1. L'épicier

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Pdv Eijiro


Il y a presque quatre ans maintenant, alors que j'aurais dû partir à Kyoto pour mes études après le lycée, je suis finalement resté dans ma ville natale. 

La raison est simple, deux semaines après la remise des diplômes, mes parents sont morts dans un accident de la route.

Ils ont laissé derrière eux ce qu'ils avaient construit à la sueur de leurs fronts et je ne pouvais pas me résoudre à tout vendre. Je n'ai pas gardé notre maison, j'y avais beaucoup trop de souvenirs.


Par contre, j'ai repris leur épicerie et l'argent de la succession m'a permis de faire des travaux dans l'appartement juste au-dessus pour pouvoir y vivre. 

J'ai utilisé ce qu'il me restait pour moderniser et surtout faire des modifications dans la boutique, afin qu'elle ressemble moins à celle où j'ai passé toute mon enfance et mon adolescence.


Rester à Musutafu n'était pas dans mes plans, je comptais y revenir après une carrière sportive qui s'annonçait prometteuse, reprendre l'épicerie devait être ma retraite de footballeur.

Si ça se trouve, je me serais blessé avant même de passer pro et je serais quand même ici aujourd'hui, je n'en sais rien et je m'en fous. 

Je suis totalement en paix avec ma décision et je n'ai pas l'impression d'avoir sacrifié quoi que ce soit.


J'ai mes petites habitudes, une clientèle régulière, le quartier est sympa et je m'entends très bien avec les autres commerçants. 

Pour la plupart, ils étaient amis avec mes parents et participaient à la collecte que ma mère avait mise en place.


Trois soirs par semaine, elle réunissait les invendus ou les produits proches de la date de péremption de notre épicerie, de la boulangerie ainsi que de la boucherie et de la poissonnerie voisines. 

Elle préparait des repas avec et allait les distribuer aux sans-abris qui vivent dans la ruelle à quelques pas d'ici.


Je perpétue cette bonne action, avec l'aide de mon amie Mina qui est institutrice et qui surveille ma boutique durant les dernières heures de la journée. 

Ma mère avait aménagé une cuisine dans la réserve et en passant par la porte à l'arrière, j'arrive à destination en moins d'une minute.


Je vois très souvent les mêmes personnes là-bas, parfois certains partent, d'autres ne restent que quelques semaines. 

Puis il y a ceux qui ont connu ma mère pendant des années avant que je prenne la relève.


Il arrive de temps en temps que la police les déloge ou les oblige à rejoindre le refuge qui est à l'autre bout de la ville, mais il est rare qu'ils ne reviennent pas. 

Pour les "anciens", cet endroit est devenu leur maison et ils ne savent plus comment vivre "normalement".


Depuis quelques mois, nous avons enfin le statut d'association, ce qui nous donne de la légitimité, mais surtout, ça nous permet de passer tout ce que l'on donne en perte, ce qui diminue nos charges.


Les temps sont durs pour tout le monde et la générosité a ses limites pour ceux qui ont des enfants à nourrir en priorité. 

Trop bon, trop con [KiriTodo] [En cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant