Scène 2

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Scène 2 : La Mère, Le Savant, Le Curé, Le petit-frère, le garçon

On sonne à la porte. Les deux personnages se figent jusqu'à une deuxième sonnerie.

Mère – Oui, j'arrive.

Elle va ouvrir la porte. Un individu entre, défile sur le tapis, jusqu'à s'assoir sur le fauteuil en parlant.

Savant – Veuillez m'accueillir, j'ai été interpelé par le vacarme. Cela m'étonnait vu que monsieur n'est plus ici pour vociférer avec jouissance le matin et la nuit sur le fauteuil avec ses enfants ou sur sa femme. Je me permets d'inspecter les lieux et de résoudre votre problème afin de rétablir le calme.

Mère – Je ne vous permets de parler ainsi de mon mari ! Et puis qui êtes-vous ? Je ne vous ai jamais croisé.

Savant - Un savant, madame. Je suis un voisin avec des doctorats de thèses d'une complexité extrême qui inspecte les profondeurs de l'âme, de la physique quantique, de la chimie ainsi que de la vie.

Curé – Formidable ! Un intellectuel ! Voilà quelqu'un qui va vous prouver votre tort !

Savant – Un débat, formidable ! En quoi consiste-t-il ?

Curé – Observez cela. Il pointe le Garçon du doigt. Qu'est-il ?

Savant – Plait-il ?

Mère – Oui, qu'est-il ?

Le Savant l'observe de loin, se penche de façons bizarroïdes, se lève, prend du recul.

Savant – Je constate qu'il possède des caractères sexuels secondaires masculins. Je suppose que c'est un garçon.

Curé – Nous parlons de son état existentiel.

Mère – Est-il vivant ?

Savant – Simplement cela ! Lui avez-vous demandé s'il l'était ?

Mère – Il n'a rien répondu.

Savant - Il est donc mort.

Curé – Ou juste enrhumé, muet, enroué de la voix ou endormi !

Savant – Il est donc vivant.

Mère – J'ai senti qu'en son for intérieur plus rien n'existait. Il n'a plus les étincelles de ses iris.

Savant – Il est donc mort.

Curé – Cela ne signifie rien ! Son métabolisme marche parfaitement.

Savant – Il est donc vivant.

Mère – Monsieur, Décidez-vous ! Ne donnez raison qu'en la science !

Savant – Je m'exécute en ce moment, en accumulant ces constatations.

Mère – Où mènent-elles ?

Savant – A une réponse que je viens de trouver !

Mère et Curé – Quelle trouvaille ?

Savant – Elle est hasardeusement consensuelle !

Curé – Vous mentez.

Mère – C'est impossible.

Savant – Et pourtant, c'est un cas unique madame... voyez-vous, j'ai pris un pas de recul envers votre fils et je n'arrive qu'à une seule conclusion : il est un enfant de Schrödinger. Dans un espace défini qui est son corps, il repose son esprit. Son esprit, qui ne donne plus aucun signe, comme dans le test exemplaire du chat qui ne répond non plus par des miaulements. Ainsi, un état mystérieux mais quantique conclut que votre fils est mort et vivant à la fois !

Curé – Votre charabia ne tient pas !

Mère – Tout est mal défini !

Savant – Je vous demande pardon ?! J'apporte la lumière de mon intelligence sur vos faces et vous me remerciez ainsi ?

Curé – Afin de nous faire sombrer dans la stupidité de vos arguments ?

Paul arrive avec son avion.

Paul – Zouuuuuu...

Mère - Pas tout de suite Paul !

Curé – Et ce gosse-là, il est mort aussi ?

Savant – Vous ne comprenez rien, incrédules et mécréants de la foi scientifique.

Mère – Pardon ?! Il veut une tarte celui-là ?

Savant – Vous perdez vos mots et votre meilleure solution est devenue la violence matérialisée !

Curé – Béotiens. Vous êtes tous béotiens !

Mère – Cons. Vous êtes tous cons !

Savant – Crétins. Vous êtes tous crétins !

Ces trois répliques sont répétées les unes sur les autres, passant d'injures claires à un brouhaha. Le Savant quittera la pièce en continuant à répéter ses insultes et les autres le suivront de même. Pendant ce temps, Paul jouera avec son avion en courant dans toute la pièce jusqu'à finalement s'arrêter sur le tapis. Quand les adultes seront partis de la scène et qu'on n'entendra plus que Paul, Max se lèvera et s'installera sur le fauteuil, l'air maussade, face au public.

Papa manquantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant