TREIZE

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FULTON STREET, MANHATTAN

Il sourit difficilement à cause des douleurs qu'il doit ressentir dans son faciès. Il se déplace en boitant jusqu'au salon, où il s'assoit, sur le canapé, au milieu des débris.

- Tu veux me rendre un service ?

- Euh... Ouai.

Dubitative, je le rejoins sur le canapé.

- Apporte ça à Mike et Layce.

Il me tend un sac plastique qu'il sort de sous le canapé, je le prends et constate qu'il contient deux armes à feu.

- Mais... C'est-c'est des flingues ?

- Effectivement, tu me rends ce service ou non ?

J'observe les armes, le cœur battant et les mains tremblantes.

- Ou-oui.

- Bien.

Un silence s'installe à présent. Il regarde autour de nous et soupire avant de fourrer son visage dans ses mains.

- On est où ?

Il relève la tête et me jette un coup d'œil, le regard presque fermé à cause des contusions.

- C'était chez ma mère, maintenant ça ressemble plus à rien.

Je peux sentir de la mélancolie dans sa voix. Je pose le sac à côté de moi puis me rapproche de lui pour mieux observer son visage.

- Il faut que tu ailles à l'hôpital, tu as besoin de points de suture, ton arcade est ouverte et tu ne pourras bientôt plus ouvrir les-

- Tu plaisantes ! Se moque-t-il en ricanant. C'est le dernier de mes soucis ces bobos... Je viens d'être menacé de mort par mon oncle, j'ai perdu les derniers souvenir de ma mère et... J'ai une dette à vie à rembourser.

Il gémit en se penchant pour cacher à nouveau son visage entre ses paumes. Le voir ainsi m'attriste. J'ai envie de l'aider... Non, j'ai besoin de l'aider.

- Tu as de la glace dans le frigidaire là-bas ?

Je montre du doigt le frigidaire au fond de la pièce, il tourne la tête, perplexe.

- Il doit y avoir un sac de petits-pois ou quelque chose comme ça...

Je me lève, attrape un rouleau de sopalin que je trouve dans le placard sous l'évier avec un rouleau de scotch et une petite bassine que je remplis d'eau. Je me munis aussi du fameux sac de petit-pois surgelé et retourne vers le blessé.

Alors qu'il me regarde m'affairer, je nettoie les plaies de ses mains, celles de son visage, puis trafique des pansements à base de sopalin et de vieux scotch pour son arcade.

J'admire dubitativement mon travail pendant qu'il m'observe toujours aussi surpris, sans un mot. J'applique ensuite la poche glacée sur ses yeux pour calmer les gonflements. Je reste un instant face à lui en tenant le sachet sur son visage, avant qu'il ne pose sa main sur la mienne.

- Merci.

Il retire les petits-pois de son champ de vision pour poser ses yeux tuméfiés dans les miens. Nos corps sont si proches que je peux sentir son souffle sur mon visage. Je sens mes joues rougir en voyant ses pupilles me détailler pendant de si longues secondes. Je cligne des paupières et nos lèvres sont à présent à quelques petits centimètres qui seraient faciles à effacer.

- Jody...

Odis me contemple d'une façon que je n'avais jamais remarquée chez lui, sa bouche frôle la mienne et c'est le geste de trop. Je m'écarte.

AntidoteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant