Chapitre 3

691 56 1
                                    

Le lendemain, tout s'est déroulé comme prévu. Fernand et Albert de Morcerf se sont présentés au manoir dans l'espoir de pouvoir remercier l'homme qui a sauvé le jeune homme. Encore en chemise de nuit, Jane était postée face à sa fenêtre, observant les deux cavaliers pénétrer dans le domaine et galope en direction de la bâtisse.
Jacopo, le majordome du Comte les a accueillis et conduit à l'intérieur. La jeune femme a rapidement enlevé son pyjama pour enfiler une robe bleu clair avec des manches bouffantes en dentelle blanche. Elle a mis le collier de perles de sa mère puis s'est installée à sa coiffeuse pour se maquiller sobrement. Quelque chose qui mettrait ses yeux azur en valeur ainsi qu'une couleur sur ses lèvres qui attirerait l'attention dessus.

Sortant de sa chambre, ses talons ont claqué sur le parquet tandis qu'elle s'est rendue à la salle de musique, sans se faire remarquer par les hommes occupés par le Comte dans la salle d'arme. Jane entre dans la pièce, découvrant Haydée déjà présente.

- Ils sont là ?

- Mmm.

La brune va s'asseoir à ses côtés et son amie entreprend de ramener une partie de ses cheveux en chignon, laissant le reste cascader sur ses épaules. Jane la remercie en se levant, défroissant les plis de sa robe.
André apparaît via une porte dérobée et leur adresse un signe de tête. Elle s'installe sur le tabouret du piano, laissant ses doigts caresser les touches. Prenant une inspiration, elle se met à jouer.
Albert de Morcerf, resté dans la salle des armes pendant que le Comte raccompagnait son père à son cheval, observait les différents sabres exposés quand il a entendu une mélodie. Curieux, il est sorti de la pièce, s'engageant dans un hall aux multiples plantes. L'air de piano résonnait depuis les étages quand une voix s'est élevée, chantant par-dessus. Une voix de sirène, enchanteresse et claire.
Le jeune homme a monté les escaliers, sa main glissant sur la rampe quand il a aperçu une porte ouverte, d'où s'échappait la musique. Il s'y est rendu en silence, entrant sur un balcon qui donnait sur la salle de musique. Un piano à queue y trônait, majestueux. Albert a vu une jeune femme sur un sofa en train de lire en lire mais c'est la musicienne qui a attiré son attention.
De profil, il a pu la contempler. Son visage fin et élégant, de longs cils cachant des yeux de biches d'un bleu azuré. Ses cheveux bruns étaient retenus en chignon et quelques mèches encadraient son visage. Ses doigts volaient avec habileté sur les touches du piano, sa voix s'élevant comme le champ d'un rossignol. Elle est certainement la femme la plus belle qu'il lui a été donné de voir.
Une musique si romantique et si triste, pourtant chantée de manière à ressentir ses propres émotions. Le jeune homme l'a contemplé pendant un long moment, le regard admiratif et un sourire au coin des lèvres.
Complètement prit dans sa contemplation, il a eu un léger sursaut quand le Comte s'est posté à ses côtés.

- Vous préférez le chant à la musique des armes ? Chuchote-t-il pour ne pas déranger la musicienne dont la chanson touche presque à sa fin. Suivez-moi.

L'homme ressort, Albert sur les talons après avoir jeté un regard à la brune. Une fois dans le couloir, le Comte a rabattu la porte derrière eux.

- Je vous prie de m'excuser, Comte, je ne voulais pas manquer de respect à votre épouse, et à votre fille.

- Haydée et Jane ne le sont pas, déclare-t-il. Haydée est ma filleule. Et Jane ma pupille. Après vous.

Ils traversent l'étage, s'engageant dans les escaliers dont le sol est recouvert d'un tapis aux motifs sombres. Albert croise les mains dans son dos, pensif.

- Jane... c'est un prénom magnifique.

- C'est un prénom assez commun en Angleterre. On pourrait le traduire par « Dieu pardonne », « Dieu fait grâce ».

- Puis-je vous demander de me présenter à Jane ? Questionne le jeune homme.

- Vous semblez être un jeune homme de confiance, déclare le Comte en se stoppant. Aussi je vous présenterais à Jane mais avant cela, vous devez me faire une promesse.

- Je vous l'a fait d'avance.

- Je ne plaisante pas. Vous ne devrez jamais chercher à la séduire.

- Vous me croyez donc dangereux ?

Le Comte s'avance de nouveau, Albert suivant rapidement.

- Non, mais elle l'est. Si vous ne tenez pas votre promesse, elle brisera votre cœur, et le sien. Elle n'est pas encore prête à aimer. Le secret de sa voix est à chercher du côté de son passé. Après l'assassinat de son père par un des plus fidèles amis de sa famille, elle m'a été confiée, brisée. Vous savez, il y a des chagrins et des blessures qui mettent des années à cicatriser. Il laisse comme un voile sur les âmes. N'essayez jamais de lever ce voile, Albert.

- Je vous le promets, assure-t-il.

- Bien.

Suivant le plan, dès que les deux hommes sont sortis de la salle de musique, les filles ont emprunté la porte dérobée par laquelle André est arrivé, descendant les marches en colimaçon pour sortir derrière un tableau qui donne sur le hall.
Jane a fermé les yeux, prenant une inspiration et est sortie de l'obscurité, traversant le hall, ses talons résonnant à chacun de ses pas sur le carrelage.

- Jane.

Elle s'est retournée, levant la tête vers les escaliers où se trouve le Comte et Albert. Ils descendent les marches et la rejoignent, l'homme désignant le brun.

- Jane, je te présente Albert de Morcerf.

La brune l'a observé de haut en bas, ses yeux se posant sur son visage dont elle peut voir les joues légèrement roses. Elle a fait son plus beau sourire, lui tendant la main.

- Bonjour, Monsieur.

- Enchanté, Mademoiselle, dit-il en lui faisant un baise-main.

Il lui sourit, visiblement charmé et Jane se recule, battant des cils. Elle regarde le Comte qui lui fait un signe de tête et adresse un dernier sourire au jeune homme avant de continuer sa route. Elle peut sentir son regard lui brûler le dos quand elle disparaît derrière une porte.
Jane s'adosse au mur, le cœur battant la chamade. Albert était un très beau jeune homme. Un visage d'ange, des yeux noisette cachés par des boucles brunes et une fossette apparaissant quand il souriait.
Le Comte les a convoqués une fois le jeune homme partit.

- Bien joué, Jane. Tu as définitivement attiré son attention.

- Tant mieux.

- Fernand de Morcerf m'a invité à la chasse chez le Baron Danglars et nous allons nous y rendre. Jane, tu viendras aussi.

- Vraiment ? Ce n'est pas mal vu une femme qui prend part à la chasse ?

- Tu es une Lady, une noble de haut rend et tu vas jouer ce rôle. Tu rencontreras sûrement John Allen, mais tu dois rester stoïque. Tu n'étais qu'une enfant, tu ne te souviens pas de lui mais tu sais que ton père a été assassiné, grâce à une autopsie. Ça devrait le faire assez paniquer pour l'instant.

- Très bien...

- Haydée, tu nous rejoindras chez les Danglars pour le déjeuner qu'il donne juste après la chasse. Je veux que tu espionnes les conversations. La moindre information pertinentes est vitale pour nous.

- Compris.

- Les filles, vous pouvez y aller. André va s'entraîner à agir comme un prince.

Jane lui souhaite bonne chance puis se retire avec son amie. 

Rêve de liberté {Albert de Morcerf}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant