Chapitre 3 - Le chalet 64

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Un retard de trois minutes, une gueule de bois régurgitée aux pieds de l'assistante gouvernante et une insulte malencontreusement balancée au visage de ma supérieure. Il n'y a rien à dire, le bilan de cette première journée est un véritable sans-faute.


— Pardon ! Je suis vraiment désolée ! Je pensais que c'était Cléo.

Elle doit saisir le malentendu puisqu'elle ne s'énerve pas. Son visage n'est qu'ennui et elle souffle bruyamment en me demandant de sortir du pavillon.

— Fini pour aujourd'hui, on rentre à buanderie.

— Où est Cléo ?

Elle hausse les épaules.

— Rentrée à pied.

La grande blonde pleine de nerfs est rentrée à pied, voilà de quoi me soulager. Avec un peu de chance, une petite marche l'aura calmée et nous n'aurons pas à poursuivre notre dispute pitoyable de retour au camp.

— Prends aspirateur, me demande la gouvernante en se saisissant du reste des affaires.

Nous chargeons le coffre de la voiturette et nous engageons sur les rocailleux sentiers du camping. Penchée en avant, ses ongles manucurés de rose fermement agrippés à son volant, Danitza roule à vive allure, n'ayant que faire des aspérités du terrain ou des quelques véhicules qui croisent notre chemin. Elle ne me décroche pas un mot et je n'ose en dire plus. Je me contente de lui jeter quelques rapides coups d'œil, sans trop m'attarder, de peur qu'elle me surprenne de nouveau à la regarder de trop près. Elle a l'air fatiguée, et lorsqu'elle sort sa cigarette électronique de sa poche pour en tirer une bouffée, je la sens aussi stressée. Quand elle expire, un nuage vaporeux aux arômes caramélisés nous englobe et c'est avec plaisir que j'inhale ce savoureux parfum.

— Tu commences à quelle heure demain ?, questionne-t-elle en prenant une seconde bouffée de nicotine.

— Six heures.

— Alors toi nettoyer sanitaires demain matin avec Gléo, m'explique-t-elle, Antonella vous montrer comment faire.

— C'est qui Antonella ?

Elle dresse un sourcil inquisiteur en me dévisageant.

— Tu la connais pas ?

Je hoche la tête de gauche à droite.

— Non.

— Tu as de la chance, déclare-t-elle en détournant les yeux vers la route.

À ses dires, je ne peux m'empêcher d'éclater de rire, ce qui lui arrache un sourire. Entier mais pudique, ce dernier vient éclairer ma rétine avant de disparaître plus rapidement encore qu'il n'est apparu.

— Vous ne l'aimez pas ?

Elle ne répond pas et se contente d'éconduire mon interrogation d'un haussement d'épaules. Curieuse, j'aimerais en savoir plus, mais de peur d'être indiscrète, je n'insiste pas.

Nous sommes en train de ranger les affaires dans la buanderie lorsqu'un bonhomme sort du hangar des techniciens pour nous rejoindre à grandes enjambées. Danitza semble l'avoir vu venir de loin, puisqu'il n'est même pas encore arrivé qu'elle souffle déjà.

— Bonjour !, nous lance-t-il, tout enjoué.

— Bonjour !

Je suis la seule à le saluer en retour, mais il n'en a que faire, toute son attention est pour la femme à mes côtés.

— Je viens pour faire la bise à ma Danitza, précise-t-il en s'approchant d'elle.

Elle fait bonne figure en arborant un grand sourire poli suintant l'hypocrisie. Malgré sa gêne évidente, elle lui rend sa bise et consent à répondre aux quelques banalités qu'il nasille et que je n'écoute que d'une oreille. Elle écourte rapidement la conversation et il a tout juste rebroussé chemin qu'elle lève déjà les yeux au ciel, m'arrachant un sourire rieur au passage. Le bonhomme monte dans le camion poubelle et démarre en faisant un grand geste de main dans notre direction. Étonnamment, son air d'imbécile heureux ne s'estompe point lorsque Danitza lui répond d'un timide mouvement de tête. Le plus furtif des gestes d'attention de la femme semble suffire à combler le monsieur. S'amouracher de la gouvernante, pauvre de lui, que je le plains...

La gouvernanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant