II. Avant la chute

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— Le voilà !

Au détour d'un couloir, Caraghon tomba nez à nez avec Pelion et Algon.

— Ah, quand même ! s'exclama le premier. Nous commencions à nous demander si cette servante nous avait mal renseigné.

— Et surtout si ton sens de l'orientation était aussi aiguisé que tu le prétends, le tança le second avant de gratifier Caraghon d'une tape sur l'épaule.

Sans avoir pu prononcer un mot, il se laissa entraîner par ses frères d'armes. Ils croisèrent la route d'un couple de courtisans qui leur décochèrent un regard peu amène.

— Les autres nous attendent par-là, indiqua Pelion en pressant le pas.

En effet, au fond d'un couloir près de la galerie des temples, Askaos et Laedion étaient adossés contre un pilier et se redressèrent à leur approche.

— Allez, on dégage d'ici, grogna Laedion.

— Il n'y a pas beaucoup de monde qui passe ici, mais ils nous regardent tous salement, renchérit Askaos en portant sur Caraghon un regard soucieux.

Celui-ci se rapprocha instinctivement de son ami, conscient que Laedion le fixait d'un air mauvais.

— On se demande à cause de qui.

Ils se remirent en route. Même entouré de ses frères d'armes, Caraghon ne se sentait pas en sécurité. Heureusement, Askaos n'emprunta que des petites galeries désertes dont il ignorait jusqu'à l'existence. Après tout, cela faisait trois cycles qu'ils étaient là, et contrairement à lui, ses camarades étaient libres de leurs mouvements la plupart du temps.

— En quel honneur vous êtes-vous lancés à ma poursuite ? demanda Caraghon alors qu'ils montaient un étroit escalier en colimaçon.

Pelion lui jeta un regard par-dessus son épaule.

— En l'honneur des bruits qui courent au palais depuis ce matin.

— Le capitaine a voulu s'assurer que tu sortais vivant de là-dedans, enchaîna Algon. Avec tout ce qui se dit, nous avions peur qu'ils ne t'envoient directement au gibet...

Caraghon hocha la tête, la gorge nouée. Il n'avait pas fini de rendre des comptes.

Quand ils parvinrent dans les appartements du capitaine Laeïos, ses traits étaient crispés d'une colère froide. Il saisit Caraghon par l'épaule et ordonna rudement :

— Jurez votre innocence.

Soutenant son regard acéré, le jeune soldat prononça :

— Je jure, par Ekhaïsè, Iskro et les Premiers-nés, que je suis vierge des fautes dont on m'incombe.

Quand Laeïos le lâcha, il s'autorisa à respirer. Nul homme Dejclan possédant un tant soit peu d'honneur n'aurait osé parjurer un tel serment, et tous le savaient.

— Qu'est-ce qui se dit, du côté du roi ? s'empressa de demander Pelion.

— Amaran et Idiane de Calcède demandent réparation, grinça le capitaine en les toisant l'un après l'autre, mais j'ignore la décision du roi. J'ai laissé Lancasia les affronter seul quand on m'a dit que le conseil vous avait libéré.

Il marqua une pause avant de se frotter la nuque d'un air à la fois pensif et déçu.

— Je découvre l'existence d'un troisième prince d'Eälagon lorsqu'on m'annonce que l'un de mes hommes est accusé d'avoir tenté de le tuer. Le palais entier est sur le pied de guerre et nous risquons d'un instant à l'autre de passer du statut d'hôtes de la couronne à celui d'ennemis à abattre.

Le Prince Lune - Tome 2 : L'ombre sans nomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant