Quelqu'un tapotait sur sa tête. Quelqu'un ou quelque chose. Cela pouvait aussi bien être la pluie, qu'un panneau en train de vasciller. Elles entrouvrit ses paupières et cligna des yeux un moment avant de pouvoir discerner ce qui se trouvait devant elle.
Tout ce qu'elle pouvait dire était qu'il n'était sûrement pas humain. Il avait la peau rouge, des cornes et des ailes noires. De longs cheveux blancs tombaient en cascade sur son visage et ondulaient avec liberté au gré du vent."Qu'est-ce que...
— Oh, te voilà enfin réveillée. Sourit la créature. Tu dois me trouver étrange, et cela serait évidemment justifié. Tu n'as jamais observé de Yōkai de ta vie, n'est-ce pas, jeune humaine ?"
Shio cligna à nouveau des yeux et fronça les sourcils. Elle se demandait si elle n'était pas en train d'halluciner, ou peut-être était elle déjà décédée.
"Je me présente, je me nomme Emon. Je suis le Tengu qui règne sur ses terres. Et toi ? (Il avait un sourire niais sur le visage.)
- Shio Konoe, et je vivais..."
Lorsqu'elle réalisa l'étendu des dégâts autour d'elle, elle sentit des larmes rouler sur ses joues. Elle se redressa sur ses jambes faibles et observa la zone complètement rasée. D'étranges arbres avaient poussés sur les cadavres des villageois disséminés un peu partout autour de ce qui était autrefois, son village. Ils semblaient vivants. Leur écorce était du même rouge que le sang qui coulaient en direction de leurs racines.
Ses parents étaient juste en dessous.
Toute leur vitalité absorbée par cette arbre grandissant à vue d'œil. Bientôt, il ne resta plus que leur peau et leurs organes asséchés sur le sol. L'arbre gourmand avait fini de festoyer.
Emon, se leva à son tour et se plaça derrière elle. Il n'était pas très fort pour réconforter quelqu'un, encore moins quand cette personne venait de perdre ses géniteurs. Alors il garda une certaine distance entre eux. Il se disait que cela ne servait à rien de lui apporter une quelconque forme de soutien physique.
"Le coupable et son complice paieront, Shio. Je t'en fais la promesse. En attendant il faut que je te mette en sûreté. Tu dois probablement le savoir, mais un être humain ayant la capacité de voir les Yōkai attire l'attention de certains Yōkai très... fourbes. Ne restons pas ici."
Emon s'éloigna de la jeune femme, ramasser une des nombreuses mandarines qu'elle avait acheté avant que cet horrible événement ne se produise. Il ne restait plus qu'elle a proximité de leur emplacement. Les grains de riz et autres fruits et légumes étaient probablement au milieu des brins d'herbes dans les bois alentours. Il fit un signe de tête à Shio de le suivre, un sourire réconfortant sur le visage.
Il ne ressemblait à aucun dessin de Tengu qu'elle avait vu étant petite. Ses parents lui avaient raconté de nombreuses histoires sur eux.
En observant Emon manger tranquillement sa mandarine sans en avoir retiré la peau, on ne se douterait pas du potentiel danger que son espèce représente. Un seul battement de ses puissantes ailes peut projeter n'importe qui sur plusieurs mètres. Ils maîtrisent le vent comme personne. Ils sont puissants physiquement, ils excellent aux arts martiaux, et leurs combats - qui ont souvent lieu dans les cieux - peuvent impacter la météo sur plusieurs jours."La nourriture humaine est un plaisir que j'aime m'octroyer de temps en temps. Tu aimes manger toi, Shio ?"
Prise de court par la soudaine question, elle haussa des épaules.
"Je suppose, oui. Même si c'est surtout par besoin plutôt que par plaisir."
Son ton était faible.
"Cette situation est tellement... étrange. Je veux dire, tout se passait bien et puis me voilà en train de suivre un guignol à la peau rouge. Et puis, pourquoi je suis toujours en vie ? J'aurais dû mourir comme les autres, comme mes parents ! Ils étaient peut-être des menteurs et... des mauvais parents, mais au fond je les aimais, beaucoup."
Un ange passa. Le Tengu arrêta sa marche et se tourna vers elle, les traits tirés vers le bas.
"Je ne sais probablement pas vraiment ce que tu ressens, toi et moi ne partageons sans doute pas les mêmes sentiments et façon de penser. Cependant, je sais bien une chose: pleurer un défunt ne le ramènera pas à la vie. Je pense qu'ils auraient voulu que tu vives pleinement, même si la vie en a décidé autrement. Il soupira et croqua dans sa mandarine.
— Peu importe, je veux retrouver le coupable et le faire payer."
Une once de colère était audible dans sa voix, mélangée à une amère tristesse.
"Tu me l'as promis alors... reprit-elle, plus calmement.
— C'est vrai. Mais ne te laisse pas consummer par la rancœur, cela ne te mènera jamais sur le bon chemin."
Quelques temps plus tards, ils arrivèrent sur la rive d'une petite rivière. Emon s'asseya sur le sol et incita Shio à en faire de même. Il y avait un renfoncement dans la roche non loin de là.
"Maintenant, j'aimerai que tu écoutes attentivement ce que j'ai à te dire. Il faut à tous prix que tu te caches aux yeux des autres Yōkai. Il se peut que je ne sois pas toujours là pour veiller sur toi. Durant la nuit, nous irons dans un temple te chercher de quoi te camoufler aux yeux des démons les plus faibles et sot. Tu comprends ?
— Oui je suppose... mais quand tu dis que tu seras pas toujours là pour veiller sur moi, qu'est-ce que ça implique ?"
Emon détourna le regard un instant, puis le posa sur elle à nouveau.
"J'aime faire la sieste. Répondit-il avec un sourire innocent.
— Je... attends quoi ? Tu vas me dire que ma sécurité est mise en jeu, uniquement parce que tu aimes dormir ?
— Calme toi jeune humaine, je dors à peine moins de temps qu'un bébé de ton espèce. (Il croqua dans sa mandarine.)
— Quoi ?! Mais c'est plus de la moitié d'une journée !"
Emon ricanna gentiment et s'allongea sur l'herbe. Ses grandes ailes étaient repliées de sorte à pouvoir maintenir son corps dans une position comfortable.
Shio, agacée, se leva et lui arracha sa mandarine des mains. Elle la jeta dans la rivière. Le Tengu était agacé par ce comportement qu'il jugeait enfantin, mais tenta de le camoufler derrière un sourire, amer."Ne me dis pas que tu t'appretais à faire une sieste ! S'exclama-t-elle.
— Eh bien, apparemment je vois que les Tengu ne font plus peur aux humains. Et pour te répondre, je m'apprêtais bel et bien à en faire une. Pourquoi ? N'ai-je pas le droit d'être fatigué après cette dure journée ? Vous les humains..."
Il ferma les yeux et ignora les nouvelles protestations de la jeune femme. Au bout d'un moment, elle retomba sur l'herbe. Il y avait une certaine distance entre eux tout de même. Ses oreilles pointues s'agitèrent légèrement quand il perçu des faibles gémissements de douleurs provenir de là où Shio s'était assise. Il entrouvrit les paupières, ses pupilles posées sur elle.
"C'est vrai, tu es blessée. Je ne suis pas un très bon médecin, je laisserai mon amie se charger de toi. (Il ferma les yeux à nouveau, son nez pointant vers le ciel.)
— Ton amie ? Quelqu'un arrive à te tolérer ? Cingla Shio.
— Tu deviens blessante, humaine. Je suis quelqu'un d'une agréable compagnie tu sais ?"
VOUS LISEZ
Crimson Wind
Fantasy紅風 | Crimson Wind Shio Konoe est une jeune femme tout ce qu'il y a de plus normal, vivant dans un Japon terrorisé par de mythiques créatures nommées Yōkai. Pourtant, seul 1% de la population nippone peut les voir. Alors qu'elle ren...