Mademoiselle Sauren,
Cette lettre est une missive officielle envoyée sous ordre du Conseil. Nous vous prions de lui accorder toute votre attention en priorité dès sa réception.
Nous avons le devoir de vous informer que vous êtes conviés par le Conseil à un rendez-vous privé qui se tiendra demain à 15h00 au Palais Suprême. De par la volonté de nos dirigeants, l'existence de cette lettre et de l'entrevue à laquelle vous êtes invitée doivent être tenues secrètes jusqu'à l'heure de votre rencontre avec le Conseil. Une fois le rendez-vous terminé, vos proches recevront un justificatif officiel les informant de l'existence de l'entrevue ainsi que de tous les détails concernant l'affaire qui y sera traitée. Pour des raisons de confidentialité, le motif pour lequel vous avez été choisie pour assister à cette réunion ne vous sera communiquée que lors de votre rencontre avec le Conseil.
Nous restons à votre disposition s'il vous fallait nous communiquer l'existence d'un événement urgent qui vous empêcherait d'assister au rendez-vous.
Nous vous remercions de votre compréhension et de votre coopération.
Veuillez agréer, Mademoiselle, l'expression de notre considération distinguée.
Le service de communication officielle du gouvernement, sous ordre du Conseil.
Cela faisait une heure que la lettre était arrivée. Et cela faisait une heure qu'elle ne cessait d'occuper toutes ses pensées.
Demi avait d'abord pensé qu'il s'agissait d'un message pour ses parents. En tant que Juge et Professeure d'astronomie dans l'Académie la plus prestigieuse de la Région, il arrivait souvent qu'ils reçoivent des missives officielles. Et celle-ci, à première vue, n'avait pas semblé plus différente que les autres. Toujours la même enveloppe en parchemin, toujours le même sceau doré, toujours la même écriture bleu foncé. Rien ne sortait de l'ordinaire. Elle y avait jeté un simple coup d'œil.
Pour : Mademoiselle Sauren
À : Maison Maïté, de la ville Leda (capitale), Région Emrys
De : Service officielle des adjoints de communication
Elle l'avait posée sur la table du salon pour que ses parents puissent la lire à leur retour, puis était remontée dans sa chambre, prête à en oublier son existence comme pour toutes les autres, avant de se remémorer un détail étrange. Mademoiselle Sauren. Pas Madame Sauren comme le ferait toute personne pour désigner sa mère. Et si cette lettre m'était destinée ?
Décidée à ne pas se lancer dans un débat mental interminable pour savoir si elle avait raison ou non, elle s'était empressée de descendre les marches de l'escalier, avait ouvert l'enveloppe, et y avait trouvé ce message étrange, qui, comme elle l'avait supposé, lui était bien adressé. Cela ne l'avait pas empêché de se retrouver stupéfaite : pourquoi le Conseil avait-il décidé de la contacter pour lui ordonner de se rendre à un rendez-vous secret le lendemain même, et dont même ses parents ne devaient pas être informés ? Encore sous le coup de la stupeur, elle était remontée à l'étage, la lettre à la main, et s'était assise au bord de sa fenêtre, un oriel au bord duquel elle avait pris l'habitude de laisser des coussins à force d'y passer des heures. Puis elle avait commencé à échafauder des hypothèses plus saugrenues les unes que les autres pour tenter d'expliquer l'existence de cette missive.
Et s'il s'était passé un événement grave dans son Académie et on lui demandait de venir témoigner ? Ce n'était pas vraiment possible. Sa mère était Professeure dans la même école, alors si quelque chose était arrivé, elle l'aurait prévenue.