3. Deux mondes

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       La confiance. Une chose rare à obtenir de Jeongguk. Il détestait beaucoup de choses : le bruit des klaxons, les cris des bébés. Mais par-dessus tout, il détestait qu'on essaie de s'immiscer dans son monde, qu'une personne extérieure veuille comprendre et explorer l'univers qu'il avait soigneusement protégé. Cela impliquerait de faire confiance à quelqu'un, de se dévoiler, de se rendre vulnérable. Et il en était hors de question. Il se sentait déjà suffisamment vulnérable dans le monde extérieur; il n'était en sécurité nulle part ailleurs que dans son propre monde.

C'était l'une des rares choses qu'il avait en commun avec Kim Taehyung : cette envie de protéger la bulle dans laquelle il s'était réfugié pour se préserver des menaces extérieures. Pour Jeongguk, c'était le bruit; pour d'autres, comme Taehyung, c'était un père.

Le motard avait toujours vécu avec cette obsession de satisfaire son père et ses parents en général. Au fil du temps, il s'était forgé une carapace pour minimiser les blessures causées par sa relation complexe avec lui. Une relation qui, selon lui, s'effondrerait le jour où il déciderait de lui révéler sa sexualité avant de partir à l'université.

Deux mondes. L'un, d'un calme perturbant, l'autre, d'un chaos palpitant. Pourtant, tant de points communs s'entrechoquaient entre ces deux univers. Était-ce cela, l'une des raisons pour lesquelles Taehyung ne pouvait s'empêcher d'être attiré par Jeongguk? Ce garçon l'intriguait, le fascinait. Il voulait en savoir plus. Mais il se heurtait à un mur de glace, renforcé par l'expérience effroyable que Jeongguk venait de vivre.

Alors que Taehyung et son meilleur ami qui venait de rentrer dans la pièce discutait à voix basse, la voix de Jungkook brisa le semblant de silence dans celle-ci.

"Je ne suis pas fait de papier, vous savez... Vous pouvez parler normalement...", indiqua le plus jeune dans la pièce, attirant l'attention du motard et de son ami.

D'un simple geste de la tête, le motard dit comprendre à son ami de partir, ce qu'il fit aussitôt.

"On va te laisser te reposer de toute manière. L'établissement a appelé ta mère, elle ne devrait pas tarder.", lui informa le blond.

"Hum..."

Un énième silence s'empara de la pièce tandis que Jeongguk, pour une raison qu'il ignorait, s'efforçait de ne pas croiser le regard insistant du plus âgé. Pour son plus rand malheur, il entendu les pas de celui-ci s'avancer vers lui. Puis soudain, il prit appuie contre son lit, le regard de Jungkook suivi ses mouvements. Lorsqu'il compris que le motard prit la télécommande et remonta le dos du lit. Il est vrai que dans la position dans laquelle il était, il aurait fini avec un mal de dos.

"Ce serait dommage de te faire d'autres maux, tu ne crois pas ?", lui susurra-t-il avant de se relever.

Dès que Jeongguk entendit le claquement de la porte, il soupira, puis plaça une main contre sa bouche, étouffant ses sanglots. Les larmes coulèrent sur ses joues alors qu'il fermait les paupières. Il détestait cette vulnérabilité. Il se sentait si faible, et cela depuis toujours. Il tentait de paraître fort, mais il avait cessé de se mentir à lui-même : il avait un handicap, et le monde entier le prenait en pitié ou lui faisait vivre des situations misérables.

Il n'aurait jamais imaginé, parmi tous les scénarios qui avaient traversé son esprit, se retrouver dans cette situation.

L'après-midi s'écouler aussi vite que la matinée, signalant aux élèves sa fin et qu'ils pouvaient -enfin- rentrer chez eux ou alors comme dans le cas de Taehyung, de devoir aller au cours du soir.

"Qu'est-ce qu'il me veut, putain..." jura Taehyung en voyant le numéro de portable de son père s'afficher sur son téléphone. Il soupira, devinant la raison de cet appel. Il décrocha.

"Qu'est-ce qui s'est passé, exactement?"

Pas de bonjour, aucune salutation. Ses appels étaient toujours aussi froids. C'était toujours une épreuve pour lui de répondre.

"Hoseok a fait une connerie, voilà ce qui s'est passé—"

"Ce ne serait pas la première fois. Qu'est-ce qui t'a pris?"

"Alors quoi? J'étais censé faire comme si rien ne s'était passé, encore une fois? Il a volontairement abîmé le tympan de ce garçon, putain! Ce n'est pas parce que ce connard est le fils de ta putain de maîtresse que je dois nettoyer ses merdes. Si c'est la seule raison de ton appel, je raccroche."

Il raccrocha, la mâchoire crispée de colère, puis donna un coup de pied à sa moto. Il passa une main dans ses cheveux, ses muscles se détendant progressivement alors qu'il apercevait Jeongguk sortir de l'établissement. Il fut surpris de voir que le plus jeune se dirigeait vers lui. Arrivé à sa hauteur, Jeongguk mâchonna nerveusement l'intérieur de sa joue, retenant son souffle alors que le plus grand s'avançait vers lui.

"Merci... pour..."

"Pas besoin de me remercier. Et puis, Hoseok est un connard, ne fais pas attention à lui."

"Je vois. Et toi, qu'est-ce que tu es...?"

"Hm...?"

"Je n'arrive pas à savoir si tu en es un ou pas."

"Si je te dis que je n'en suis pas un, tu feras attention à moi? Tu arrêteras de m'ignorer maintenant?"

Jeongguk resta silencieux, plongeant son regard fuyant dans celui du plus grand, tentant désespérément de trouver la réponse à sa question dans ses yeux. Il n'arrivait vraiment pas à cerner Kim Taehyung.

"Tu as dit que les connards ne méritent pas mon attention... Qui le mérite alors?"

"Moi. Seulement."

"Pfft. Si tu le dis. Et puis-je savoir pourquoi tu cherches tant à l'avoir...? Quoi ? Ça t'amuse...? Moi, mon handicap...?"

Taehyung fronça les sourcils à cette remarque. Alors, c'est ainsi que le plus jeune voyait les choses? Il se trompait complètement. Son handicap était une chose, certes, mais il était loin d'être la raison.

"Tu veux savoir pourquoi...?" demanda Taehyung. "Parce que tu me plais.", lui répondit-il soudainement, sans aucun filtre.

Il fit face à un silence, lorsqu'il vit au loin une jeune femme s'approcher d'eux. Il devina qu'elle était la mère de Jeongguk, vu leur ressemblance. Paniquée, elle se précipita vers son fils et l'enlaça, le bombardant de questions sous le regard attendri du motard. Après quelques instants, elle remarqua sa présence et le remercia aussitôt. Taehyung ne put s'empêcher de sourire en voyant le plus jeune éviter son regard, gêné. Était-ce à cause de la présence de sa mère, de ce qu'il venait de lui dire, ou peut-être des deux?

Un coup de sifflet avait suffi à ébranler le monde de Jeongguk. Pourtant, il n'avait pas la moindre idée que Kim Taehyung serait la source du plus grand chaos à venir.

Décibel » TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant