Chapitre 55

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Soan


Je suis toujours installé sur le transat depuis des heures. Je ne bouge pas. Mes muscles sont raides, ma bouche sèche, et un goût amer d'alcool et d'herbe me colle au fond de la gorge. Le poids de la nuit passée pèse lourdement sur ma poitrine. Maria est partie se coucher après ce que je lui ai avoué. Pourtant, je sens encore sa présence, comme si elle avait laissé une partie d'elle-même derrière. Peut-être est-ce simplement le fantôme de ce que nous étions avant que je n'ouvre la bouche.

Je fixe le ciel du petit matin, m'accrochant à la lumière froide et distante. Les étoiles me rappellent à quel point je suis loin de la rédemption, perdu dans une noirceur que même Maria ne pourra jamais effacer. Elle veut m'aider, je le sais. Mais comment pourrait-elle vraiment comprendre la laideur qui m'habite ? Comment pourrait-elle aimer un homme capable de... Je n'arrive même plus à prononcer ces mots. Pas maintenant. Les souvenirs se bousculent dans ma tête, chaque image plus vive que la précédente. Cette nuit-là, ce coup de feu... La vie qui quittant ses yeux, le silence pesant qui a suivi... C'est un fardeau que je porterai toujours, un fardeau que je ne suis pas sûr de pouvoir partager avec elle, même si elle en connaît déjà une partie.

Je me redresse avec peine, mes membres engourdis par l'immobilité. L'air de la nuit est frais, piquant contre ma peau échauffée par la honte et l'alcool. Je repense à ses paroles, à la force avec laquelle elle a affirmé qu'elle resterait. Une partie de moi voulait la repousser, lui crier qu'elle ferait mieux de fuir pendant qu'elle le peut encore. Mais je suis trop égoïste pour ça. J'ai besoin d'elle plus que je ne veux l'admettre.

Des souvenirs reviennent par vagues, me rappelant comment j'en suis arrivé là, à ce moment précis où l'amour et la culpabilité s'entremêlent si profondément que je ne sais plus les distinguer. Mon cœur se serre à chaque battement, et je sens cette nausée familière monter en moi, celle qui me rappelle chaque seconde l'horreur de ce que j'ai fait.

Je ferme les yeux, mais l'obscurité est plus oppressante qu'apaisante. Les images sont là, toujours présentes, à jamais gravées dans ma mémoire. Maria mérite mieux que ça, mieux que moi. Mais je n'ai plus la force de me battre contre moi-même, et elle est ma seule ancre, le seul lien qui me retient encore de sombrer complètement.

Je me lève enfin, chancelant sous l'effet combiné de l'alcool et de la fatigue. Il faut que je fasse quelque chose, que je trouve une issue à cette spirale infernale. Mais chaque pas me ramène à elle, à ce qu'elle représente pour moi, ma lumière dans cette obscurité, la seule lumière que je suis terrifié de voir s'éteindre.

Je me traîne jusqu'à la salle de bains, mes mouvements sont lourds, chaque pas semble plus difficile que le précédent. La douche me paraissait un refuge, un endroit où je pourrais me laver de la crasse invisible qui recouvre mon âme. L'eau brûlante s'écrase sur ma peau, me rappelant que je suis toujours vivant, que je suis toujours ici, piégé dans cette réalité que je voudrais fuir. Les gouttes ruissellent sur mes épaules, emportant avec elles la sueur, l'alcool, la fumée de l'herbe, mais rien ne peut emporter le poids qui pèse sur ma conscience. Mes mains agrippent le bord du lavabo alors que je me penche en avant, ma respiration lourde et erratique. Je m'efforce de reprendre le contrôle, de calmer ce tumulte intérieur, mais chaque tentative échoue.

L'idée de retourner dans cette chambre me terrorise, non pas parce que je redoute de voir Maria, mais parce que je redoute ce que je pourrais y voir dans ses yeux. Pourtant, je me dirige vers la porte, me préparant mentalement à ce qui m'attend. À peine entré dans la chambre, je la vois allongée sur le côté, ses traits doux et paisibles contrastant avec le chaos qui règne en moi. Même dans son sommeil, elle semble être la paix incarnée, une paix que je me sens indigne de troubler.

Friendship to loverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant