DEUX

37 7 11
                                    

CAMPUS, KOLASI HIGH, MANHATTAN

Alors que je suis toujours les fesses sur le sol, l'inconnu me tend la main, sûrement par pitié, vu son regard fuyant et sa moue embarrassée. J'hésite peu de temps, avant de glisser mes doigts au creux des siens, qui me hissent sur mes deux pieds très facilement.
Mon corps si proche du sien me fait frissonner. Alors que je sens mon duvet se soulever le long de mon épiderme, cette sensation me rappelle la nuit dernière.

C'est impossible. Ça ne peut pas être lui...

Des images envahissent mon corps d'embarras, lorsque je revois ce même frisson procuré, cette fois par les lèvres de l'inconnu dans la pénombre d'un coin extérieur de la fête. Je baisse les yeux, comme s'il pouvait lire à travers mes pensées et tente de chasser ces souvenirs, mais la chaleur au creux de mes reins indique que mon corps n'est pas près d'oublier cet individu.

Je bafouille des remerciements et rentre dans l'établissement immense, morte de honte. J'espère ne plus jamais revoir cet homme de toute ma vie.

Essoufflée par tant de rebondissements, j'entre dans l'amphithéâtre. Une vaste salle aux nombreuses places assises en hauteur, toutes dirigées en direction d'un bureau central et d'un grand tableau noir. La plupart des étudiants sont déjà installés, je trouve une place parmi le premier rang, les autres étant prises. Je m'enfonce tout de suite dans le siège, histoire de reprendre mon souffle après cette course effrénée.

- Est-ce que cette place est prise ?

Je lève les yeux pour apercevoir mon interlocutrice. Une fille blonde à lunettes, que je ne connais que trop bien...

C'est impossible... Mais... C'est Arlo !

- Qu'est-ce que tu fous là ?

Arlo, c'est mon enfer. Elle n'a aucune raison d'être ici, à part pour me faire vivre un cauchemar.

Arlo et moi, nous connaissons depuis que nous sommes enfants. J'ai vécu les meilleurs souvenirs, comme les pires en sa compagnie. Nous étions inséparables. Nous avons partagé nos jouets, nos goûters, nos vêtements. Jusqu'au jour où Arlo a voulu partager mon premier amour.

Mon ex meilleure amie a toujours voulu tout ce que j'avais, sauf une putain d'addiction à la cocaïne. Ça, elle n'a pas manqué de me le faire comprendre quand elle m'a balancée à ma mère et que j'ai fini en centre de désintoxication.

- C'est ta façon de me dire bonjour ? Moi aussi, je suis contente de te voir Jody.

- J'ai du mal à comprendre... Qu'est-ce que tu fous là, putain ? Tu n'as jamais aimé l'histoire de l'art.

- Je te signale que j'ai pris des cours de dessin pendant six mois.

Elle pousse mon sac de la chaise se trouvant à côté de moi et s'assit en souriant. J'ai envie de lui enfoncer mon poing dans la gueule. Je m'apprête à la virer de mon espace vital, mais l'entrée du professeur m'en empêche.

- Bonjour, je suis votre professeur principal, Colton Bexley.

Lorsque je pose mes yeux sur l'homme qui se présente sur l'estrade, je crois qu'ils vont sortir de leurs orbites.

Oh.putain.de.merde.
L'inconnu est mon professeur ?!

Je m'enfonce dans ma chaise, Arlo m'interroge du regard, je fronce les sourcils et prie pour que le cours se termine.

Le professeur présente le déroulement de cette année, nos regards se croisent quelquefois à mon plus grand désarroi, j'espère qu'il ne se souvient pas de moi. Je ne sais pas ce qui est le plus gênant, Arlo qui me scrute toutes les deux minutes, ou l'inconnu que j'ai embrassé hier soir, qui se trouve être mon professeur.

AntidoteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant