Chapitre 3

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Peu après l'aube de ce même matin, le campement d'Amaury était défait. La tente était pliée, rangée dans une malle, ainsi que toutes les affaires des trois compagnons. Amaury souleva la lourde malle et la déposa dans le chariot en gémissant.

— Nous sommes à moins d'une demi-journée du château selon mes estimations. Je ne crois pas que nous risquions une autre embuscade.

— Cela veut-il dire que nous pourrons enfin profiter du chariot, mon adoré ?

— Absolument, ma belle Khadija.

Les deux filles sautèrent lestement à l'arrière et s'installèrent confortablement, tandis qu'Amaury secouait doucement les rênes.

— Je parie qu'il faudra nous faire passer pour tes esclaves, n'est-ce pas ? demanda Samira d'un ton fâché.

Le jeune homme grimaça et sentit une boule de feu lui tordre les tripes. C'était un point qu'il n'avait pas pu résoudre, malgré les heures passées à réfléchir à ce problème. Officiellement, il servait de messager pour le roi et mis à part ce dernier, personne ne connaissait sa véritable occupation d'espion, saboteur et assassin pour la couronne. Pas même sa mère ne savait ce qu'était et ce que faisait réellement son fils.

— Ah, je ne sais pas ! s'écria le jeune homme en se retournant. Il vaudra mieux cacher que nous sommes...eh bien...que vous êtes...

— Oui, mon bien-aimé ? Que sommes-nous ? On t'écoute, dit Khadija d'un air de défi.

Amaury, qui croyait sentir la pointe du poignard dans son dos, se mit à avoir chaud.

— Eh bien, diablevert, vous le savez bien, notre relation pourrait ne pas être comprise par la cour du château, alors...

— Alors nous jouerons à faire les esclaves soumises, dit Samira. Rôle qui nous sied à ravir, n'est-ce pas ma sœur ?

— Parfaitement, et qui plaît tellement à notre maître, renchérit Khadija.

Amaury secoua la tête. Malgré les mois passés ensemble, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il se trouvait encore emprunté par les sarcasmes des deux sœurs.

— Non, ça non plus, ça n'ira pas, trancha Amaury. Le messager du roi ne saurait avoir des servantes et encore moins des esclaves. C'est un luxe réservé aux chevaliers ou aux nobles.

— Alors ? Quelle est donc la solution ?

Le jeune homme demeura coi. Il se contenta de secouer la tête. Puis, après quelques minutes passées à regarder le paysage – un paysage familier – il soupira. Le fait de reconnaître les vallons, bois et champs lui fit prendre conscience qu'après des mois d'absence, il était sur le point de retrouver sa vie d'avant...du moins presque, car la présence des deux sœurs dans le chariot lui fit réaliser que sa vie précédente n'existait plus. Il aurait à trouver comment concilier sa vie au château agrémentée de deux belles femmes, ce qui allait à l'encontre de toutes les mœurs locales.

— Je ne sais pas encore...des messagères, peut-être ?

En constatant la moue dubitative de ses deux compagnes, il reprit rapidement.

— De toute façon, je vous rappelle que nous ne sommes pas ici pour le plaisir. Je sais bien que voyager, manger, dormir, coucher avec moi et tuer des brigands est votre définition de l'amusement, mais j'ai une mission à remplir, moi. J'ai des comptes à rendre à mon roi, moi.

— Il le faut, en effet, dit Khadija. Sinon, plus de fonds secrets, plus de missions et nous serons forcées de redevenir des voleuses.

— Ça serait dommage, sourit Amaury. La loi de ce pays punit elle aussi les mains baladeuses.

De dagues et d'épéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant