Les paysages défilaient devant ses yeux. Les avenues grisâtres grouillant de personnes pressées cédèrent bientôt aux champs verdoyants de la campagne. A peine arrivés en périphérie, les lieux semblaient déjà être presque inhabités, à un point où la solitude commença à percer dans les yeux de la jeune femme.
Elle n'y resta pas longtemps.
Un petit coup de coude la sortit de ses pensées, manquant de la faire sursauter. Décontenancée, elle soupira, faussement embêtée, lorsque son regard se posa sur la jolie rousse devant elle, occupée à sourire de toutes ses dents.
— Pour une fois que je me sentais d'humeur poétique, fit-elle en riant, amusée. Tu n'aimes pas te gêner, toi.
— Répète ça encore une fois, si tu l'oses, s'offusqua l'autre, faussement contrariée, en s'affaissant en arrière tout en déplaçant son sac de ses genoux à la table.
— Et bah, tu t'incendies pour si peu ! La célébrité a dû te monter au...
— J'attends toujours que tu ouvres ton musée d'art, je te rappelle, souffla la rouquine en baissant le ton après avoir vu les regards des autres passagers posés sur elles.
Piquée, l'autre décida de ne pas répondre, remarquant tout comme elle que leurs boutades amicales embêtaient les gens... Et qu'une mère leur lançait un regard noir en tentant de rendormir son gosse.
Ses yeux furent attirés vers le sac que brandissait de manière presque fière la jeune femme. Voyant un bout de bois en dépasser et devinant presque aussitôt ce que c'était, elle se contenta d'hausser les sourcils et de laisser un sourire tordre ses lèvres.
— Tu ne t'en sépares donc jamais ?
Son interlocutrice, surprise durant quelques instants, sourit à son tour lorsqu'elle saisir le sens de sa phrase et sortir son jeu d'échecs. Elle le regarda de manière étonnamment douce, comme si elle pouvait le polir en un seul coup d'œil, puis passa délicatement ses doigts sur sa surface.
— J'aime les échecs... Mais tu sais pas à quel point !
— J'espère bien, que tu apprécies ça, ce serait le comble que la championne d'échecs d'Europe, petite fierté de son pays, n'aime pas y jouer !
La championne en question rougit subitement, tentant de se réfugier derrière ses pointes oranges, puis finit par relever les yeux et lui donner à nouveau un petit coup de coude, sûrement par envie de vengeance.
— On fait une partie ? proposa l'artiste, tentant de se retenir d'éclater de rire une seconde fois.
L'autre hocha la tête... Elles se connaissaient décidément très bien. Trop bien. Puis, elle déplia son échiquier portable et commença à placer pions et reines sur son plateau. Puis elle y ajouta rois et fous, tours et cavaliers, les fixant comme s'ils étaient ses propres enfants.
— Pendant qu'on joue, ça te dit que je te raconte une histoire ?
Surprise, l'autre rangea le téléphone sur lequel elle pianotait tandis que la rousse préparait le jeu, puis hocha la tête, ne semblant pas contre l'idée.
— Tu la connais d'où ?
— Un homme est entré au club d'échecs, il y a quelques mois. Il n'a rien dit, rien soufflé ; il s'est contenté de s'asseoir devant moi. J'étais surprise, mais je l'ai laissé faire, et pendant qu'on jouait, il a commencé à me raconter une histoire. Quand il a fini, la partie était terminée aussi, et...
— Et ?
— J'ai perdu, souffla la championne d'échecs. A ce jour, c'est l'une des rares personnes à avoir réussi à me battre tandis que j'ai atteint mon plein potentiel... Enfin, je devais être simplement distraite. Allez, commençons, ce qu'il m'a dit ce jour-là était vraiment étonnant... Et puis, peut-être que ça porte chance, et que ça m'aidera à te vaincre.
— Tu n'aurais pas besoin d'aide pour le faire, souffla l'autre à mi-voix. Allez, dis-moi tout... Je suis toute ouïe.
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LE PION
Short Story❝Et finalement, je n'étais qu'un Pion. Un simple... Pion. ❞ ~ Dans les ombres des quartiers de l'Empereur Dan Sheng, tout est réglé à l'image d'un échiquier. Un pion, suffoquant sous son avarice, tente de gravir les échelons. Et la relation entre...