Chap1:Un premier souffle

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Chapitre 1 : Un premier souffle

Un cri perça l'air, vif et strident. La douleur s'évanouit, et tout ce qui restait était le vide. Un néant où le temps n'avait plus de prise. Julien, ou plutôt ce qu'il en restait, s'étiolait dans cette obscurité. Il n'y avait plus de cancer, plus de douleur. Juste une étrange sensation de flottement, comme s'il était suspendu entre deux mondes.

Puis, soudain, une chaleur envahit ce vide, douce et enveloppante. Ce n'était pas celle qu'il avait connue dans ses derniers instants, froide et mécanique. Celle-ci était vivante, presque réconfortante. Une lumière, faible au début, se fit plus intense. Puis, une voix. Une voix douce, murmurante, mais incompréhensible.

Julien ouvrit les yeux... mais ce n'était pas vraiment lui. Ce n'était pas son corps. Tout était flou, déformé, et des ombres mouvantes dansaient autour de lui. Il se sentit tirer, emporté par quelque chose de fort, de puissant. Il voulut crier, mais aucun son ne sortit. Ses membres étaient petits, faibles. Était-il mort ? Était-ce le paradis ?

Puis, tout s'éclaircit.

Une pièce blanche, des visages penchés au-dessus de lui, des mots qu'il ne comprenait pas. Julien réalisa que quelque chose d'irréversible venait de se produire. Il n'était plus sur son lit d'hôpital, ni même dans son propre corps.

Il était né à nouveau.

Les jours qui suivirent étaient un tourbillon de sensations nouvelles et étranges. La chaleur des bras qui le portaient, les sons indistincts qui l’entouraient, les odeurs familières mais pourtant étrangères. Ce n’était pas une renaissance paisible ; c’était un chaos d’émotions, de confusion, et de peur. Julien – ou ce qu’il pensait encore être Julien – se sentait prisonnier d’un corps minuscule, incapable de bouger autrement que par des gestes maladroits, involontaires.

Avec le temps, une routine s'installa. Chaque jour ressemblait au précédent, rythmé par des moments de sommeil et d'éveil, par la nourriture qu'on lui donnait, par la tendresse des bras d'une femme qu'il commençait à reconnaître. Sa mère, se dit-il. Mais pas la sienne. Pas celle qu'il avait connue.

Il comprit assez vite que cette nouvelle vie se déroulait dans un autre monde, une autre culture. Il entendait des mots, des phrases, mais aucun ne lui était familier. Ce n'était pas la langue française qu'il avait parlée toute sa vie. Il commençait à comprendre que cette vie ne serait pas comme la précédente.

Les mois passèrent. Il voyait tout à partir d'un point de vue bas, minuscule. Il ne contrôlait presque rien, mais sa conscience grandissait. Il observait, écoutait, enregistrait. Petit à petit, il devint moins Julien et plus elle, cette petite fille japonaise qu’il devenait. Le souvenir de son ancienne vie s’estompait, doucement, comme un rêve qu'on oublie au réveil.

Pourtant, certaines choses persistaient. Parfois, dans le silence de la nuit, des images flottaient dans son esprit : des visages, des rires, des lieux. Sa vieille chambre, l'odeur de café le matin, la voix de sa mère – la première. Mais ces souvenirs devenaient flous, délavés. Et cela le rassurait presque. Peut-être que cette nouvelle vie n'était pas une malédiction, mais une seconde chance.

Un jour, alors qu'elle commençait à peine à marcher, elle entendit pour la première fois quelqu'un prononcer son nouveau nom : "Aiko". Le mot résonna en elle, comme un écho. Julien s'éloignait, et Aiko prenait sa place.

C'était donc cela, sa nouvelle identité. Une petite fille dans une famille japonaise aisée. Un nouveau départ, dans un monde qu’elle ne comprenait pas encore, mais qu’elle allait devoir apprivoiser.

Les jours s'égrenaient, et avec eux grandissait Aiko. Elle commençait à comprendre un peu mieux ce monde qui l'entourait. La maison était grande, impeccablement tenue, et ses parents – des silhouettes toujours élégantes et pressées – ne lui prêtaient qu'une attention ponctuelle, comme si elle était une pièce précieuse dans une vaste collection.

Elle observa tout cela avec un mélange de curiosité et de résignation. Elle savait que quelque chose d'important se jouait, que cette famille avait des attentes pour elle. Mais pour l'instant, elle était juste Aiko, une petite fille qui apprenait à marcher, à parler, à comprendre ce monde étrange.

Au fond de son cœur, cependant, une flamme restait allumée. Une flamme de souvenirs, d'une vie passée qu'elle ne pouvait pas totalement oublier. Ces rêves, ces désirs qu'elle avait eus autrefois en tant que Julien, ils ne l'avaient pas abandonnée. Mais ici, dans ce nouveau corps, dans cette nouvelle vie, elle savait qu'elle devait trouver un moyen de concilier les deux.

Et peut-être, un jour, réaliser ces rêves enfouis.

——— Merci d'avoir lu ce chapitre !
On se retrouve mercredi prochain ?

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