Sous l'ombre fraîche du grand arbre à palabres, les enfants du village étaient restés silencieux, absorbés par les dernières paroles de Baba Afolabi. Mais ce soir-là, l'histoire n'était pas terminée. Le vieil homme, après un moment de réflexion, reprit la parole, sa voix à nouveau douce mais teintée de la gravité d'une vie de sagesse accumulée. L’air était toujours lourd de mystère et de nostalgie, comme si même les branches du grand arbre se penchaient pour mieux écouter.
« Mes enfants, l'histoire d'Oluwakèmy ne s'arrête pas là. » Il ajusta à nouveau son pagne, ses mains maigres tremblant légèrement sous le poids des souvenirs. « Après avoir quitté son village, sous la protection de Maman Arike et de l'ami de ses parents, Oluwakèmy se retrouva sur la route, marchant vers un avenir incertain. »
Les enfants se penchèrent un peu plus en avant, accrochés à ses mots. Baba Afolabi poursuivit, ses yeux se perdant dans la lumière mourante du crépuscule.
« L'ami de ses parents, un homme du nom d’Olawale, avait été proche de la famille depuis des années. Il connaissait la douleur d'Oluwakèmy et avait vu l'injustice qui l'avait accablée. C'est avec un cœur lourd qu'il décida de l'aider à fuir le village pour lui offrir une chance de recommencer sa vie loin des superstitions et des accusations injustes. Ils prirent la route ensemble, marchant pendant des jours à travers champs et forêts, jusqu'à ce qu'ils atteignent la grande ville de Cotonou. »
À ces mots, les enfants ne purent retenir un murmure d'excitation. Cotonou était pour eux une ville mystérieuse, lointaine et pleine de promesses, un lieu où tout semblait possible. Baba Afolabi, observant leur réaction, esquissa un léger sourire avant de continuer.
« Cotonou, mes enfants, est un endroit bien différent de Pobè. C'est une ville animée, pleine de vie, où les rues sont bordées de marchands, de commerçants, de gens venus de tous horizons. Pour une jeune fille comme Oluwakèmy, habituée à la tranquillité de son petit village, Cotonou représentait un mélange de fascination et de peur. Elle se sentait à la fois perdue et curieuse dans cette grande ville où personne ne la connaissait, où elle pouvait enfin espérer échapper à son passé. »
Olawale, l'ami fidèle, connaissait une femme qui vivait dans un quartier modeste de la ville, une veuve du nom de Mâ Fumilayo. Cette femme, bien que durement éprouvée par la vie, était connue pour sa générosité et son grand cœur. Elle avait élevé seule ses six enfants après la mort de son mari, se battant jour après jour pour leur offrir une vie décente. Mâ Fumilayo, malgré ses difficultés, n'hésitait jamais à tendre la main à ceux qui étaient dans le besoin.
« C'est dans cette maison, mes enfants, qu'Oluwakèmy trouva refuge, » continua Baba Afolabi. « Olawale l'emmena chez Mâ Fumilayo, espérant qu'elle y trouverait enfin la paix et la sécurité qui lui avaient été arrachées si brutalement. »
À leur arrivée, Mâ Fumilayo les accueillit avec un large sourire. C'était une femme forte, aux traits marqués par les années, mais avec une chaleur dans le regard qui trahissait un cœur compatissant. Dès qu'elle vit Oluwakèmy, elle comprit qu'elle avait devant elle une enfant brisée, en quête d'amour et de protection.
« Olawale présenta Oluwakèmy à Mâ Fumilayo, lui expliquant tout ce que la jeune fille avait traversé, » poursuivit Baba Afolabi. « Il lui raconta l'accident tragique qui avait emporté ses parents, les accusations infondées de sorcellerie, et la manière dont elle avait été rejetée par sa propre famille et son village. À mesure qu'il parlait, Mâ Fumilayo écoutait attentivement, son cœur se serrant pour cette enfant qui avait tant souffert. »
Les enfants du village écoutaient avec une attention redoublée. Ils pouvaient presque voir cette scène se dérouler devant eux, la silhouette imposante de Mâ Fumilayo penchée sur la petite Oluwakèmy, son regard bienveillant et son sourire rassurant.
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Le dernière soupir d'une âme brisée
DiversosDans l'ombre des pages, un destin se dessine, Un récit de souffrance, où la douleur s'incline. Chaque mot, un écho d'un cœur déchiré, Chaque vers, un soupir d'une âme enchaînée. Là où l'amour s'efface, les larmes s'invitent, Les espoirs bris...