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Je m'assois au fond de la classe, essayant de me faire oublier, mais en même temps je regarde tout ce qui se passe autour de moi. Honnêtement, je la sens pas cette année. Je regarde autour et tout ce que je vois, c'est des meufs en quête d'attention, mortes de rire dès que Youssef ouvre la bouche. C'est abusé, on dirait qu'il a raconté la blague du siècle alors qu'il a juste demandé un stylo. Et les mecs, c'est pas mieux. Ils passent leur temps à faire les malins devant les profs ou à rester scotchés à leurs téléphones, comme si le monde autour d'eux n'existait pas. Et puis, y a moi, assise au fond, déjà en train de réfléchir à comment je vais réussir à survivre socialement cette année.

Le prof de droit tape sur la table, exigeant le silence, et d'un coup la classe se calme, mais c'est plus par obligation que par respect. Il nous dévisage un par un, comme s'il essayait de comprendre ce qu'il a devant lui.

Prof de droit : Vous savez ce que c'est cette année ? C'est le bac !! Et vous commencez déjà comme ça ?

Il s'avance vers le tableau, attrape un feutre, et écrit en grosses lettres "TERMINALE STMG". On dirait qu'il essaie de nous faire peur, mais personne semble vraiment le prendre au sérieux.

Prof de droit : Bienvenue en terminale STMG, les 2006. Cette année, vous aurez tous le bac. C'est pas parce que vous êtes en techno que vous devez vous relâcher ! Ça reste difficile...

Il n'a même pas fini sa phrase que Youssef l'interrompt, tranquille, comme s'il parlait à un pote.

Youssef : Monsieur, j'ai un appel, j'peux répondre ?

Toute la classe se fige, et le prof le fixe, incrédule. Le silence est lourd, les filles ricanent doucement, et moi, je regarde la scène de loin, me demandant ce qui va se passer.

Prof de droit : Tu prends ça pour une blague ou quoi ?

Youssef reste impassible, un petit sourire en coin, comme s'il se moquait de la situation.

Youssef : Hein ?

Prof de droit : Tu crois que c'est une blague, cette rentrée ?

Youssef : Monsieur, j'veux pas vous manquer de respect, mais j'dois vraiment répondre.

Le prof le fixe, les yeux plissés, comme s'il essayait de lire dans ses pensées. On dirait qu'il hésite entre l'envoyer balader et le laisser faire. Finalement, il soupire, puis me pointe du doigt.

Prof de droit : Nawel ? C'est ça ?

Je sursaute, pas vraiment sûre de comprendre pourquoi c'est moi qu'il interpelle.

Nawel : Euh... oui ?

Prof de droit : Suis-le et surveille-le.

Youssef me jette un regard reconnaissant et se lève sans attendre, se dirigeant vers la sortie en vitesse. Je me lève à mon tour, l'esprit un peu embrouillé. Pourquoi fallait-il que ça tombe sur moi ?

Je le suis dans le couloir, le regardant tourner en rond avec son téléphone collé à l'oreille.

Youssef : Aujourd'hui, je peux pas, frère. Ce soir peut-être, je sais pas... Putain, la galère !

Il a l'air stressé, bien loin de l'image du gars tranquille qu'il montre en classe. Il est tellement concentré qu'il semble oublier que je suis là. Je l'observe en silence, essayant de comprendre ce qui se passe.

Youssef : Comment tu me déduis ? J'ai taffé toute la nuit, hein !

Je soupire en sortant mon téléphone, lançant TikTok pour passer le temps. Sérieux, c'est quoi cette histoire ? Je pourrais être en train de prendre des notes importantes, mais au lieu de ça, je dois jouer la baby-sitter pour ce mec.

Youssef : Heychik, prête ton tel deux secondes.

Je lève les yeux, un peu surprise. Il se tient devant moi, toujours en appel, et me regarde avec insistance.

Nawel : Hein ?

Youssef : Comment "hein" ? J'vais pas m'ajouter sur Snap, t'inquiète. J'ai juste besoin d'appeler un collègue, c'est important.

Nawel : Avec mon numéro ?

Youssef hoche la tête, l'air de dire "C'est pas grave". Je le regarde, hésitante. Je sais qu'il va pas m'ajouter ou quoi, mais j'ai pas envie de lui faciliter la tâche non plus.

Nawel : D'accord, mais en échange...

Youssef : En échange ? Mais c'est juste un coup de fil, frère.

Nawel : Tu veux faire ton appel ou pas ?

Il sourit, mi-amusé, mi-nerveux, et me dévisage avec un air de défi.

Youssef : Vas-y, tu veux quoi ?

Nawel : En échange, je veux que tu te mettes avec moi en classe.

Youssef : Hein ? Kestu racontes ?

Nawel : Ça va, c'est juste la table d'à côté ! Et pour les travaux de groupe, histoire de pas être seule.

Youssef éclate de rire, secouant la tête comme s'il pouvait pas croire ce qu'il entend.

Youssef : C'est tout, la zine ?

Nawel : C'est tout.

Youssef : Azz.

Il prend mon téléphone et compose un numéro. En moins de deux secondes, il se retrouve à faire une conversation à trois avec mon téléphone. Eh beh, j'aurais jamais cru voir ça.

Après plusieurs minutes à entendre Youssef discuter, moi je commence à m'impatienter. Finalement, il raccroche, me rend mon téléphone avec un petit sourire satisfait, et on retourne en classe. Dès qu'on entre, les filles le regardent avec des yeux brillants, sourire aux lèvres. Mais elles sont un peu déçues quand elles le voient récupérer son sac et venir s'installer à ma table. Il pose son sac et se penche vers moi.

Youssef : Wallah, tu vas regretter de m'avoir demandé de me mettre avec toi pour les travaux de groupe.

Nawel : Je sais que tu vas rien faire, ptdr, c'est juste histoire de pas être seule.

Youssef : Azz, ben réveille-moi quand ça sonne.

Il pose sa tête dans ses bras et s'endort, tranquille, alors que le prof reprend son discours sur l'importance d'être rigoureux, de ne pas sécher, bref, le bla bla habituel. Je l'observe du coin de l'œil, à moitié amusée, à moitié agacée. Cette année s'annonce longue, vraiment longue.

Nawel [نوال] : Moi, eux et Lui.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant