Chapitre 14

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Lorsque je me retourne, je vois Hannah et Jake me fixer. 

-"Je suis fatigué, je n'ai pas envie de sortir." Je dis directement.

-"Mensonge, je sais qu'elle t'a blessée, mais ça ne va pas gâcher la soirée." Répond Hannah.

-"Let's go se bourrer la gueule à la fête foraine les meufs !" Dit Jake d'une voix que je ne lui connais pas. 

Je souris à leur tentative de me remonter le moral, même si je crois que Jake ne comprend rien à la situation. Et pourquoi pas ? Pour une fois, j'ai des amis qui veulent réellement passer du temps avec moi. D'habitude, les gens sont obligés de traîner avec moi parce qu'ils sont amis avec Laure. 

-"Bon, d'accord."

Les deux amis se frappent dans la main, fière d'avoir réussi à me faire venir avec eux. J'envoie rapidement un message à mon père pour lui dire que je rentrerai tard.

Nous arrivons à la fête foraine quelques minutes plus tard, elle est ouverte chaque octobre juste avant Halloween. La musique et les lumières créent une ambiance rassurante dans cette ville où il n'y a presque jamais rien. 

-"Ramenez-vous, je sais où on peut choper des tickets gratuits" Propose Jake. 

Il part devant tandis que je reste vers l'arrière avec Hannah qui semble me fixer. Je la regarde curieusement.

-"Tu veux en parler ?" Demande t'elle. C'est gentil de sa part de me laisser le choix. Mais ma soirée a déjà été gâchée, je ne veux pas qu'elle le soit une deuxième fois.

-"Je ne préfère pas." Je réponds gentiment.

Elle hausse les épaules et me prend par la main pour nous faire rattraper Jake qui est loin devant, on dirait un enfant. Un bâtiment fait de vieux boit brun un peu délabré me fait face, la maison hantée. Au lieu de se diriger vers l'entrée, Jake fait le tour du bâtiment. Nous le suivons, ne sachant pas si nous sommes autorisés à venir dans cet endroit. Un homme aux cheveux grisonnant appuyé contre le mur apparaît. Il éjecte la fumée qu'il vient d'inhaler et nous regarde fixement.

-"Papa, je te cherchais justement." Dit Jake.

C'est donc son père ? Il ne se ressemble pas vraiment, même pas du tout.

-"Ça va petit ? Je ne savais pas que tu venais aujourd'hui." Dit-il en continuant de tirer sur sa cigarette.

-"Yep, je suis venu nous chercher quelques tickets gratuits, on veut profiter un peu de la soirée."

Son père nous regard tour à tour.

-"Tenez, traîne pas trop tard, ta mère est seule à la maison."

Jake hoche la tête et nous partons. 

La soirée peut enfin commencer. Nous faisons absolument chaque attraction présente aux alentours. L'ambiance est vraiment agréable, je me sens à ma place avec eux. Après avoir fait la pêche aux canards, l'homme qui tenait le jeu à très mal regarder Jake lorsqu'il lui a tendu les tickets, sûrement parce qu'il possède 5 fois l'âge des clients normaux. La grande roue se dresse devant nous, je sens l'excitation d'Hannah à mes côtés.

-"Qui veut le faire avec moi ?" Demande t'elle.

-"Sans-façon, trop violent pour moi. Je vais essayer d'avoir des doudous géants aux jeux de tirs. Á tout de suite les meufs." Dit-il en léchant la glace au chocolat qu'il tient dans ses mains.

-"Je suppose que je ne peux pas te laisser monter seule." Je réponds. Je n'ai aucune envie de monter dans cet engin de la mort, mais Hannah à l'air d'aimer ça et elle m'a remonter le moral aujourd'hui. Je peux faire ça pour elle. 

Nous montons dans un compartiment et la roue démarre. Je n'ai jamais aimé la hauteur, mais je dois avouer que la vue est magnifique. 

-"Tu crois que quand une personne meurt, il y a une étoile qui apparaît dans le ciel ?" Demande t'elle en fixant le ciel. Sa question me surprend.

-"Je ne crois pas à ce genre de théorie. C'est quelque chose qu'on dit aux enfants pour qu'ils soient rassurés, pour se sentir proches de ceux qui partent."

-"Je suis d'accord avec toi, mais je dois dire que j'aime assez ça. Même si tu sais que c'est faux, une partie infime de toi est rassurée et à l'impression d'être proche de la personne."

Je la regarde curieusement.

-"Tu.. Tu n'es pas obligée de répondre, mais tu as perdu quelqu'un ?" Je demande en choisissant bien mes mots, ce genre de choses, c'est souvent tabou. Mais ayant vécu ça, je sais que ça fait du bien d'en parler à quelqu'un parfois.

-"Oui, ça ne me dérange pas d'en parler, c'est la vie après tout. Des gens naissent et des gens meurent. J'ai perdu mon meilleur ami. Il s'est suicidé quand on avait 15 ans. Beaucoup de personnes ne supportent pas l'adolescence, je ne lui en veux pas. Mais il me manque. Alors, me dire qu'il est là quelque part, c'est mieux que se dire qu'il a entièrement disparu." Dit-elle lentement, je perçois la tristesse dans sa voix.

-"J'aime assez bien cette théorie finalement, je n'avais jamais perçu ça de cette manière. Même si cette théorie était fausse, sache qu'il n'a pas disparu. Les gens qui partent existent toujours à travers les souvenirs qu'on a d'eux."

-"Tu as perdu quelqu'un aussi, je me trompe ?" Me demande t'elle.

-"Ma mère, enfin, je ne l'ai pas vraiment perdue de cette manière. Elle était toxico lorsqu'elle a rencontré mon père. Il l'a beaucoup aidé et ça s'est bien passé pendant des années, mais elle a rechuté. Elle a choisi sa drogue à la place de sa famille. Une vie comme ça laisse toujours des séquelles, quelques années plus tard, elle a commencé à sombrer dans la folie. Les médecins lui ont découvert une maladie qui malheureusement est incurable. La démence l'a tué psychologiquement, elle ne nous reconnaît plus. Elle ne reconnaît plus rien. J'ai dû regarder ma mère m'oublier, oublier entièrement notre famille. Je l'ai vécu comme si elle était morte, tout ce que je savais sur elle est parti en fumée."

Un silence suit ma révélation, c'est la première fois que je m'ouvre ouvertement de cette manière. 

-"Est-ce que tu la vois encore de temps en temps ?"

-"Au début, on allait la voir souvent, mais c'est devenu trop douloureux. Mon père y va parfois, mais il revient toujours déçu. Comme s'il s'attendait à ce qu'elle se souvienne de leur amour d'un coup."

-"Ça a dû être terriblement dur."

-"Comparé à toi, je ne peux pas ne pas lui en vouloir. Elle savait que c'était mauvais et que ça foutrait tout en l'air, mais elle l'a fait quand même."

-"Je te comprends, mais peut-être que cette haine que tu ressens t'empêche de faire ton deuil pleinement, tu ne crois pas ?"

Le manège s'arrête lorsqu'on se trouve tout en haut. Notre discussion s'arrête et nous regardons l'horizon.

"Si je te donnais encore des cours pour sortir avec cette débile, je te dirais que la grande roue, c'est le moment parfait pour l'embrasser." Me dit-elle en se tournant vers moi.

Je me tourne vers elle en souriant, mais sa tête semble vraiment sérieuse. Mon ventre me fait mal, c'est quoi ça ? Nous nous regardons et j'ai l'impression que le temps ralentit. Nos têtes semblent se rapprocher sans que je ne puisse l'empêcher. Nos regards ne se lâche pas, plus nous nous approchons, plus la sensation dans mon ventre s'accentue. Je me rends compte de notre proximité évidente, lorsque mes yeux descendent involontairement sur ses lèvres, elle semble se rendre compte de ce qui se passe et s'écarte rapidement. Mais qu'est-ce qui vient de se passer bordel ?




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