Chapitre8 : Dréa.
C'est dur de subir le mutisme d'Ange. Je sais que s'il ne parle plus à personne depuis des jours, c'est de ma faute, mais je ne peux me résoudre à simplement m'excuser et déménager. S'il a besoin de temps pour m'accepter à nouveau dans sa vie, je le lui en donnerai un. Mais je ne compte plus fuir comme j'ai pu le faire auparavant.
Alors quand Angie est intervenu lors de la recherche d'un local dans lequel je pourrai peindre, mon cœur a failli sortir de ma poitrine.
C'est donc heureux comme un pape, que je sors de la Subaru bleue électrique d'Elio.
La serre est vraiment énorme. Je n'arrive pas bien à distinguer les détails des environs extérieurs, car la nuit commence déjà à tomber. L'obscurité qui nous entoure me donne un sentiment d'infraction. Comme si ma place n'était pas là. Comme si j'entrais en zone de danger. Et c'est sûrement un peu le cas. Se frayer un chemin dans l'univers d'Ange n'a jamais été de tout repos. L'esprit artistique d'Angie est loin d'être sans danger, mais il a toujours été ma safe-place.
Quand j'entends sa clé faire cliqueter la serrure, je sautillerais presque de joie. J'ai hâte de voir l'endroit dans lequel il travaille. Le connaissant, il doit y avoir des toiles dans tous les coins, des pinceaux encore couverts de peinture et son matériel de sculpture doit être éparpillé sur le sol. Il n'a jamais été très organisé. La structure et l'ordre, c'était moi. Lui a toujours été l'oiseau assoiffé de liberté. Sa seule volonté a toujours été de voler. Pour s'affranchir des murs qui l'enclavait. Pour voir au-delà. Pour explorer la grandeur infinie des mondes.
— J'espère que vous êtes prêts, parce que vous n'allez sûrement pas en revenir de sitôt, bougonne le propriétaire des lieux, en entrant pour allumer les lumières.
— C'est vrai que ton coup de pinceau m'a toujours plu..., commence Cameron avant de s'interrompre face au spectacle qui se dévoile sous nos yeux.
— Putain de merde..., souffle alors Elio, en cachant le « o » parfait que forme sa bouche grâce à ses mains.
Je suis sonné. L'endroit est magnifique. Spacieux et vitré de partout. Dommage qu'il fasse déjà nuit et qu'on ne puisse pas profiter de l'éclairement naturel du soleil. La serre doit être très lumineuse en plein jour. Mais ce n'est pas le lieu qui laisse tout le monde sans voix. Ce sont plutôt les indénombrables toiles disposées un peu partout dans la pièce. Il y en a posé au sol, accroché au mur, quelques-unes reposent même sur des établis plein de pinceaux. Et celle qui semble être la dernière en date, encore arrimée à un grand chevalet.
C'est moi sur ces toiles.
C'est moi sur toutes les toiles laissées en fouillis dans sa serre...
— Donc, nous cueille Ange, faisant fi de notre hébétude, c'est naturellement le bordel, mais si Andréa doit travailler ici, je libérerai cette partie-ci de la pièce.
Il montre le côté gauche où d'autres portraits de moi sont posés à côté de pièces de marbre en partie sculptées.
— J'enlèverai évidemment les toiles des murs non vitrés pour qu'il puisse les utiliser pour ses fresques. Je pourrais aussi repeindre le sol s'il continue de dessiner par terre.
À ces mots, je baisse les yeux vers le sol. C'est vrai que j'adorais y dessiner aux crayons gras quand nous étions adolescents. Je me rappelle encore la première fois comme si c'était hier.
**
Cela fait environ un mois et demi qu'Angie et moi avons déserté les cours d'art. Nous suivons encore ceux de dessin, de peinture, de sculpture et d'histoire des arts, évidemment. Mais nous avions besoin des heures consacrées à l'art général pour nous exercer dans l'atelier — vide à ce créneau horaire.
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La Flamme dans ses yeux
RomanceLa descente aux enfers d'Ange semble n'avoir de limites que les profondeurs de son âme écorchée. Artiste, peintre, sculpteur, toujours un brin rêveur, Ange Duvale essaie, tant bien que mal, de subsister dans cette réalité où Andréa n'est plus à ses...