Ce fut ainsi que commença la fin
D'après Astérix , les gaulois redoutaient que le ciel nous tombe sur la tête. Une croyance débile.
Pourtant quand je vois les énormes cailloux noirs qui chutent des cieux étoilés , je me demande si le Dieu n'a pas décidé qu'il en serait ainsi.
Ça a commencé par quelques mois de pluies , les nuages ont pleuré sans relâche pendant de longs jours mornes.
Puis ce sont des grêlons qui ont stoppé définitivement l'activité de notre France. Certains gros comme un poing, d'autres tels la caricature d'un bel Américain.
Plus le ciel pleuvait, plus les mers montaient.
Toutes les villes littorales ont étaient évacuées.
Soudainement, les pluies se sont arrêtées. On a commencé à reconstruire.
Mais déjà , rien ne pouvait réanimer mon père.Trois mois passés , à chaque fois qu'un orage fut prévu , le phénomène recommençait.
Nous avions été logés, mon frère aîné , ma mère et moi , dans un grand parking souterrain.
Nous habitions côté France du tunnel Aragnouet-Bielsa. Alors très vite , on s'été retrouvés à l'abri des Pyrénées , sous un tunnel de plus de 3 kilomètres de rescapés.
On bouffais déjà les cadavres de nos morts , à cette époque là. Mais ce n'était que plusieurs semaines plus tard que j'avais réussi à les ingurgiter sans vomir, la faim justifie les moyens.
La plus part d'entre nous été cinglés , c'est sûr que manger mon frère cadet ne nous avais pas aidé non plus.
Inspirer. Expirer. Tout oublier.
C'était ça la mélodie qui tournait en boucle dans ma tête. Mon père me l'avait conseillé quelques minutes à peine avant de se pendre un rocher de la taille d'une petite voiture sur son crâne dégarni.
Parce qu'à force de pleurer , on finissait toujours fous. Alors il fallait faire abstraction de tous nos sentiments, et garder en tête que seule notre survie importait , et que quand on serait mort , on ne pourrait plus pleurer.
C'était ça , le plus dur , au final.
Mon frère murmure des mots doux de sa voix rocailleuse. Ils n'ont même pas de sens , il se contente d'enfiler des perles multicolores sur un collier noir de pleurs.
Mais il continue, et ça nous permet d'oublier un peu. Et puis collée dans mon dos , il y a ma mère , qui crie un peu , puis pleure beaucoup, et essaye ensuite d'étrangler le premier venu en hurlant que c'est lui qui a provoqué la colère de Dieu. Elle prie aussi. Mais elle prie pour crever avant de voir ses proches la tête défoncée par des obus venus du ciel.
Je me balance , étourdie par le pivert qui tape mes tempes à coups répétés. La litanie de la mort , m'a répondu ma mère quand je me suis plainte pour la première fois.
Mais moi , je préfère me dire que c'est mon cœur qui bat dans tout mon être , pour me rappeler que je vis. Parce qu'ici , la différence entre un vivant et un mort , on ne l'a voit que légèrement.
Si ton corps est entouré de gens , tu es mort , parce qu'on ne bouffe pas les vivants , pas encore.
Si tu ne bouge plus , et qu'on essaye de te bouffer , il y a deux possibilités : soit tu réagis , et on évite de te bouffer ; soit tu es inconscient, et on te bouffe avant que tu te réveilles.
Je dis bouffer , parce qu'il me semble non approprié d'utiliser le même terme ( manger ) pour la nourriture que pour les humains. Alors je ne mange pas mes proches , je les bouffes.
Ça m'aide à me sentir mieux.Je sors soudainement de mes pensées en sentant que des dents aiguisées essayent de bouffer mes orteils.
Mais mon frère s'occupe déjà du cas désespéré. A la seconde où l'autre est envoyé au tapis , une vingtaine d'hommes et de femmes viennent nettoyer le passage.
Je soupire.
— Quoi ? La voix de mon frère est grave , pourtant il n'a que 17 ans.
— On va tous finir comme ça.
— Inspirer. Expirer. Oublier.
— Je veux bien oublier le passer ! Mais l'avenir nous concerne encore !
— Non ... tu dois seulement t'occuper de ta survie présente. Oui , dans le futur on crèvera, oui , dans le passé on était bien. Mais tu ne peux rien faire dans tous les cas. Tu peux juste prendre les décisions présentes.Il tousse. Un crachat écarlate atterri par terre.
Je m'appuie encore contre son torse nu , sentant tous les muscles que je n'ai pas se contracter à mon contact.— Tu ne devrais pas m'approcher. Je vais crever. Tu vas vivre. Il faut que tu te mettes ça dans la tête.
— J'ai une tête à vivre ? Regarde comme je suis maigrichonne ! Si tu meurs , je ne survivrai pas 10 secondes. Et le pire , c'est que c'est ma propre mère qui va me bouffer.
— Tu as toujours été pessimiste , mais là, tu n'es pas censée pouvoir imaginer pire.
— Il y a toujours pire.
— Et il y aura toujours mieux. En attendant, on est vivant , et on a réussi à conserver tout nos petits êtres.Je ne répond pas. Parce qu'il est trop philosophique, et que la philosophie, c'est pas facile. Parce qu'il me faut du temps pour comprendre le sens des mots. Parce que je ne sais pas lire dans le regard, et que je n'ai jamais su.
— Je ne te demande pas de sourire , mais essaye de voir un peu plus le monde au présent.
— C'est trop dur. Je sais que j'ai l'air faible et ce n'est pas qu'une impression. Je suis faible , et la mort est trop forte. Alors je ne suis qu'une feuille au vent , ballotée dans tous les sens sans pouvoir rien faire.
— Et bien , ça vient , la philosophie.
— Non. Je lâche juste une phrase qui me tourne en n'oublie dans la tête depuis que j'ai bouffé Léo. J'ai juste trouvé le bon moment pour la placer et m'en débarrasser.Silence. Car ma mère a décidé de s'en pendre à un homme musclé comme pas possible. Tatoué sur tous son corps , le crâne chauve et la barbe hirsute.
Elle s'en prend une dans la tête. Mon frère se lève pour rapprocher son corps inconscient de nous avant qu'elle ne se face bouffer.
— Je voulais te dire que j'étais d'accord pour que vous me mangiez. Juste j'aimerais que vous ne bouffiez pas mon majeur droit.
— On n'en n'ai pas là, ne pense pas au futur ! Mais juste , pourquoi ?
— Qu'il reste là assez longtemps pour que le putain de Dieu se le prenne dans sa gueule.
— Ah. T'es plus croyante d'un coup ?
— Non. Il nous a lâché c'est clair. Déjà que j'étais pas convaincue à fond , si il balance des cailloux sur la tête des chrétiens , je l'aime plus.
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Rendus et dessins
FantasyC dans le titre banane 🍌 。゚゚・。・゚゚。 ゚゚。Fuyez_y_a_une_folle2 ゚・。・