partagez.

Elle marqua une courte pause, en croisant le regard vert de Charles.

- Cette exposition, elle n'aurait pas été possible si ma famille n'avait pas été là durant ces dernières années. Je ne pense pas que j'ai besoin de citer des noms, ils se reconnaîtront tout seuls. Alors, merci d'avoir été là et d'être toujours là.

Sur ces mots, elle recula en souriant face aux applaudissements. Laissant les invités trinquer et discuter devant les tableaux exposés, Esmée s'éclipsa quelques minutes dehors. Profitant du bruit de la capitale et de l'air frais du mois d'octobre, elle s'alluma une cigarette qui la réchaufferait sûrement un peu.

La nuit était tombée, et le ciel était étonnamment dégagé depuis cette rue. Tout en inhalant la fumée, la jeune femme leva les yeux vers cette étendue sombre qui recouvrait les étoiles invisibles. Ils devaient probablement la regarder d'en haut, et elle n'espérait rien d'autre qu'ils soient fiers d'elle.

En reportant son regard en face d'elle, le cœur d'Esmée rata un battement. Elle ne s'attendait pas à le voir ici.


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