Chapitre 5

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Lyse

| Septembre 2018

Jordan m'a conseillé de rentrer chez moi pour récupérer quelques affaires et éventuellement me reposer un peu. Pour lui, rester trop longtemps à l'hôpital risquait de jouer sur mon mental et je risquais de péter les plombs. Quelle idée stupide. Je suis une Collins. Je sais contenir mes émotions.

Je déverrouille la porte de la villa et entre dans cet endroit sombre et lugubre. J'ai l'impression que toute vie a quitté ces lieux depuis longtemps. 

J'appuie sur l'interrupteur pour éclairer la pièce. Je pose mon sac à main sur le divan et m'arrête un instant au milieu du salon. Ce lieu autrefois si familier a beaucoup changé depuis la mort de mes parents.

 Il n'est plus comme avant, il n'a plus la même ambiance joviale et sans Ethan, il m'est difficile de rester trop longtemps ici.

En montant les escaliers, un poids oppressant alourdit ma poitrine. Chaque pas résonne comme un écho vide, soulignant l'absence qui hante ces murs. Je me rends dans ma chambre et récupère quelques vêtements et produits de toilette.

 Je m'assois un instant sur mon lit et parcours les réseaux sociaux sur mon téléphone. Les images de Liv aux côtés de Lorenzo me heurtent de plein fouet. Plus je fais défiler les médias, plus mes sourcils se froncent. Je tombe sur des articles parlant de mon frère, affirmant qu'il était bourré lors de son accident de voiture.

— Bandes de connards, murmuré-je entre mes dents serrées, sentant la bile de la colère monter en moi.

Je me redresse et rejoins la cuisine avant d'ouvrir le réfrigérateur. Comme je m'y attendais, il n'y a pas grand-chose à manger. Je n'ai pas eu le temps d'aller faire les courses. Plus je regarde les éléments qui m'entourent, plus je suis prise par un sentiment amer. Un sentiment de dégoût et d'injustice. Les souvenirs de moments heureux semblent presque cruels, me narguant avec leur éclat passé.

J'ouvre le placard au-dessus de ma tête et attrape une bouteille de vodka qui traîne là. Je me sers un verre et le bois immédiatement.

 Je prie intérieurement que cela m'aide à ne plus penser à rien, à oublier pendant un instant mes tourments qui m'encombrent le cœur. Je me sers un second verre avant de repenser à ces derniers jours passés à l'hôpital. Cette angoisse ne me quitte pas. Je passe mes journées à répondre aux gens que tout va bien, que mon frère va se réveiller, que je ne perds pas espoir.

La vérité, c'est que je dis tout cela non pas pour les réconforter, mais pour me réconforter moi-même à l'idée que cela soit vrai.

Je regarde longuement mon verre vide comme s'il allait apporter une solution à mes problèmes. Ma mâchoire commence à être douloureuse à force de la serrer. Une rage sourde, profonde, s'installe en moi, et dans un élan de colère, je lance le verre à l'autre bout de la pièce. Il se brise à l'impact contre le mur, éclatant en mille morceaux scintillants.

Un étrange sentiment m'envahit comme si ce geste futile venait de créer en moi quelque chose de libérateur. Je saisis le premier objet qui me passe sous la main, un vase en céramique, et le balance à son tour à l'autre bout de la pièce. 

Lorsqu'il se brise, ce sentiment grandit. Une fureur sauvage s'empare de moi. Je me mets à balancer tout ce que je trouve : assiettes, verres, bibelots. La vaisselle éclate en une myriade de fragments tranchants, les plantes se renversent, la terre se répand sur le sol, maculant le parquet autrefois impeccable.

Je renverse une chaise, puis une table basse, les coups résonnent comme des coups de tonnerre dans la maison silencieuse. Les cadres accrochés au mur tombent, les photos de famille se brisent, les souvenirs se dispersent en éclats de verre et en lambeaux de papier. Chaque objet détruit semble emporter avec lui un peu de ma rage, mais pas assez. Jamais assez.

Les larmes me montent aux yeux, brûlantes et incontrôlables, tandis que je me rends dans le garage. Je repère la batte de baseball d'Ethan.

La saisir est comme agripper une bouée de sauvetage dans un océan de rage et de douleur. Je regagne l'étage, la batte serrée fermement dans mes mains, et je tape sur tout ce qui se trouve sur mon passage.

La commode s'effondre sous mes assauts, ses tiroirs s'éparpillent, leur contenu jonchant le sol comme des cadavres inanimés. Les cadres se brisent, les lampes s'éteignent dans une cacophonie de verre et de bois éclaté. 

Je m'acharne sur la bibliothèque, les livres volent dans toutes les directions, leurs pages se déchirent, leurs reliures craquent. Je m'acharne jusqu'à ce que mes bras deviennent trop lourds pour soulever la batte une fois de plus.

Mais ce n'est pas assez. Une folie furieuse brûle encore en moi, un besoin de détruire plus profondément, de voir tout cela en cendres. 

J'attrape une boîte d'allumettes dans un tiroir de la cuisine, mes mains tremblantes et mes yeux embués de larmes. J'ouvre une bouteille d'alcool à brûler, prête à en asperger les meubles. Mon geste est arrêté subitement par une main ferme qui saisit mon poignet.

— Qu'est-ce que tu fais ? s'écrie une voix derrière moi.

Je me retourne brusquement pour voir la silhouette Damon, le visage marqué par l'inquiétude et l'incompréhension. Ses yeux s'écarquillent en voyant l'état de la maison.

—Laisse moi réduire cette putain de maison en cendre, dis-je, la voix brisée par des sanglots.

Il m'attrape par les épaules et me secoue doucement pour me ramener à la réalité.

— Lyse, arrête tout de suite, me dit-il fermement, cette maison est la dernière chose qui vous reste de vos parents. Tous vos souvenirs sont ici, comment réagira Ethan s'il voit que tu as détruit ?

— Arrête avec ça ! rien garantit qu'il va se réveiller ! Je lâche la boîte d'allumettes, qui tombe au sol, et me laisse tomber contre lui, mes poings serrés contre sa poitrine. Il me tient fermement, comme une ancre dans la tempête.

Il resserre son emprise.

— Je suis tellement désespérée, Damon, murmuré-je contre son épaule. Je ne sais plus quoi faire. Ethan est tout pour moi et je ne sais pas comment vivre sans lui.

— Je sais, dit-il doucement, caressant mes cheveux. Je sais que c'est dur, mais tu n'es pas seule. Je suis là. Nous sommes là. Nous allons traverser cela ensemble.

Sa voix calme et ses mots réconfortants percent la carapace de ma colère et de mon désespoir. Les larmes coulent plus librement maintenant, emportant avec elles une partie de ma douleur. Le poids sur ma poitrine semble un peu moins lourd, et pour la première fois depuis longtemps, je me sens moins seule.

Just A Dream #2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant