Rêve ou réalité?

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Lorsqu'Adrien ouvrit les yeux, il était dans son lit. L'esprit encore embrumé par le sommeil, il lui fallut une bonne minute pour réaliser que quelque chose n'allait pas. Comment était-il arrivé là, se demanda-t-il en se remémorant sa nuit d'insomnie, sa nuit d'écriture et sa rencontre avec sa belle voisine qui occupait ses pensées.

La dernière chose dont il se souvenait, c'était de sa petite bagarre ludique contre Alya qu'il était en train de perdre. Plus il y pensait, plus les événements lui paraissaient surréalistes, ce qui l'amena assez naturellement à se demander s'il n'avait pas rêvé. Plus il y pensait, plus cette hypothèse lui paraissait crédible.

Il n'avait jamais été très doué pour parler aux gens à cause de son enfance solitaire. Fils d'un styliste de renom et comptant parmi les personnages les plus illustres de la bonne société parisienne, il n'avait pas eu la vie d'un adolescent ordinaire. Jusqu'à ses seize ans, il avait étudié à la maison, avec des professeurs particuliers. Jusqu'à peu, il ne pouvait sortir sans garde du corps. Pendant longtemps, la seule personne de son âge qu'il était autorisé à côtoyer était les enfants des amis de ses parents. Ce qui se limitait à deux filles de son âge qui étaient mignonnes, mais comment dire... Eh bien, disons qu'elles représentaient le parfait exemple des travers dans lesquels pouvaient sombrer les enfants privilégiés.

Kagami était la fille d'une femme d'affaires richissime possédant une entreprise commercialisant les technologies du futur. À son instar, la jeune Japonaise avait eu une enfance extrêmement solitaire. Sa mère était exigeante autant qu'autoritaire, n'exigeant rien de moins que la perfection en toutes choses de sa progéniture. Elle considérait ceux qui vivaient de manière moins stricte comme de simples cailloux sur son chemin. Adrien aimait bien Kagami, seulement, elle était rigide et sans fantaisie. La jeune Japonaise avait grandi en s'astreignant à une rigueur presque militaire pour satisfaire les attentes de sa mère. Issue d'une famille japonaise traditionnaliste, on lui avait inculqué la croyance qu'obéir sans discuter était une question d'honneur. L'idée de désobéir à sa mère ou de s'insurger contre les règles sévères qui lui étaient imposées ne lui avait sûrement jamais traversé l'esprit. Pas même une fois.

Chloé, fille du maire de Paris et d'une styliste, contrairement à lui et à Kagami, ses parents la laissaient libre de faire ce que bon lui semblait. Son père lui passait tous ses caprices et ne la réprimandait jamais pour ses nombreuses bêtises. Plus d'une fois, il avait usé de son influence pour éviter à sa fille une sanction à l'école. Résultat, Chloé était intouchable au lycée et elle en profitait. Snob au possible, la fille se pensait au-dessus de ses camarades issus de milieux plus modestes qu'elle méprisait. Évidemment, comme elle bénéficiait d'une immunité totale, elle en profitait pour faire des blagues à ceux qu'elle n'aimait pas ou qui lui résistaient au point que cela frisait le harcèlement.

Plus il pensait aux événements de sa dernière rencontre avec sa jolie voisine, plus il se convainquait que ce genre de chose ne pouvait arriver que dans un rêve. Déjà, se montrer aussi extraverti avec une fille ne lui ressemblait pas, bien au contraire, il était plutôt de nature réservée. Et puis, s'il avait agi ainsi avec une fille, elle l'aurait trouvé lourd et serait partie ou l'aurait engueulé, voire giflé. Surtout, en dehors de ses fantasmes, il doutait qu'une fille puisse le dominer comme l'avait fait la belle métisse, surtout de la façon dont elle s'y était prise. La dernière chose dont il se souvenait, c'est lui étouffant, la tête entre la voluptueuse poitrine de la fille à la peau d'ébène. Oui, ce genre de scénario érotique ne pouvait naître que dans l'esprit d'un jeune homme de dix-huit ans encore puceau et célibataire depuis beaucoup trop longtemps.

Convaincu que, malgré le réalisme avec lequel il se souvenait du rêve, tout cela ne s'était passé que dans son imagination, il sortit de son lit. Immédiatement, il se rendit compte que quelque chose n'allait pas. Il était entièrement nu. Or, le garçon portait toujours des pyjamas, car lorsqu'il rechignait à se lever, l'assistante de son père pouvait venir le réveiller.

« Alexa. Quelle heure est-il ? »

« Il est 15h30. Je vous souhaite une bonne journée, » répondit l'appareil.

Merde, se pouvait-il que cela soit arrivé ? Qu'il soit rentré et ait fait une sieste comme il l'avait dit dans son songe ?

Seulement, il avait beau essayer de se remémorer ce qui s'était passé, il ne se souvenait pas être rentré, ni de s'être couché. Et quand bien même, il aurait mis son pyjama, l'habitude était devenue mécanique avec le temps au point que cela s'apparentait à un toc.

Il alla prendre sa douche et s'habiller. À peine sorti de sa chambre, Nathalie, l'assistante de son père, lui dit :

« Adrien, votre père voudrait vous voir à propos de ce que vous avez fait cette nuit. »

Il sentit un frisson d'horreur le parcourir à l'idée de raconter à son père ce qui s'était passé plus tôt. Voyant la réaction du jeune homme, le masque d'impassibilité de l'assistante, toujours si indifférente, se fissura momentanément.

« Avez-vous fait des bêtises, Adrien ? » demanda-t-elle presque inquiète.

« Pas vraiment, je n'arrivais pas à dormir ; alors j'ai été faire un tour au parc. »

« Adrien, vous savez que votre père n'aime pas que vous sortiez seul. »

Étant le fils d'un personnage éminent, son père exigeait la présence d'un garde du corps dans tous ses déplacements. Plus que sa maladresse avec les filles, avoir un gorille l'accompagnant dans tous ses déplacements avait largement contribué au maintien de son perpétuel célibat. Cela avait fait l'objet de nombreuses plaintes de la part d'Adrien.

« Le parc est à peine à un kilomètre de la maison. Je ne me souviens pas être rentré. »

« Une jeune fille vous a trouvé en train de dormir sur un banc dans le parc et vous a ramené. Elle vous a porté dans votre chambre et vous a mis au lit. »

Adrien se dit qu'il avait peut-être rêvé, finalement. Après avoir fini d'écrire, il s'était endormi et... Attendez ! Minute. Marche arrière. Qui l'avait déshabillé ?

« Qui m'a porté jusqu'à ma chambre ? » demanda-t-il en essayant de contrôler sa voix pour qu'elle soit aussi neutre que possible.

« La jeune fille qui vous a ramené vous a porté jusqu'à votre chambre, après quoi votre père a voulu lui parler dans son bureau. »

Le garçon rougit. Le doute n'était plus permis, c'était elle qui l'avait déshabillé. Qu'avait-elle pu dire à son père ? Toujours dans le doute quant à la réalité de ce qui s'était passé dans le parc, il aurait aimé dissiper le doute sur la fille qui l'avait ramené, seulement il pourrait être embarrassant de poser la question directement. Alors, avec ironie, il dit :

« Eh bien, j'ai beau être filiforme comme l'exige mon métier de mannequin, elle doit être bien costaude pour me porter jusqu'ici. Avec une telle force, elle ne doit pas être très féminine. »

« Au contraire, physiquement en tout cas. Vous l'avez peut-être déjà vue, sa famille a emménagé dans le quartier. C'est une belle jeune fille noire qui doit avoir votre âge. »

« Ah, oui. Effectivement, c'est une très jolie fille. Je la remercierai à l'occasion de s'être tant peinée à me ramener. »

« Ne vous inquiétez pas, Adrien, cela n'a pas eu l'air de lui demander beaucoup d'efforts. C'est une fille très en forme apparemment. »

« Oh ! Dans ce cas, il faudra que je me mette sérieusement à fréquenter plus assidûment la salle de sport, avant qu'elle ne devienne plus forte que moi, » déclara-t-il toujours sur le ton de la plaisanterie.

Puis arriva quelque chose qu'Adrien n'aurait jamais cru possible, l'impassible Nathalie sans cœur sourit. Un sourire léger et éphémère qui ne dura qu'une brève seconde, mais un sourire quand même sur une femme dont les expressions du visage étaient aussi figées que celles d'une statue.

« Je pense que c'est déjà le cas. Je pense que vous allez devoir beaucoup travailler pour la rattraper, mais c'est bien de se donner un objectif ambitieux. »

Puis retrouvant son masque d'impassibilité, elle dit :

« Allons, ne faites pas attendre votre père. »

S'attendant au pire, il entra dans le bureau de son père.

Rencontre dans le parc Shjp Alya X AdrienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant