NEXUS

2. Les rues du Xe arrondissement

Charlie se réveilla tôt ce matin-là, l'esprit encore engourdi par les émotions de la veille. La lumière du jour filtrait à travers les rideaux de son petit Airbnb, dessinant des motifs doux sur le parquet ancien. Elle se leva lentement, s'étira, puis se dirigea vers la cuisine pour se préparer un café. Alors que le liquide noir et fumant emplissait la petite pièce de son arôme réconfortant, Charlie se surprit à sourire. Paris avait une façon de la réveiller différemment, avec une énergie qu'elle n'avait jamais ressentie auparavant.

Elle décida de profiter de la journée pour explorer son nouveau quartier, le Xème arrondissement, un endroit qu'elle connaissait peu mais qui la fascinait déjà par sa diversité et son dynamisme. En sortant, elle fut accueillie par l'effervescence de la rue du Faubourg Saint-Denis, un mélange de cultures, de petits commerces animés, et de cafés bondés. Le quartier vibrait d'une énergie unique, loin des clichés parisiens mais incroyablement authentique.

Charlie arpentait les rues, admirant les façades des immeubles, les étals de fruits colorés, et les enseignes de restaurants qui promettaient des voyages culinaires à travers le monde. Elle se sentait étrangement à l'aise ici, comme si le Xèmel'avait adoptée dès son arrivée. Ses pas la menèrent naturellement vers le canal Saint-Martin, où elle s'arrêta un moment pour observer les péniches qui glissaient doucement sur l'eau, les reflets des arbres et des ponts se mêlant au courant.

Après avoir flâné pendant un moment, Charlie décida de s'arrêter dans un café au bord du canal. Elle s'installa à une table en terrasse, un carnet de croquis devant elle. Depuis qu'elle était enfant, dessiner était son échappatoire, son moyen de capturer le monde à travers ses propres yeux. Elle esquissa rapidement les contours des bâtiments environnants, les visages des passants, laissant son esprit vagabonder.

Alors qu'elle était absorbée dans son dessin, un jeune homme s'assit à la table voisine, seul, un livre à la main. Il portait une veste en cuir noire et ses cheveux bruns, légèrement ondulés, tombaient nonchalamment sur son front. Il avait un air détaché, presque mystérieux, et son regard se perdit un instant dans le canal avant qu'il ne plonge dans sa lecture.

Charlie, concentrée sur son croquis, leva les yeux à plusieurs reprises, attirée par l'attitude sereine du jeune homme. Il ne semblait pas prêter attention à ce qui l'entourait, absorbé par son livre. Pourtant, quelque chose en lui lui paraissait vaguement familier, sans qu'elle puisse mettre le doigt sur ce que c'était.

Le temps passa, et le café se remplit peu à peu. Une serveuse s'approcha de la table du jeune homme avec un plateau de boissons, mais trébucha légèrement, renversant quelques gouttes de café sur le carnet de Charlie.

— Oh, je suis désolée ! s'excusa la serveuse en se précipitant pour essuyer la table.

Charlie sourit, rassurante.

— Ce n'est pas grave, vraiment, ça arrive.

Le jeune homme leva alors les yeux de son livre, comme s'il venait de sortir de ses pensées. Il observa la scène avec un intérêt silencieux avant de poser son regard sur Charlie. Leurs yeux se croisèrent un instant, mais il ne dit rien, se contentant de la regarder brièvement avant de replonger dans sa lecture.

Charlie, un peu gênée, retourna à son dessin, mais elle sentit le besoin de dire quelque chose pour dissiper le malaise.

— Ce livre doit être captivant, dit-elle avec un sourire timide, jetant un coup d'œil à la couverture.

Le jeune homme leva les yeux, surpris qu'elle s'adresse à lui. Il la scruta un instant avant de répondre, sa voix basse et un peu rauque.

— Oui, il l'est. C'est un roman sur la musique et la solitude... deux thèmes qui m'intéressent.

Charlie hocha la tête, intriguée par sa réponse, mais elle n'osa pas poser d'autres questions. Il semblait peu enclin à continuer la conversation, et elle respecta son silence. Pourtant, l'échange, aussi bref fût-il, laissa une impression étrange. Il y avait quelque chose chez lui qui éveillait des souvenirs enfouis, mais elle ne parvenait pas à identifier quoi.

Le jeune homme finit par se lever, laissant un billet sur la table pour régler son café. Avant de partir, il jeta un dernier regard à Charlie, un mélange de curiosité et de reconnaissance traversant son visage, mais il ne dit rien. Il se contenta de hocher légèrement la tête en guise de salut, puis s'éloigna, ses pas résonnant sur les pavés mouillés.

Charlie le regarda partir, une étrange sensation au creux de l'estomac. Une part d'elle-même voulait le retenir, prolonger cette conversation inachevée. Elle resta un moment assise, son carnet ouvert devant elle, les yeux fixés sur la direction qu'il avait prise. Le mystère de cet inconnu la hantait déjà, laissant derrière lui une question silencieuse : le reverrait-elle un jour ?

Alors qu'elle refermait doucement son carnet, un léger sourire aux lèvres, elle se promit de revenir au même endroit. Qui sait, peut-être que le destin lui offrirait une seconde chance de comprendre pourquoi cet échange, aussi bref soit-il, l'avait tant troublée.

Et c'est avec cette pensée en tête que Charlie quitta le café, l'écho de leurs quelques mots résonnant encore dans son esprit.