1. Marchands & Mutants

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Une fine bande de lumière commença à percer vers l'est, bravant la tranquillité de la nuit. Elle s'élargit au fur et à mesure des heures, jusqu'à ce que le soleil remplace complètement la lune, que le jour remplace la nuit. La ville de Squordo se réveilla alors, lentement mais sûrement, à commencer par les marchands.

Les marchands. Des tas de muscles et de courage, risquant chaque jour leur vie pour vendre leurs cargaisons aux villes voisines. Car ils devaient s'aventurer hors de la cité. Hors des remparts qui nous protégeaient des mutants, ces créatures qui avaient décimé l'espèce humaine.

Revenons à nos moutons, c'est-à-dire aux marchands. Ils formaient un groupe de six, hommes et femmes, préparant leurs charrettes et leurs chevaux pour la longue route qui les attendait. Ils chargeaient leurs sacs de céréales, de viande, de papier, de fruits et de métaux précieux dans leurs chariots. Parfois, des gamins venaient les aider, pour s'amuser.

Leurs familles venaient pour verser quelques larmes, de joie et de peur. Les marchands représentaient la principale source économique de ce monde. Ils étaient la fierté de Millénia. Les six chariots se placèrent en file indienne devant la grande porte. Elle s'ouvrit lentement. C'était assez impressionnant de voir une porte de dix mètres s'ouvrir. Le marchand en tête commença à avancer, suivi des autres. Le regard des marchands était résigné, mais ils avaient peur. Il y a deux ans, les statistiques avaient démontré que sur dix marchands, un mourrait avant 35 ans. Les roues grinçaient sur le sol bétonné qui se transforma peu à peu en sable. Ils débouchèrent dans un vaste désert. La porte se referma. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière.

Le chef de groupe, Jaked, cria des instructions à chaque marchand. Aucun n'avait pris d'armes, car s'ils croisaient un mutant, cela ne servirait à rien. Ils commencèrent leur longue marche de deux semaines vers un village nommé Tokorenta.

Le soleil tapait fort dans le ciel. Les six marchands n'étaient plus qu'à trois jours de marche de la prochaine oasis, où ils reprendraient des forces. Cela faisait cinq jours qu'ils roulaient sur le sable chaud du désert. Ils n'avaient pas rencontré un seul mutant. La lumière du jour devenait de plus en plus faible et ils décidèrent de s'arrêter à l'abri d'une dune, qui les protégerait du vent. Le groupe prépara le campement, sortit des écuelles pour abreuver leurs montures et commença à discuter.

Quand soudain, il arriva. Le soleil se couchait. Et un homme apparut. Un homme grand et mince. Il portait un large chapeau et une écharpe qui ne laissait entrevoir que ses yeux. Son long manteau descendait jusqu'au sol et ses mains étaient gantées. Bref, une tenue qui ne convenait pas du tout à la température suffocante du désert. Il s'approchait du camp lentement. Il était à une vingtaine de mètres. Il s'arrêta brusquement, comme s'il avait oublié ce qu'il voulait faire.

— Je reconnais ces habits... souffla Grom, un des marchands.

Grom était grand et musclé, comme tout le reste de son groupe. Sauf qu'il était encore plus grand et plus musclé que ses camarades.
L'homme ne dit pas un mot. Il semblait avoir soudain retrouvé la mémoire et continuait de se rapprocher du petit camp. Le feu crépitait.
— T'es qui, toi ? cria Calipsa.
Aucune réponse.
L'homme s'était maintenant planté au milieu des caravanes, le plus calmement possible.
— T'ES QUI, TOI ?! cria Grom.
Toujours pas de réponse.
— Je reconnais ces habits..., ajouta-t-il.

L'individu tourna alors légèrement la tête vers lui, d'une lenteur désespérante. Les autres marchands se levèrent. Ils avaient peur, peur de cet homme qui dégageait une aura de force, de cruauté, et peut-être même de tristesse. Grom cherchait mentalement à se rappeler à qui pouvait appartenir cet accoutrement.

L'individu ne bougea pas. Les six marchands n'avaient aucune idée de la manière dont ils devaient réagir.
— T'ES UN MUTANT !

Grom avait énoncé tout haut ce que tout le monde pensait. Et Grom avait raison. Le mutant baissa son cache-cou. Ses lèvres étaient couvertes de sang séché. Il parla alors :
— Oui. Et alors ? Je suis un mutant. C'est un crime ?

Sa langue fourchue rendait sa voix semblable à un grincement de porte.
Grom s'était levé. Sa patience commençait à faiblir. Les autres marchands étaient perplexes.
— OUI, C'EN EST UN !

Les yeux du mutant virèrent au rouge.
— Que j'aimerais être humain, moi ! Comment oses-tu dire que c'est un crime ? Que tu en as de la chance, toi !

Bien que Grom ait une carrure imposante et soit très musclé, il frissonna.
— Je mange les humains car j'ai besoin de me nourrir. Ce n'est pas de la méchanceté !

Grom l'attaqua. Il n'avait aucune chance. L'individu n'eut aucun mal à l'envoyer valser sur la dune. Deux doigts, deux simples doigts avaient suffi à abattre ses deux cents kilos. Une flaque de sang se forma autour du cadavre. Deux doigts l'avaient tué.

Le reste du groupe se mit en position de défense.
— Que nous veux-tu ? demanda Jaked.
— Mais la réponse est évidente. Me venger.

Il enleva alors sa tenue. Et ce que cachait le manteau n'était pas des jambes, mais une queue de serpent. Son chapeau dévoila un crâne chauve. Ses yeux étaient rouges.

Les marchands ne tentèrent même pas de fuir, car cela aurait simplement rendu leur mort plus douloureuse. Puis le mutant commença son massacre. Cette nuit-là fut la dernière.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 04 ⏰

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