Chapitre 12

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Comme prévu, Danglars a poursuivit Lord Aliphax pour diffamation. Gérard de Villefort allait être le procureur et ils allaient en faire tomber deux en même temps. André est allé s'asseoir au premier rang à côté d'Eugénie tandis que le Comte et les deux brunes étaient sur la rangée de banc de droite, à trois rangs du devant.
Albert s'est tourné dans sa direction, lui faisant un clin-d'œil ce qui l'a fait sourire. Pour le moment, aucun signe de l'accusé. Pour tous, cela semble être un affront tandis que pour eux, il est logique puisque c'est l'un des déguisements du Comte.
Un papier passe de mains en mains des juges jusqu'à arriver dans celles du haut juge.

- Lord Aliphax, propriétaire du journal l'Impartial, appelé à la barre aujourd'hui pour répondre des charges de diffamation, a dû quitter le pays précipitamment.

Cela crée du remous parmi les spectateurs et Danglars s'insurge.

- Mais il s'engage à ce que son représentant soit devant cette cour à deux heures !

Il leur a fallut attendre plus d'un quart d'heures. Jane a vu le Comte regarder sa montre, la grande aiguille se posant sur le deux. Il était temps.

- Bien, Monsieur le juge, la comédie a assez duré, déclare le procureur. Nous ne sommes pas sur les boulevards.

- Je demande au représentant de Monsieur Aliphax de se faire connaître s'il est présent.

Les filles tournent leur regard vers André qui se lève lentement, passant devant les Danglars dont le Baron tente de le retenir mais il se défait de sa prise. Il va se placer à la barre, jetant un coup d'œil à son père biologique avant de regarder le juge. Jane prend une profonde inspiration, Haydée serrant sa main.

- Je suis le représentant de Lord Aliphax, annonce t-il créant la surprise. Je suis devant vous car le journal l'Impartial est accusé d'avoir diffusé de fausses nouvelles. Mais j'affirme ici que les bateaux de la maison Danglars ont bels et bien disparut.

- N'importe quoi ! S'écrie le Baron. Toute ma flotte est à Marseille !

- Monsieur le juge, c'est une farce, lance de Villefort.

- Quelles preuves apportez-vous ?

- Il vous suffira, Monsieur le juge, de contacter la capitainerie de Marseille.

- Vous persistez donc dans vos affirmations.

- Je persiste et je signe, Monsieur le juge, affirme André. Mais je souhaiterai le faire sous mon vrai nom.

- Parce que vous en avez un faux ?

Dans d'autres circonstances, Jane en aurait été amusée mais là, elle est seulement inquiète. André regarde le procureur avant de sourire.

- Tout le monde me connaît sous le nom d'Andrea Cavalcanti. Après des années dans la rue, j'ai été recueilli par une grande et riche famille de l'aristocratie italienne. J'ai grandi comme voleur, et j'ai fini prince. Je peux vous assurer que ce n'est pas un métier plus honnête mais beaucoup plus agréable.

Cela crée quelques rires parmi l'assemblée, et André se tourne vers eux.

- C'est ici, à Paris, que j'en enfin retrouvé la trace de mon vrai père.

Il se détourne, son regard se fixant sur le procureur de Villefort.

- Je suis né le 3 novembre 1815, à Auteuil.

L'homme déglutit difficilement, se redressant sur sa chaise.

- Monsieur le juge, est-ce que... l'accusé pourrait présenter des preuves de ce qu'il avance ?

- Mais j'y viens, Monsieur le procureur ! Croyez-moi, votre patience sera récompensée. Je suis le bâtard d'un aristocrate français et de sa maîtresse !

Jane voit le visage du procureur se décomposer et elle se doute que Victoria n'en mène pas loin. Des exclamations retentissent dans la salle d'audience.

- Ma mère ignore que je suis vivant car mon père, lui a affirmé que j'étais mort à la naissance. Il m'a enveloppé dans un linge et m'a enterré vivant.

- Vous parlez, Monsieur, d'une tentative d'infanticide, fait le juge.

- C'est ce qui aurait dû se passer... Si ma tante, alerté par mes cris ne m'avait pas sorti de terre.

- Quel est l'homme que vous accusez ?

- Un homme respectable ! Que vous connaissez tous.

André fourre sa main dans sa poche pour en sortir un linge taché de sang, celui dans lequel son père l'avait enroulé à sa naissance.

- Ses armoiries sont sur ce linge. Mon père, l'homme qui a tenté de me tuer n'est autre que l'homme que j'ai fasse à moi.

Jane retient son souffle.

- Le procureur de Villefort.

Cela engendre le chaos dans la salle.

- Silence ! Ordonne le juge. Faites évacuer la salle !

- C'est une calomnie ! Tremble le procureur. Je vous poursuivrais !

- Monsieur Cavalcanti. Mesurez-vous la gravité de vos accusations ? Je vous préviens, je ne me contenterais pas d'un linge, même taché de sang.

- Monsieur le procureur vous apportera lui même la preuve de ce que j'affirme.

- Vous délirez...

- Père ! N'obligez pas ma mère à venir témoigner. Elle a je crois déjà assez souffert.

L'homme laisse échapper un souffle tremblant alors qu'un silence pesant s'installe dans la pièce. Le procureur se lève, se dirigeant vers la sortie, confirmant donc à tous les accusations. Les gens se lèvent et hurlent des insanités à l'homme.

- Et de un, murmure le Comte.

La salle est évacuée et ils en sortent tous les trois. Les deux brunes ont leurs bras entrelacés avec ceux du Comte quand on interpelle l'homme derrière lui.

- Comte !

Danglars et sa femme les approchent. Il fait signe aux filles de partir en avant et elles s'éloignent, laissant le plaisir au Comte de mettre à terre le deuxième.
Jane et Haydée marchent dans les couloirs, bras dessus, bras dessous.

- Jane, que ce passe-t-il réellement entre toi et Albert ?

La jeune femme lui jette un coup d'œil avant soupirer.

- C'est compliqué...

- Je croyais que « tu ne tombais pas amoureux des hommes, tu les brisais » ?

Elle lui lance un regard courroucé, son amie ricanant. Elles se dépêchent de rattraper André, arrivant dans les escaliers qui donnent sur le hall. Jane aperçoit le jeune homme, ainsi que la lame brillant dans sa main.
André se rapproche de son père, l'appelant. Le procureur se retourne lentement, lui faisant face.

- De la part d'Angèle.

Il enfonce l'arme sur le côté de sa gorge, touchant la carotide. L'homme porte ses mains à son cou, essayant de contenir l'hémorragie avant de s'écrouler au sol. Les filles dévalent les marches en courant, André se détournant à grands pas.

- Non !

Elles poussent des cris d'effroi quand l'un des soldats escortant le procureur tire dans le dos du noiraud. Les gens fuient en hurlant, s'éloignant de la scène de crime. André fait encore quelques pas chancelant avant de chuter, Haydée et Jane se ruant sur lui. La jeune femme soulève sa tête sur ses genoux, la brune attrapant la main de leur amie.

- Pourquoi... ?

- André...

Il laisse échapper un souffle tremblant, une tache de sang grandissant au niveau de son abdomen. André lève sa main pour caresse la joue d'Haydée.

- Pleure pas. Pleure pas...

Jane étouffe un sanglot quand sa main retombe lentement. Les larmes coulent en cascade sur ses joues, gouttant sur le visage inerte du jeune homme.
André, malgré un cœur dévoué, aura été consumé par la vengeance. Et cela aura causé sa perte. 

Rêve de liberté {Albert de Morcerf}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant