20 ANS

III. Rapprochement [1]

Cela faisait plus d'un mois que la fête d'anniversaire de Lucas avait eu lieu. Le mois d'août, particulièrement chaud et lourd cette année-là, avait finalement cédé sa place à septembre depuis quelques jours. Les vacances s'étaient achevées en même temps que l'été, et c'était sous un ciel nuageux que James avait entamé sa troisième année de faculté tandis qu'Aelis rentrait en première année. Ils discutaient maintenant tous les jours avec une facilité déconcertante, échangeant des dizaines de messages, sans jamais s'être revus depuis la soirée de leur rencontre. Aelis avait bien essayé quelques fois de glisser dans leurs conversations qu'un tel bar faisait apparemment les meilleurs cocktails du coin, ou qu'il y avait de nouveaux films à l'affiche dans les cinémas, sans que James ne rebondisse sur ces invitations déguisées. Cependant, celui-ci n'était pas dupe. Il savait pertinemment que ce qu'Aelis attendait plus que tout, c'était qu'il l'invite à sortir, même si elle ne l'aurait jamais avoué directement. Si James ne le faisait pas, c'était parce qu'il ne voulait pas courir le risque qu'elle s'attache encore plus à lui. Octobre approchait à grands pas, et ses vingt ans aussi. Dans un peu plus d'un mois, elle allait devoir réapprendre à vivre sans lui.

Mais ce que James n'anticipa pas, c'est qu'Aelis était inscrite dans la même faculté que lui. Ils le découvrirent au détour d'une conversation banale durant laquelle il lui avait demandé ce qu'elle étudierait à la rentrée :

"Je commence une licence de biologie. J'ai trop hâte ! avait-elle tapé en réponse.

- Ah oui ? Mais du coup, tu quittes la ville ?"

Il reçut un premier message qui trahissait l'excitation d'Aelis pour ses premiers pas dans la vie d'étudiante :

"Non, j'ai été acceptée à la faculté d'ici !!"

Il allait répondre quand un deuxième message apparut juste en dessous du premier.

"Mais attends, ce n'est pas là où vous faites vos études, Lucas et toi ?"

James soupira. Il aurait dû s'en douter. Son université était la plus grande et la plus renommée des environs. La probabilité qu'Aelis y fasse aussi ses études était donc importante. Pendant un instant, son esprit s'égara. Il s'imagina la croiser à la bibliothèque et lui proposer une pause café. Il songea à la rejoindre après les cours pour l'emmener pique-niquer dans un parc. Il vit son regard posé sur lui et entendit presque son rire résonner dans son morne quotidien. Lorsqu'il sortit enfin de sa rêverie, il remarqua avec horreur qu'il l'avait laissée en "Vu" pendant près de cinq minutes. Pris de panique, il se hâta de taper "Oui, mais je suis en licence d'histoire." avant de laisser glisser son téléphone sur son lit. Il ne savait certes pas dans quoi ils s'embarquaient, mais il sentait qu'Aelis n'en ressortirait probablement pas indemne.

Pour l'instant, celle-ci regardait fixement l'écran de son téléphone. La réponse de James à ses messages s'était faite attendre, et elle ne comprenait pas pourquoi. N'était-ce pas une bonne nouvelle qu'ils fassent leurs études au même endroit ? Elle avait envie de l'inonder de questions sur le campus, la scolarité, les examens et - le plus important - la cafétéria, mais il semblait peu disposé à y répondre. Certaines fois, elle ne parvenait pas à le suivre. Il donnait l'impression soudaine de se replier sur lui-même, comme s'il n'osait pas s'ouvrir à elle. Même si son attitude détachée la peinait parfois, elle gardait espoir de le croiser de temps à autre dans les couloirs et de pouvoir l'inviter à passer quelques heures avec elle.

***

Une semaine passa sans qu'ils ne se croisent. Officiellement, ils se dirent tous les deux trop accaparés par l'enchaînement des cours magistraux et des devoirs à rendre. Mais la véritable raison fut, pour l'un autant que pour l'autre, qu'ils n'osaient tout simplement pas faire le premier pas. C'est pour cela qu'en une chaude journée de septembre - certainement l'une des dernières de l'année - le destin décida à leur place.