Chapitre 15

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Les mots que je m'apprête à poser sur cette page sont comme des lames déchirant ma chair, chaque ligne une plaie béante qui ne guérira jamais. Ce que je vais décrire a laissé des cicatrices si profondes qu'elles marquent non seulement ma peau, mais aussi chaque fibre de mon être. Ce jour-là, j'ai été témoin d'une cruauté qui dépasse l'entendement humain, une haine si pure, si dévastatrice, qu'elle a arraché le dernier éclat d'innocence qui me restait. Ce jour-là, la vie elle-même m'a tournée le dos, me laissant seule face aux ténèbres.

Je me souviens de ce moment avec une clarté douloureuse, comme si chaque seconde était gravée au fer rouge dans ma mémoire. Le vortex m'a engloutie, un tourbillon de ténèbres suffocantes, m'arrachant à tout ce que je connaissais. Ce tunnel, cette spirale infernale, semblait sans fin, un passage vers une nuit sans étoiles, où chaque tournant me rapprochait de l'abîme. Quand je fus projetée à l'autre bout, l'atterrissage fut plus qu'un choc physique ; c'était une rupture, un arrachement brutal à tout espoir. Le sol dur et froid me saisit comme une étreinte glaciale, et je restai là, haletante, le souffle volé par l'horreur de ce qui m'attendait.

Le portail se referma derrière moi avec un claquement sec, comme un couperet qui tombe, coupant définitivement tout lien avec le monde que j'avais connu. Le son résonna dans l'air lourd, laissant une vibration de désespoir imprégner chaque fibre de mon être. Je levai les yeux, et il était là, Shade, une silhouette imposante se découpant contre l'obscurité. Son ombre semblait s'étendre à l'infini, m'écrasant sous son poids. Ses yeux, deux brasiers de malice et de haine pure, me fixaient avec une intensité qui perça mon âme, brûlant chaque once de résistance que je pouvais encore avoir.

Il n'y avait pas de répit, pas de temps pour se remettre. Juste cette présence écrasante, cette figure qui incarnait tout ce que l'on pouvait craindre dans les ténèbres. C'était comme si le monde entier s'était réduit à cet instant, à cette confrontation où il n'y avait ni pitié ni échappatoire. Le sol sous moi était dur, mais c'était le poids de son regard qui me paralysait, qui me clouait à cette terre inconnue. Il ne s'agissait pas seulement de domination physique, mais d'une annihilation totale, d'une déconstruction méthodique de mon être, morceau par morceau.

Mon père m'avait toujours enseigné à ne jamais détourner les yeux, à affronter l'ennemi avec un regard fixe, un acte de défi, un rappel silencieux que même dans la peur, il restait une étincelle de résistance. Mais face à Shade, ces leçons semblaient dérisoires, presque insignifiantes. Il y avait quelque chose dans ses yeux, une noirceur insondable qui dévorait tout. Ce n'était pas seulement un regard ; c'était un gouffre, une profondeur abyssale qui semblait aspirer mon âme, la disséquant, exposant chaque peur, chaque faiblesse avec une précision cruelle.

Son regard n'était pas simplement insoutenable, il était annihilant. Il ne se contentait pas de me voir ; il me traversait, pénétrant au plus profond de mon être, là où se cachaient mes cauchemars les plus intimes, ceux que je n'osais même pas reconnaître moi-même. Sous ce regard, je n'étais plus une guerrière, plus une fille, plus rien. J'étais une entité déchirée, exposée à une lumière crue qui révélait chaque fissure, chaque ombre que j'avais toujours tenté de fuir. Mes certitudes vacillaient, mes convictions se dissipaient comme un mirage. Ce n'était plus seulement un affrontement, c'était une mise à nu, un déchirement de mon humanité face à une force qui incarnait la destruction même.

Le monde autour de moi semblait se rétrécir, se réduire à ce regard oppressant, suffocant. Je pouvais presque sentir ses yeux fouiller mon esprit, déterrer les souvenirs les plus sombres, les regrets les plus amers, les failles que je m'efforçais de masquer. Sous ce regard, tout ce que j'avais caché, tout ce que j'avais refoulé, revenait à la surface, me submergeant dans une vague de terreur et de désespoir. C'était comme si Shade possédait le pouvoir non seulement de voir, mais de remanier, de tordre ce qu'il trouvait, modelant mes peurs jusqu'à ce qu'elles deviennent insurmontables, inévitables.

Héros d'un autre tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant