VI.

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L'énergie de la foule bourdonnant encore, Gabriel se retire dans son bureau qu'il considère comme son sanctuaire, une pièce imprégnée d'histoires silencieuses de ceux qu'il vise à servir. Ici, les murs résonnent des vies des autres à travers des tableaux —des images de mains calleuses et de fronts ridés, tous luttant pour la dignité qui leur était due. Gabriel se tient immobile au milieu de cette vision de la lutte des classes ouvrières, ses yeux noisette traçant les contours des visages peints, chacun étant un rappel poignant de son devoir.

Le privilège de son éducation —une vie protégée de telles adversités— pèse lourdement dans son esprit. Pourtant, c'est précisément ce privilège qu'il cherche à démanteler, brique par brique, pour construire à la place un monde où l'équité n'est pas seulement une aspiration, mais une réalité.

"Est-ce suffisant ?" murmure-t-il à la pièce vide, sa voix n'étant qu'un souffle. "Suis-je suffisant ?"

Il n'obtient pas de réponse, seulement le regard constant des yeux illustrés qui semblent l'implorer de continuer à avancer, de combler le gouffre entre ce qu'il est et ce qu'il pourrait être.

Le rituel de sa routine nocturne l'appelle, le tirant de sa contemplation. Sur son bureau s'étalent des piles de lettres, chaque enveloppe étant un message d'espoir, de peur, de gratitude et de désespoir de la part des électeurs qu'il a juré de défendre. Gabriel brise le sceau de la première lettre, dépliant le papier avec soin, comme s'il était sacré.

"Cher Ministre Attal", commence la lettre, "Je vous écris parce que je ne sais pas vers qui d'autre me tourner..."

Chaque phrase tire sur les cordes sensibles de Gabriel, tissant une mosaïque d'expériences humaines si variées et profondes qu'il peut presque ressentir les émotions de ceux qui lui écrivent. Alors qu'il lit, il répond quand il le peut avec des mots de soutien, des promesses d'action ou simplement la reconnaissance de leur douleur —il sait que même cela peut être un baume pour une âme peinée par les difficultés. C'est ces heures tranquilles, cette communion avec les voix de son pays, qui le ramène à la réalité. C'est son but, l'essence même du devoir qu'il porte avec fierté et une détermination inébranlable. Et alors qu'il rédige sa réponse, son esprit dérive, s'autorisant des moments de vulnérabilité que les heures de la journée lui interdisent. L'existence de Gabriel est teintée de contrastes —son personnage public, un bastion de force et de conviction ; sa vie privée, un maelström de désirs interdits et de domaines secrets où il exerce le contrôle avec la même ferveur qu'il prône pour son démantèlement. Mais ici, dans la solitude de la nuit et le bruit de l'encre sur le papier, il trouve son équilibre, le point d'appui sur lequel les complexités de sa vie se balancent.

Avec chaque lettre remise dans son enveloppe, scellée d'espoir et de la promesse d'action, Gabriel ressent la satisfaction du devoir accompli. Pourtant, alors que l'horloge annonce une heure tardive, il reste un désir inexprimé, une douleur ardente pour quelque chose —ou quelqu'un— qui peut comprendre toute l'étendue de ce qu'il est, à la fois dans la lumière du jour et dans les ombres du crépuscule.

Dans les profondeurs de la nuit, enveloppé par le devoir et le sacrifice, Gabriel Attal, politicien et rêveur, se tient seul. Mais en lui brûle un feu, incessant qui murmure des batailles encore à mener et des amours encore à conquérir.

Forbidden DesireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant