22. Réveil incongru.

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Cassie

La chambre est plongée dans le noir. Je tâtonne autour de moi, je dois absolument me précipiter jusqu'aux toilettes, pour soulager ma vessie qui menace d'exploser. J'entame le chemin pour m'y rendre lorsque mes orteils rencontrent les pieds d'une table basse... qui est venue foutre le bordel dans ici... je n'ai pas de meuble à cet emplacement... Plus prudemment et après avoir ramassé mes pauvres membres endoloris, je repars précautionneusement. Mon corps a décidé de ne pas attendre que quelques gouttes d'urine commencent à prendre leur liberté dans ma lingerie. Vite... plus vite... plus vite... Enfin. Je m'installe confortablement et laisse les litres que contient ma vessie se vider dans la cuvette. Si c'est ça le paradis, je veux bien être emporté maintenant ! C'est du bonheur ! Une fois mon affaire faite, je m'essuie, me redresse et tire la chasse d'eau. La tête me tourne ; je crois que je me suis relevé trop rapidement. Une nausée s'élève et remonte jusqu'à ma gorge. Il n'y a pas de doute, je vais être malade. Après les fesses, c'est mon visage qui termine dans les toilettes et je rends tout le contenu de mon estomac. Des pas se précipitent vers moi, et mes cheveux ne se retrouvent plus dans mes yeux, comme par enchantement. Je dois dire que j'en suis soulagée, car ils sont propres, et je n'ai pas la force de me refaire ma routine. La sueur perle sur mon front à mesure que mes précédents repas se déversent hors de mon corps. Mon estomac se contracte et se tord de douleur. Les spasmes me vrillent les entrailles, mais, heureusement, ils commencent à s'espacer et à être moins violents.

— Ça va, mon cœur ?

J'essuie ma bouche et rougis de honte. Je me tourne vers Alekseï, dont les yeux remplis d'inquiétude et de détresse se sont posés sur moi. Je n'ai pas de force, encore moins pour lui répondre. Je préfère lâcher prise. Je m'écroule contre le mur et je glisse jusqu'à ce que mes fesses touchent le sol. La fraîcheur du carrelage m'apaise un peu, me permettant de remettre de l'ordre dans mes pensées.

— Je suppose que c'est ce qu'on appelle les « nausées matinales »...

Ses mains reposent sur mes genoux, alors qu'il est accroupi près de moi, tandis qu'il cherche des mots ou des gestes appropriés pour me réconforter. La situation le dépasse. Je m'en rends bien compte. Mais il ne faut pas qu'il s'inquiète, en fin de compte, c'est pour un bonheur futur. Je tente de le rassurer en esquissant un sourire timide, mais je suis à bout de force. Le voyant, il me saisie comme une jeune mariée et me ramène dans la chambre, sa chambre, dans son lit. Voilà pourquoi cette table basse a changé de place. Je ne me trouve pas dans mon espace. Le confort du matelas, après la dureté du sol, est un pur bonheur. Un soupir d'aise s'échappe de ma poitrine sans que je ne puisse le retenir.

— C'est la qualité de ma litterie qui te plait ou mon alléchante odeur ? J'aime l'idée que c'est seulement grâce à moi.

Je m'allonge sur le côté pour pouvoir l'admirer. Un sourire de charmeur barre son visage, faisant remonter ses pommettes. Ses cheveux en bataille lui confèrent un air enfantin, lui qui m'apparait tellement sûr de lui et maître en toutes circonstances. Cette vue me plaît énormément ; j'adore l'intimité qui s'est installée naturellement entre nous.

— Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? J'ai une corne de licorne qui vient de me pousser sur le front ?

Un éclat de rire s'échappe de ma poitrine, balayant les vestiges de nausées qui m'avaient assaillie récemment. Sans le vouloir, mon imagination débridée le visualise en tenue de cheval légendaire. Les tons arc-en-ciel agrémentés de paillettes redessinent son corps. Face à ce tableau, ma joie redouble, se transformant en un fou rire. Il y a bien longtemps que je n'avais eu mal aux abdos de la sorte. Mon ivresse semble contagieuse, car il se met à glousser comme un adolescent et part dans une guerre de chatouilles. Mon hilarité n'en finit plus provoquant des mouvements incontrôlables. Soudain, la porte s'ouvre avec fracas, nous faisant nous arrêter net. Les couvertures sont éparpillées autour de nous. Je ne suis recouverte que d'un infime morceau de drap qui laisse peu de place à l'imagination. Alekseï qui s'était alors redressé, pour faire face à l'intrus, ne se détend pas à la vue de son frère. Un silence lourd et étouffant règne dans la pièce, nous nous n'osons émettre le moindre bruit, le plus petit geste. Attendant la sentence. Il a accepté la situation sur le papier, mais la réalité est une tout autre chose.

Les ombres rouges.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant