Prologue

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Le regard rivé sur l'horizon, des nuances de rose et d'orange me brûlent presque les rétines. Le jour se meurt doucement et la mer n'a jamais été aussi belle. Cette étendue bleutée, où se reflète le soleil couchant, que j'aimerais infinie sur l'instant, trouve vite sa fin lorsque la terre apparaît au loin.

Je reviens à la réalité, ou la réalité me revient, je ne sais plus très bien. Je retire mon casque et quitte ainsi Serge Reggiani et ses paroles que je n'écoutais qu'à moitié, la tête dans les nuages, bercée par la houle, par les vagues et leurs ondulations, leur flot et leur écume. Je me retrouve alors plongée dans le remue-ménage, dans le bourdonnement incessant des dizaines de touristes qui se pressent sur le pont du bateau, paniqués à l'idée de manquer les derniers rayons du soleil, ou trop impatients d'apercevoir les premiers mirages de l'Île de beauté qui pointe à peine le bout de son nez.

Je m'arrête pour les observer, ces gens qui vont et qui viennent, sourire aux lèvres, les yeux pleins d'excitation. La plupart sont des vacanciers, ça se voit à leur tenue, à la manière dont ils se tiennent, détendus, bien heureux, un brin aventureux. Je les regarde et je les envie, ces gens pleins de vie venus pour profiter de l'été. Je les jalouse presque, moi qui fuis le continent, ses problèmes de famille et ses amours passés pour venir travailler. Je les zieute d'un mauvais œil, avec un semblant d'aigreur pas bien solide puisqu'il s'envole lorsque je surprends un bonhomme d'un certain âge, verre de Spritz en main, trinquer avec ce que je suppose être son épouse, et scander haut et fort : « À nos vacances ! Que cet été en Corse soit le plus beau de notre vie ! »

Un sourire déchire alors mon air revêche et j'étouffe un petit rire content en remettant mon casque sur les oreilles.

« Il suffirait de presque rien, peut-être dix années de moins, pour que je te dise « Je t'aime ». », chantonne Serge.

Je quitte le pont des yeux pour admirer le nouvel horizon où le soleil s'est tu depuis quelques secondes déjà. La nuit s'installe peu à peu, une nuit bleue. Un bleu sombre où perce encore la lumière de l'astre déchu. Un bleu profond et magnétique, au sein duquel on se noierait aisément, pour ne pas dire délibérément.

Une nuance de bleu si particulière qu'elle me paraît exceptionnelle, inimitable, et pourtant, cette nuance de bleu, je la retrouverai bientôt dans ses yeux.

La gouvernanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant