Chapitre 1

18 1 0
                                    


Chapitre 1

Le chariot avançait cahin-caha sur le grossier chemin de terre, tiré par une jument qui semblait épuisée. Tenant les rênes, un jeune homme, la tête levée et chantant à tue-tête. Le calme serein de la forêt en fut soudainement perturbé. Dans les bois, les lapins, renards et autres oiseaux fuyaient à son approche, autant effrayés par les sabots de la jument que par le bruit des roues du chariot sur les cailloux, sans compter les cris plus ou moins dissonants de l'homme qui conduisait l'attelage. Celui-ci devait avoir moins de vingt ans, il était grand, mince et sa chevelure noire ébouriffée encadrait un visage fin et gracieux. Il portait des habits d'humble bourgeois, verts et rouges, protégés par un pourpoint de cuir ainsi qu'une cape brune. Ses pieds, glissés dans des bottes en cuir usé, reposaient nonchalamment sur le rebord du chariot.

— À Rouen, il y a diguedam tralala, à Rahouen, il y a cent quatre-vingts pucelles, tralala !

La journée touchait à sa fin et la luminosité baissait dangereusement dans ce bois aux grands hêtres. Ces majestueux feuillus constituaient un couvert idéal pour le promeneur désireux de s'abriter des rayons de l'astre jaune et chaud, car en cette fin du mois de juin, le soleil frappait inconsidérément le sud du royaume de Gallia et menaçait de dessécher champs et paysans.

— Et elles dansetèrent tôt ! Dessus un pont de verre !

Assoiffé, la bouche pâteuse, le cavalier s'interrompit pour porter sa gourde à sa bouche. Au moment même où il avalait goulûment la première gorgée, une flèche se planta dans le chariot, faisant cabrer son cheval. De surprise, il lâcha la gourde et son contenu se répandit sur la terre craquelée. L'homme tira sur les rênes pour maîtriser sa monture, qui s'arrêta docilement. Il n'eut pas le temps de réaliser ce qu'il se passait que trois brigands sortirent des fourrés en criant et en le menaçant de leurs armes.

— Halte-là, mon bon bourgeois ou on te coupe les bourses ! dit l'homme qui se tenait devant le cheval.

Le jeune bourgeois regarda d'un air inquiet les trois bandits, car ils semblaient assez organisés. Deux d'entre deux s'étaient positionnés de part et d'autre du cheval, tandis que le troisième tenait le mors de la main droite et une dague de sa senestre. L'homme sur le flanc gauche brandissait une arbalète, tandis que l'autre tenait un gourdin dont la pointe était hérissée de clous. Les trois étaient pauvrement vêtus et leur barbe hirsute leur donnait un air sauvage.

— Mes bourses ? Que voulez-vous dire ? balbutia le jeune homme.

— Devine, imbécile !

Les trois bandits s'esclaffèrent, puis l'un d'eux se hissa sur la pointe des pieds et écarta la cape d'un geste rageur.

— Il a une épée !

Le bandit qui se tenait devant ricana, découvrant une bouche édentée.

— Un cheval, une épée, des habits neufs et certainement une bourse. Moi, je dis que c'est une bonne journée.

— Il y a une malle à l'arrière ! s'exclama celui armé du gourdin. Toi, descends de ton chariot !

Le visage soucieux, le jeune homme s'exécuta, tout en scrutant les bois, l'air préoccupé.

— Qu'est-ce que tu regardes ?

— Si tu cherches de l'aide, tu peux attendre longtemps, ricana celui à l'arbalète.

— Ne t'en fais pas, dit l'édenté. Il n'y a personne qui viendra nous déranger.

— Déshabille-toi !

En soupirant, le cavalier ôta sa cape, puis son pourpoint de cuir, ses bottes, sa tunique, son pantalon pour finalement se tenir droit, l'air ennuyé, en simple chemise, ses longues jambes blanches dépassant du pan de tissu.

De dagues et d'épéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant