Chapitre 5 Hugo

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Je n'arrive pas à croire que je regrette de quitter Kévin. J'avais hésité à le suivre, et finalement, je regrette de partir si vite. C'est la première fois que je me fais draguer par un mec et surtout que l'attirance soit réciproque.

La joie et la peur se mélangent dans ma tête. Je ne peux pas espérer qu'il soit mon petit ami. Si ma mère l'apprend, je n'ai aucune idée de ce qu'elle ferait. Peut-être me mettrait-elle à la porte ? Au pire, je sais que je peux squatter un peu chez Chris, mais je ne peux pas être une charge pour sa famille. Comment je ferai pour payer mon école d'art ? J'ai seize ans, personne n'embauche des mineurs.

La mélancolie m'envahit de nouveau. Je regrette tant que mon père ne soit plus là. Cette vie aurait probablement été différente. J'avais cinq ans lorsqu'il a eu un accident de voiture. Je ne me rappelle plus trop de lui. Après son décès, ma mère n'a plus été la même. Elle a jeté tous les souvenirs que j'avais de mon père et les photos. Sûrement, est-ce par chagrin ?

Il y a seulement deux ans, pour mon quatorzième anniversaire, Giulia m'a offert une photo en cachette en me promettant de ne pas en parler à ma mère. Je n'avais aucune envie de lui en discuter de toute façon, toutes allusions à mon père étaient interdites à la maison. Elle m'avoua qu'elle était la demoiselle d'honneur de ma mère à leur mariage. Elle me montra des photos d'eux lorsqu'ils se sont rencontrés, les sorties qu'ils faisaient. Giulia aimait aussi beaucoup mon père, je la voyais sourire dès qu'elle évoquait le bon vieux temps. Je pus mettre le prénom de Ben sur le visage de mon père. Je l'avais toujours appelé « papa » et à cinq ans, on ne se rappelle pas toujours des noms d'adulte.

En contemplant les photos, je m'aperçois que chaque jour, je lui ressemble un peu plus. Je regrette tellement qu'il soit parti avant que je ne puisse avoir des souvenirs de lui et surtout que j'apprenne à le connaître. Giulia me conte quelques anecdotes de temps en temps.

Mais, là, je suis piégé jusqu'à mes dix-huit ans, sans espoir d'avoir une relation amoureuse. Et, même si je sortais avec Kévin, accepterait-il quelqu'un comme moi ? Obligé de se cacher des autres. Il semble libre et sans attaches, je ne serai qu'un poids à ses côtés.

— Hugo ! clame Jenny, me sortant de mes tristes pensées.

Je lui souris et lui fais un coucou de la main.

— Où étais-tu ? On avait dit quatorze heures devant la boutique.

— Pardon, j'étais au parc et je n'ai pas vu passer l'heure.

— Ce n'est pas grave, dit-elle en me prenant la main. Comme tu es venu plus tôt, je m'inquiétais.

Elle sait que je ne suis pas à l'aise avec la foule et encore moins avec des gens que je ne connais pas. Mais, je voulais voir la Pride, alors j'ai pris mon courage à deux mains.

— Je vais bien. J'ai juste besoin d'être un peu seul de temps en temps.

Ce qui est vrai aussi. Il est difficile de vivre avec ma mère. Il y a beaucoup de sujets dont je ne peux pas aborder. J'ai déjà peiné à la convaincre que je désirai faire des études d'art. Mais, comme Jenny veut aussi aller dans la même école, nos mères ont cédé. La mère de Christophe a aussi cédé face à notre détermination.

— Tu sais que je suis là si tu as besoin.

— Merci.

On monte les trois étages jusqu'au rayon livre et manga. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de regarder s'il y a des nouveautés à l'étage des loisirs créatifs. J'ai besoin de nouveaux stylos pour encrer mes pages. Je n'ai pas encore tenté de dessiner à l'ordinateur. J'aime sentir le crayon dans ma main. Quand je vois les peintures de la Renaissance, les artistes ont réussi à peindre des merveilles et sans l'aide de l'ordinateur. Ils travaillaient allongés sur des échafaudages, allumés à la bougie ; je reste admiratif face à leur travail. Ce sont des modèles pour moi. Alors, je veux montrer qu'à mon petit niveau, je peux aussi réaliser des œuvres avec mes stylos et ma passion dévorante.

Laisse-moi disparaîtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant