La timidité est la prison du cœur 2/4

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Ma scolarité n'a jamais été une partie de plaisir. J'ai toujours été seule. Malgré les amis que j'ai pu me faire, je n'ai pas osé m'ouvrir à eux. Et à cause de ça, de cette timidité maladive, ils se sont détournés de moi, pensant que je ne les appréciais pas. Cela m'a fait beaucoup de mal, jusqu'au jour où une fille m'a tendu la main. Elle s'appelait Crystal et voulait être mon amie.

Enfin, c'était ce qu'elle prétendait.

La plupart du temps, je lui servais d'alibi pour échapper à quelques punitions, ou bien de bouche-trou quand ses amies partaient quelque part. Néanmoins, je voulais vraiment croire en une amitié avec elle. Je pensais réellement que ça allait marcher : de croire fermement en cette réalité mensongère pour qu'elle traverse mon esprit et devienne une vérité. Mais chaque jour qui s'écoulait, mon cœur devenait de plus en plus lourd et j'avais un nœud qui se formait dans mon ventre, se resserrant jour après jour.

Une matinée, j'en ai eu assez. Je souhaitais enlever ce voile de mensonges et lui montrer que je souffrais. Je lui ai demandé de m'écouter, mais elle n'a pas voulu entendre la suite.

« J'ai fait des efforts pour toi. »

Mon sang n'a fait qu'un tour quand elle m'a dit ces mots. Toutes ses amies venues en renfort m'ont regardé avec des yeux moqueurs ou bien perdus ; mais toujours dans cet air accusateur.

« Tu exagères. »

« Tu n'as rien fait pour elle. »

« Tu devrais te décoincer. »

« Quelle débile. Elle se croit au centre de l'attention ou quoi ? »

« Crystal t'a accordé bien trop de temps. »

Je n'avais jamais imaginé que la possibilité que tout le monde se retourne contre moi n'advienne. Je me suis traitée plusieurs fois d'idiote. A quoi est-ce que je pensais ?

Le monde est devenu tout d'un coup sombre. Noir comme le charbon. Mon cœur battait la chamade. J'avais envie de pleurer. D'extérioriser mon injustice. Mais qui m'aurait entendu ? Tous ces yeux braqués sur moi ne me voyaient qu'en coupable. Crystal avait une armée derrière elle et moi, j'étais seule.

Ainsi, son groupe et elle m'ont intimidée et ne faisaient que railler à propos de moi. Dès que je passais, c'étaient des rires que j'entendais. Je supposais que c'était ma punition d'avoir été ingrate. De ne pas avoir vu certains efforts de Crystal à mon égard. Pourtant, j'ai essayé. J'ai tellement essayé d'être son amie.

Peut-être que ce n'était que du vent. Alors j'ai continué à ignorer leurs moqueries. La classe avait appris toute l'histoire et ne m'accordait aucune attention. Si le collège était un enfer comme celui-ci, le lycée n'a pas été une porte de sortie. Je suis restée seule.

Toute seule.

Quand je vois cette boite à musique, à travers cette vitrine d'antiquités, je me dis que moi aussi, je suis enfermée dans une boite et que je ne peux m'en sortir. Personne ne viendra l'ouvrir. Personne ne viendra la prendre. Elle a sûrement une musique trop rouillée pour être écoutée... Et pourtant j'aimerais tant l'entendre.

Plongée dans mes rêveries, je sursaute quand j'entends la voix de l'antiquaire, Monsieur Villers :

– Bonjour, mademoiselle. Comment allez-vous de si bon matin ?

– B-Bonjour, monsieur... Je vais bien, et vous ? je réponds d'une voix légèrement paniquée.

Il se met à rire avant de faire quelques gestes avec ses mains pour m'inciter à me calmer un peu.

– Tout va bien, je ne mords pas. Détendez-vous... Je vais bien aussi, merci de vous en inquiéter.

Je pousse un long soupir pour reprendre un peu mon calme puis je lève les yeux vers lui. Il me sourit et jette un œil sur la vitrine. Son regard s'éclaircit comme s'il vient de comprendre quelque chose.

Dossier PsychéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant