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Gabriel ne s'est pas vraiment s'il c'est endormi. Il est minuit. Il est réveillé. Mais pourtant, il a la sensation d'être reposé. Comme s'il avait dormi. Il se souvient de s'être allongé sur le canapé vers vingt-et-une heures et après, plus rien. Cela fait des mois qu'il n'avait pas été dans un sommeil profond pendant plus de trois heures. Il est un peu perdu et il lui faut quelques minutes pour comprendre où il se trouve.

La nuit est fraîche, mais le ciel est clair. Il n'y pas les lumières de la ville pour cacher les étoiles. Celles du village s'éteignent à vingt-trois heures. Gabriel en profite pour sortir et aller s'installer au milieu d'un champs pour observer le ciel. Il se prend les pieds dans la boule noire qui ronfle toujours au pas de sa porte.

Une fois dehors, il ne s'attendait pas à tomber sur une fine silhouette, assise dans l'herbe, enroulée dans une couverture, un chien et une petite chèvre couchés à ses pieds. Il pensait faire demi-tour sans faire de bruit, mais c'était sans compter sur la vivacité de Carotte, la chèvre. Elle bondit et en moins de trois sauts, elle se retrouve face à Gabriel, prête à lui piquer sa couverture. Le chien, Patate, lève la tête, le regarde sans grand intérêt et se remet aussitôt à dormir. C'est à ce moment là qu'Alice se redresse et se tourne vers Gabriel.

- Désolé, je ne voulais pas te déranger. Lui dit-il, un peu maladroitement
- Tu ne me dérange pas. Je crois que Carotte aimerait te voler ta couverture.

Il n'y a pas d'émotion particulière dans sa voix, son ton est neutre, comme toujours. Mais, cela ne surprend plus Gabriel. Il pense s'y être habitué. Il hésite un instant, mais c'est Alice qui dit en premier :

- Tu as le droit de venir t'asseoir avec nous.

Par le "nous", elle veut sans doute parler de Patate et de Carotte. D'ailleurs, la chèvre n'a toujours pas lâchée la couverture de Gabriel.

Il s'installe à côté d'Alice. Pas trop près, pas trop loin. À une distance qui lui semble correcte par rapport au fait qu'ils ne se connaissent pas.

Gabriel fut une nouvelle fois surpris, lorsque Alice lui dit :

- Allonges toi, tu pourras mieux observer les étoiles.

Comment a-t-elle su ? Et comment arrive-t-elle à être si convainquante avec son attitude tellement détachée ? Gabriel s'exécute. Alice s'allonge également. Carotte s'est couchée sur la couverture du jeune homme, en prenant presque toute la place. Il a le sentiment qu'il ne va pas pouvoir la récupérer.

Il ne sait pas combien de temps c'est écoulé depuis qu'ils sont allongés. Ils n'ont pas dit un mot. Le calme règne sur la nuit étoilée. Cela fait plusieurs dizaines de minutes qu'ils sont ici. Peut-être plus d'une heure. Il a perdu la notion du temps dans ce lieu isolé, loin de la folie des grandes villes. Il apprécie ce silence. Il a la sensation que le temps s'écoule au ralenti. Et ça lui plaît. Il aimerait engager la conversation, mais il se demande maintenant, si Alice ne s'est pas endormie. C'est alors qu'elle se met à lui parler des étoiles.

- Je trouve cela agréable d'observer la ronde des étoiles. Tu voix la Grande Ourse, juste ici ?

Alice lui montre les étoiles formant une casserole.

- Elle est facile à reconnaître et visible toute l'année. Si tu restes assez longtemps, tu peux te rendre compte qu'au fil des heures, le ciel paraît tourner autour de l'étoile Polaire. C'est la rotation de la Terre sur elle-même qui fait défiler le ciel et provoque les levers et couchers des astres. Les étoiles reviennent chaque soir au même endroit du ciel, mais pas forcément à la même heure.

Le son de sa voix et son calme sont contagieux. Gabriel se sent apaisé et il prend plaisir à l'écouter.

- Le Soleil, la Lune et les planètes du Système solaire font partie de notre environnement immédiat. Ils ont donc un mouvement perceptible au fil des jours par rapport aux étoiles qui sont beaucoup plus éloignées. Vers la fin du mois d'avril, si on a de la chance et que le ciel est dégagé, on pourra observer le phénomène astral des Lyrides. C'est une pluie d'étoiles filantes. Les constellations sont des zones de la sphère céleste qui sont facilement reconnaissables grâce au nombre important d'étoiles visibles qui les composent. Bien souvent, les constellations sont nommées selon leur forme, alors que l'origine du nom d'autres constellations vient directement de la mythologie grecque ainsi que d'autres anciennes cultures, comme la chinoise.

Gabriel sourit en regardant le visage d'Alice. Elle est concentrée dans l'observation du ciel. Ses yeux donnent l'impression de pétiller. Il ne se rend compte que maintenant, que la jeune femme a un visage fin et délicat. Il ne voit plus la couleur grise de ses yeux, mais il peut observer les légères ondulations que forment quelques mèches de cheveux qui brillent sous le reflet des étoiles. D'ailleurs, elle ne porte pas son chapeau de paille. Et elle fait la conversation. Gabriel se sent un peu déstabilisé par ce changement. Il a l'impression que ce n'est plus la même personne, en face de lui. Si Alice n'avait pas toujours ce regard impassible et son ton neutre, il pourrait penser que c'est une autre femme.

Après plusieurs minutes d'un nouveau silence, Gabriel sent la fatigue lui piquer les yeux. Il aimerait s'endormir sur place, mais il sait que le froid va le réveiller dans quelques heures. Alice et lui se relèvent en même temps. Ils se regardent, un peu gênés et Gabriel dit :

- Je vais aller me coucher. Merci pour cette soirée, ou plutôt cette nuit.
- Je vais également rentrer. Mais, je crois que tu ne pourras pas récupérer ta couverture tout de suite.

Comme il se l'était imaginé, Carotte tient bien fermement le plaid entre ses dents. Son regard fier et déterminé font renoncer à Gabriel l'envie de la récupérer.

- Je viendrai la chercher demain. Dit-il tout simplement à Alice

Avant de se séparer, Alice lui dit :

- Tu feras attention à ne pas marcher sur Navet.
- C'est qui Navet ?
- Le cochon nain qui dort sur le pas de ta porte depuis deux jours.

Patate, Carotte, Navet. Le prochain ça sera quoi ? Poireau ? Gabriel sourit intérieurement et lui dit :

- Je me demandais ce que c'était comme animal. Mais dis-moi, tu aimes bien le pot au feu ?
- Oui, pourquoi me demandes-tu ça ?
- Pour rien.

Il crut apercevoir un léger étonnement dans le regard d'Alice. À peine perceptible. Cette fille à l'allure discrète et un peu sauvage, accompagnée de son chien et de sa chèvre, était mystérieuse. "Quelle drôle de soirée !" Pensait-il.

Into My LifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant