III.

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Un coup frappé à la porte ramène Jordan au présent, son bureau soudainement trop confiné, comme si les murs sont témoins de son tourment intérieur et se resserrent avec un jugement silencieux. Il s'éclaircit la gorge, ses traits formant une expression de détermination.

"Entrez", dit Jordan d'une voix ferme, s'ancrant dans la réalité de son bureau de campagne, un contraste frappant avec le fantasme sauvage qui l'a saisi quelques instants auparavant.

La porte s'ouvre, et Jean-Philippe Tanguy entre, ses yeux bruns perceptifs scrutant Jordan avec une efficacité qui frôle l'invasion. La présence de Jean-Philippe est imposante, sa silhouette vêtue d'un costume qui murmure le pouvoir plutôt que de le crier.

"Tu prépares le prochain rassemblement ?" demande Jean-Philippe, sa voix résonnant d'autorité.

"Toujours", répond Jordan, forçant un sourire qui n'atteint pas tout à fait ses yeux bruns. "Qu'y a-t-il à l'ordre du jour ?"

Jean-Philippe hésite, sentant de la tension comme si Jordan portait un vêtement mal ajusté.

"Avant d'en venir à cela", commence-t-il prudemment, "je venais prendre de tes nouvelles. Tu as été... distant, dernièrement. Plus distant."

Le cœur de Jordan bat la chamade, un tambour de panique croissante. Se confier à Jean-Philippe sur son conflit intérieur lui semble aussi dangereux que de marcher sur un terrain miné. Pourtant, Jean-Philippe n'est pas seulement son collègue de campagne ; il est ce qui se rapproche le plus d'un confident dans ce théâtre suffocant de la politique.

"J'ai..." commence Jordan, les mots s'accrochant comme des épines dans sa gorge. Il détourne le regard, fixant un point indéfini au-delà de l'épaule de Jean-Philippe. "J'ai eu des problèmes personnels. Rien qui n'affecte la campagne."

"Jordan", dit Jean-Philippe, s'approchant, sa voix devenant un murmure. "Tu sais que tu peux me faire confiance. Si quelque chose..."

"C'est juste..." l'interrompt Jordan, sa résolution s'effondrant sous le poids de son secret. "C'est ma sexualité, Jean-Phi. La vérité, c'est que je suis gay. Et chaque jour, j'ai l'impression d'étouffer sous cette mascarade."

Le silence qui suit est assourdissant. Jordan se prépare à une multitude de réactions – choc, déception, trahison. Mais Jean-Philippe se contente de hocher la tête, son expression indéchiffrable.

"Merci de m'avoir fait confiance pour cela", répond Jean-Philippe d'un ton égal. "Et saches que cela ne change rien à la façon dont je te vois ou à ta capacité à diriger. Ce dont tu as besoin, c'est d'une stratégie, non seulement pour ta campagne, mais aussi pour gérer cet... aspect personnel."

"Stratégie ?" répète Jordan, le mot lui semblant étranger sur sa langue lorsqu'il s'agit de quelque chose d'aussi intime.

"Exactement", dit Jean-Philippe, son regard inébranlable. "Nous naviguerons ensemble, discrètement. Ta vie privée reste privée. Quant au reste, nous nous concentrons sur ce que nous pouvons contrôler : ton image, la campagne et ton futur succès."

Jordan trouve un certain réconfort dans la réponse de Jean-Philippe, une bouée de sauvetage lancée au milieu des mers tumultueuses de sa conscience. Voilà son stratège, offrant le même soutien calculé à son moi caché qu'à sa personnalité publique.

"Merci, Jean-Phi", dit Jordan, un véritable sentiment de gratitude l'envahissant. Même lié par le devoir et l'ambition, il n'est pas seul dans ce combat.

"Retournons au travail alors", déclare Jean-Philippe. "Nous avons une campagne à gagner." Alors que Jean-Philippe détaille le programme de la journée, Jordan écoute, laissant le rythme des responsabilités familières l'ancrer. Pourtant, sous la surface, ses désirs demeurent, une force indéniable qui promet de le mettre à l'épreuve à chaque tournant.

Jordan Bardella monte sur scène lors d'un nouveau rassemblement avec une aisance pratiquée, ses cheveux bruns impeccables, ses yeux bruns scrutant la foule de fervents supporters. Il porte un costume sur mesure qui met en valeur sa carrure robuste – un costume qui transpire le pouvoir et la tradition. Alors qu'il commence à parler, sa voix résonne à travers la foule, chaque mot énoncé avec la précision d'un homme connaissant l'impact de la rhétorique.

"Aujourd'hui, nous nous tenons sur les fondations que nos ancêtres ont posées pour nous", proclame Jordan, gesticulant. "Une fondation bâtie sur des valeurs conservatrices, la responsabilité fiscale et la promesse d'une intervention gouvernementale."

La foule éclate en acclamations, des pancartes s'agitant comme des bannières sur un champ de bataille. Jordan s'imprègne de leur adoration, la laissant alimenter sa ferveur. À chaque phrase, il se dévoue à sa cause, parlant avec passion de la protection des droits des individus et de la sécurisation des frontières de leur pays bien-aimé.

Pourtant, même en parlant, Jordan sent le poids de son propre conflit personnel, la vérité cachée de sa sexualité menaçant de fissurer sa carapace. C'est son devoir : servir ceux qui croient en lui, incarner les idéaux qu'il lui ont été inculqués.

"La liberté n'est pas seulement un mot —c'est notre droit !" conclut Jordan, ses paroles résonnant puissamment dans la salle. Les applaudissements sont tonitruants, comme une validation de sa personnalité publique, même s'il est enveloppé de secret.

L'événement touche à sa fin et tandis que Jordan se retire en coulisses, son téléphone vibre, annonçant une notification. L'écran affiche un titre qui le frappe comme un coup de poing dans le ventre : "Gabriel Attal critique la position de Bardella sur l'immigration – dépassée ou simplement déconnectée ?"

Il clique sur le lien, son rythme cardiaque s'accélère alors qu'il lit les mots cinglants de Gabriel. Dans un article récent, son adversaire a disséqué les politiques de Jordan avec une précision chirurgicale, les qualifiant de draconiennes et accusant Jordan de flatter la peur plutôt que de favoriser l'unité.

"L'approche de Bardella n'est rien de plus qu'une tentative à peine voilée de satisfaire les extrêmes de son parti", disait la citation de Gabriel. "Nous avons besoin de leaders qui nous rassemblent, pas de nous diviser avec des croyances archaïques qui ne reflètent pas la diversité de notre nation."

La mâchoire de Jordan se serre. Les yeux noisette de Gabriel semblent le narguer depuis la photographie qui accompagne l'article. Il y avait un charisme indéniable chez Gabriel, un feu que Jordan déteste et désire secrètement.

"Maudit soit-il", murmure Jordan.

"Des ennuis ?" demande Jean-Philippe, apparaissant à ses côtés, ses yeux vifs et perspicaces.

"Rien que je ne puisse gérer", répond Jordan.

Il range son téléphone dans sa poche, l'image de Gabriel persistant dans son esprit, s'entremêlant avec les visions de passion interdite qu'il essaye si fort de réprimer. La rivalité entre eux est palpable, une tension à la fois politique et personnelle.

"Concentrons-nous sur le contrôle de nos émotions", suggère Jean-Philippe de manière pragmatique. "Tu peux contrer ses arguments lors du débat de la semaine prochaine."

"Bien sûr." Dit Jordan avec un hochement de tête. "Je serai prêt."

Alors qu'ils quittent l'événement, l'esprit de Jordan est un champ de bataille de stratégie et de désirs refoulés, chaque pensée de Gabriel Attal lui rappelant l'équilibre délicat qu'il s'efforce de maintenir. Son devoir envers sa carrière, ses électeurs et ses croyances fermement ancrées livre une bataille contre le désir croissant qui menace de le consumer entièrement.

Forbidden DesireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant