De dagues et d'épées

Chapitre 4

Amaury monta les escaliers quatre à quatre, puis traversa le couloir désert, la gorge serrée. Il tâcha de ne pas faire de bruit en marchant, car le silence régnant faisait résonner chaque bruit.

« On dirait un tombeau », pensa-t-il en avançant.

Lorsqu'il arriva à quelques mètres des appartements royaux, les deux gardes se redressèrent et croisèrent leurs lances.

— Halte ! Personne n'est autorisé à s'approcher de la chambre du roi !

— C'est moi, Amaury ! Je dois rendre compte à notre Seigneur de ma mission.

— Personne ne peut le voir, répéta le garde. Ordre de sa Majesté la Reine.

— Je m'en vais trouver le Chambellan, dans ce cas.

Le garde haussa les épaules. Il avait des cernes noirs sous les yeux.

— Comme tu veux.

Amaury fit la moue, mais rebroussa chemin. Il s'arrêta quelques portes plus loin et frappa à l'huis et entra.

— Amaury ! s'écria Archibald en se levant. Tu es revenu de Tunisia !

Le jeune homme salua respectueusement le vieil homme. Ce dernier ne connaissait pas l'existence des Dagues du Roy, mais tenait en estime Amaury, car il avait pu constater son attachement à Arnaut et en quelle estime celui-ci tenait le jeune messager.

— Je reviens pour trouver une bien triste situation, Archibald.

Le chambellan se laissa choir sur sa chaise et secoua la tête.

— Tu ne te rends pas compte de ce que nous vivons.

— Tu m'en vois sincèrement désolé. Je dois lui rendre compte de la mission qu'il m'a confiée, me serait-il possible de le voir ?

Archibald secoua la tête.

— Je crains que non. Durant ses rares moments de lucidité, il est obligé de traiter les affaires prioritaires.

Le chambellan lui prit le bras et serra légèrement.

— Si tu as un message à lui faire passer, donne-le-moi, je te promets de tenter de le lui transmettre.

Amaury soupira. Cette situation ne lui convenait pas, mais il ne pouvait en aucun cas transgresser les ordres de la reine sous peine de se voir mis au cachot.

— Non, c'est gentil de votre part, mais mon rapport ne tient pas en quelques lignes.

Après avoir salué le vieil homme, il sortit et jeta un dernier coup d'œil en direction de la chambre royale.

« J'enrage de ne pouvoir le voir, pensa-t-il. Mais d'autres tâches m'attendent. Allons chercher cet exorciste...et vérifier ce que sont devenues mes deux adorées ! »

En tant que messager, il n'avait pas le droit de monter à cheval, privilège réservé aux chevaliers et nobles de la cour. Il prit à nouveau le chariot en expliquant au palefrenier que Messire Thibaut l'avait chargé d'une mission. Il traversa le pont-levis, salua les deux gardes et prit la direction du village vers lequel s'étaient rendues Khadija et Samira.

— Il y a une église dans ce village. Le prêtre local pourra sans doute m'aiguiller. J'en profiterai pour le demander s'il connaît un exorciste !

Impatient de retrouver ses deux compagnes, il fit claquer les rênes plusieurs fois afin de pousser le vieux cheval à accélérer. En chemin, il s'amusa à imaginer ce que les deux sœurs avaient bien pu trouver comme refuge. Il misa sur l'auberge, ce qui semblait être l'option la plus logique. Il ne s'était absenté que quelques heures et de ce fait, il espérait qu'elles n'avaient pas eu le temps de créer trop de chaos. Leur fougue naturelle ainsi que leur caractère bien trempé ne pouvaient que détonner dans un paisible village, peu habitué à y recevoir des femmes, étrangères, jolies et apparemment sans défense. Il espéra simplement que le village n'était pas jonché de cadavres. Amaury ne savait pas au juste comment elles avaient appris à manier si mortellement leurs armes, car il ne connaissait quasiment rien de leur passé. Les deux sœurs étaient réticentes à en parler, mais il soupçonnait qu'elles avaient mené une vie faite de vols, de cambriolages et...de meurtres lorsque cela avait été nécessaire. Elles s'étaient montrées plus promptes à le questionner sur sa propre histoire et à se moquer gentiment de lui qu'à véritablement parler de leur enfance.